Friedrich Glauser et la Suisse des années 30

Friedrich Glauser naît en Autriche, en 1896, dans un milieu bourgeois. Suisse par son père, il meurt en Italie en 1938. Bien que considéré comme l’un des fondateurs du roman noir de langue allemande, et que plusieurs de ses livres aient été traduits en français, en anglais et en italien, il est encore très mal connu en Suisse romande. 

 

Son enfance est bouleversée par la perte de sa mère, alors qu’il n’a que 4 ans. Eduqué par sa grand-mère paternelle, il fait une fugue et se retrouve une première fois en prison à l’adolescence. En conflit violent avec son père, il est envoyé dans une « maison de correction » en Thurgovie, où il fait une première tentative de suicide.

 

     De 1913 à 1916, il fréquente le collège Calvin à Genève. Il y tourne en dérision le recueil de poèmes d’un professeur de français qui s’arrange pour lui faire échouer sa maturité. Pour cette raison, il achèvera ses études secondaires à Zurich. Brièvement étudiant en chimie, il est en relation avec le mouvement dada, inhale de l’éther, s’endette et se voit mis sous tutelle.

     Il contracte une tuberculose, prend de la morphine et fréquente plusieurs institutions pénitentiaires et psychiatriques avant de s’engager dans la Légion étrangère en France, de 1921 à 1923, expérience sur laquelle il laissera un témoignage intitulé Gourrama (1940; Le Promeneur, 2002). Par la suite, il exerce différents petits métiers et poursuit une existence chahutée entre internements et incarcérations.

     Ses premiers textes publiés datent du début des années 30: il raconte son addiction dans Morphine (1932; éd. du Promeneur, 2000), avant d’écrire Les premières affaires de l’inspecteur Studer (1933; 10/18, 1999). En 1937, il publie Le Royaume de Matto, une satire de la psychiatrie bernoise, adaptée au cinéma dix ans plus tard sous le titre de Meurtre à l’asile.

     La même année, il rédige Dans les ténèbres (L’Age d’homme, 2000), inspiré de ses expériences de plonge dans un grand hôtel parisien, et de mineur à Charleroi. « Les ouvriers organisés, écrit-il, ont leurs syndicats, ils ont des moyens, des armes pour améliorer leur condition. Ils appartiennent à la « bonne société prolétarienne », si l’on peut se permettre cette expression. Mais nous ? Nous les hommes de peine ? Tchèques, Polonais, Russes, Italiens… nous sommes désarmés ».

     En 1938, l’année de sa mort, il publie ses deux meilleurs romans qui mettent en scène l’inspecteur Studer, dont la carrière a été ruinée par une enquête trop minutieuse dans les hautes sphères de la banque : Studer et le caporal extralucide (10/18, 1999) et Studer et l’affaire du Chinois (Le Promeneur, 1991). Enfin, à titre posthume, paraissent encore Le thé des trois vieilles dames (1940; Zoé, 1987), dont l’intrigue se situe à Genève, ainsi que Krock & Co (1941; 10/18, 2001).

     Bonne lecture, cela en vaut la peine.

 

Jean Batou