Rio+20

Rio+20 : Un accord quand même, mais lamentable

 On attendait peu de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable dite de Rio + 20. Il y eut pourtant une déclaration finale, en recul sur nombre de points et pleine du vide de prétendus engagements volontaires des Etats.

 

Si la diplomatie brésilienne a finalement réussi son forcing pour arracher un accord, c’est en choisissant la voie la plus consensuelle, celle du moins d’engagements contraignants possible et de l’absence de sanctions. A ce prix-là, l’alliance des Etats-Unis, du Canada et des pays en développement du G 77, emmenés par la Chine, l’Inde et le Brésil a payé. L’Union européenne, qui tenait beaucoup à ce que « l’économie verte » soit choisie comme seule voie du développement durable, a finalement accepté qu’elle ne soit pas considérée comme un « ensemble de règles strictes ». Tout ce qui pouvait favoriser une régulation et un contrôle au niveau international est évidemment passé sous la table. La convention prévue sur les océans et la protection de la biodiversité en haute mer est devenue un simple instrument. Les droits humains – et donc les droits des populations concernées – ont été relégués à la portion congrue. Le programme des Nations unies pour l’environnement, qui aurait dû obtenir le statut d’agence de l’ONU pour donner plus de force à ses recommandations, reste là où il est. L’idée de biens communs pour les ressources naturelles et de droits en découlant est évidemment repoussée. Et la revendication de l’eau comme droit universel a été affaiblie. Même le WWF Suisse a dû reconnaître que l’accord se résumait à des « mots sans substance ». Le Département de l’environnement (DETEC) de Doris Leuthard a, pour sa part, concédé que le texte n’était « pas à la hauteur des enjeux dans tous les domaines».

 

 

La sucette des ODD

Certes, la définition d’Objectifs du développement durable (ODD) a été présentée comme la voie menant vers des sociétés « soutenables ». En réalité, vu la pauvreté de leur définition, ils ne représentent qu’une porte de sortie du multilatéralisme, une sucette pour la route, en quelque sorte. Car la prédation des ressources n’est nullement limitée. Le terme de « croissance économique » est repris plus de 30 fois dans un document de 47 pages, alors que la justice environnementale passe à l’as. L’extraction minière est encouragée, elle est un des moteurs de la croissance et de la prospérité économique. Ses effets sur les territoires exploités, les populations avoisinantes et le risque de pénurie à court terme ? Allons, allons ce sont des enfantillages, voyons !

     Ce qui ne l’est pas, ce sont les recommandations pour relancer la libéralisation du commerce mondial (appel à boucler le cycle de Doha), la célébration du libre-échange et le refus simultané de toute restriction au commerce international. Et pour faire bonne mesure, le document consacre la prééminence des mécanismes de marché pour réguler l’environnement et s’orienter vers une « économie verte ». Régulièrement évoquées, les « nouvelles sources de financement » cachent mal l’appétit des milieux financiers, leur créativité en matière de produits dérivés et autres crédits carbone. Visiblement, le Pacte mondial des entreprises (Global Compact) et l’Action [du monde] des affaires pour un développement durable (BASD) ont bien travaillé.

 

Seul élément positif de cette conférence, la manifestation et les journées de débats organisées par le Groupe d’articulation du Sommet des peuples. Le jeudi 21 juin, plus de 80’000 personnes ont ainsi fait entendre, dans les rues de Rio, la voix des sans-voix du sommet officiel. A cette occasion, le dirigeant de Via Campesina, João Pedro Stédile, a appelé à l’unité de toute la classe laborieuse mondiale et rappelé que « les grands pollueurs, les usurpateurs des ressources naturelles des peuples, qui détruisent la vie sur Terre portent un nom: le capitalisme, les grandes entreprises transnationales comme Monsanto et Cargill, les banques! »  

 

Daniel Süri

 


La position d’Attac France

Dérèglements climatiques, extinction de la biodiversité et extension des déserts, déforestation, appauvrissement des sols et des ressources halieutiques, frénésie énergétique fossile, cette déclaration n’est à la hauteur d’aucun de ces grands défis écologiques. Elle ne permettra pas plus d’engager la transition vers des modèles de société soutenables et la modification en profondeur des modèles de consommation et de production des pays riches et des populations riches des pays émergents, de manière à assurer un accès égalitaire et partagé aux biens et services essentiels pour l’ensemble de la population mondiale.

 

   Cette déclaration ne favorisera pas non plus l’extension et l’application intransigeante des droits sociaux et droits du travail, la mise en place d’une protection sociale pour l’ensemble des travailleurs de la planète, la défense et promotion des services publics (santé, éducation, transports, etc.), pas plus que le développement d’une agriculture agroécologique, soutenable et en mesure d’assurer revenus et prospérité aux populations locales vivant de l’exploitation des terres. Plus largement, l’invention et la promotion de modèles économiques, sociaux, agricoles, culturels alternatifs sont toujours hypothéquées par le pouvoir de la finance et des marchés sur nos vies qui est peu à peu étendu à la «gestion de la nature». […]