Pérou

Pérou : La «Fujimorisation» du président Humala

« SolidaritéS » nº 190 du 23.6.2011 avait signalé la victoire d’Ollanta Humala (candidat de « Gana Peru », appuyé par la gauche péruvienne) à l’élection présidentielle contre Keiko Fujimori, fille de l’ex-dictateur Alberto Fujimori. Mais Humala a renié son programme et couvre aujourd’hui la répression contre les mouvements populaires — 12 morts en un an — qui contestent la catastrophe sociale et écologique causée par le modèle « extractiviste ».

 

Premier cas, à Espinar (région de Cuzco), dont la population s’oppose à un projet minier made in Switzerland. Le promoteur en est la multinationale Xstrata (siège social à Zoug), qui opère dans d’autres pays : Australie, Argentine, Colombie, Allemagne, Afrique du Sud, Espagne, Canada, Royaume-Uni.

 

     Le 28 mai, à Espinar, la police ouvrait le feu sur la foule, faisant 4 morts et de nombreux blessés. Le maire, Oscar Mollohuanca, a été arrêté et inculpé « d’émeute, enlèvement, dégâts et contraintes » (!) Or, la réalité est autre : « Les habitants de la bourgade d’Espinar en ont assez de voir leurs lamas et leurs moutons agoniser ou mettre bas des petits malformés. Et il n’y a pas que les bêtes: des gens aussi sont malades comme des chiens. Rien d’étonnant, les rivières étant empoisonnées au plomb, à l’arsenic et au cadmium par la mine de cuivre toute proche de Tintaya. Une mine exploitée par la multinationale Xstrata, Zoug, Suisse. Le groupe est tristement connu pour avoir salopé d’autres coins du monde » (Laurent Flütsch, « Vive la revolución », Vigousse, 22.6.2012).

     Autre point chaud de la contestation : Cajamarca, dont la population s’oppose au projet minier « Conga » de la société étatsunienne Newmont Mining. Celui-ci a été lancé en juillet 2011, après avoir eu l’aval de l’ex-président Alan Garcia en octobre 2010. « 78% de la population vit de l’agriculture et de l’élevage. L’eau est d’une importance capitale. L’assèchement de quatre lacs de montagne au profit du projet est au coeur de la protestation des habitants, avec le soutien du gouverneur régional, Gregorio Santos (dirigeant du Parti communiste du Pérou/Patria Roja)» (www.ptb.be). La grève générale illimitée lancée le 31 mai a été violemment réprimée : il y a eu des centaines de blessés et Gregorio Santos est poursuivi pour avoir appelé à la mobilisation.

     En juin 2011, l’ex-militaire Humala préconisait une répartition plus égalitaire des bénéfices miniers, une législation plus rigoureuse pour la protection de l’environnement et davantage d’investissements sociaux. Mais en décembre 2011, il a nommé un nouveau premier ministre, Oscar Valdès, militaire retraité, fort lié à l’industrie minière. Après avoir viré ses ministres de gauche, Humala est aujourd’hui soutenu par toute la droite et par la bourgeoisie financière et minière. Ce virage brutal ne reste(ra) pas sans conséquence. Pour l’instant, quatre député·e·s ont déjà quitté la fraction de « Gana Peru » — dont Javier Diez Canseco (vétéran de la gauche péruvienne) et Verónika Mendoza (députée de Cuzco, première élue en juin 2011 avec 47 088 suffrages), démissionnaire du Parti nationaliste péruvien (PNP). Réprimée violemment, la population qui avait massivement voté pour Humala s’estime (à juste titre !) trahie. Ainsi, on a pu entendre lors d’une émission télévisée une femme d’Espinar criant : « Président Humala, j’avais voté pour que tu gagnes et maintenant c’est toi qui nous fait tuer!». On a même vu Isaac Humala (fondateur du PNP et papa octogénaire du président) se rendre fin mai à Cajamarca pour appuyer la population en lutte contre la politique de son rejeton…

 

Hans-Peter Renk


Paraguay, le deuxième « coup d’Etat du 21e siècle »

Elu en 2008 à la présidence – grâce à une coalition hétéroclite entre la gauche et le Parti libéral-radical authentique (PLRA) —, Fernando Lugo a été destitué le 22 juin par le Parlement paraguayen (où conservateurs et libéraux sont majoritaires) et remplacé par le vice-président Federico Franco (PLRA).

 

   Prétexte de cette destitution : un affrontement survenu le 15 juin lors de l’évacuation par la police d’une grande propriété occupée par des paysans sans terre et qui s’est soldé par 17 morts (11 paysans, 6 policiers).

   solidaritéS reviendra ultérieurement sur la situation au Paraguay, où s’est constitué un « Front de défense de la démocratie » et où se déroulent des manifestations contre ce putsch institutionnel, dans un silence médiatique assour­dissant !

HPR

A lire Eric Toussaint, « Paraguay

(juin 2012) – Honduras (juin 2009) : d’un coup d’Etat à l’autre » sur www.cadtm.org

 


 

Lettre de démission du PNP (extraits)

 

« Pour moi, ce n’est pas un problème personnel. C’est un problème politique.

 

   Le modèle économique néolibéral que nous dénoncions tant reste intact, nul ne le questionne plus. Les programmes sociaux du gouvernement ne peuvent remplacer une politique de droits et d’engagement social actif.

   A divers niveaux du gouvernement, les groupes de pouvoir maintiennent leur influence. Ils s’emploient à criminaliser la protestation sociale et à disqualifier ceux qui exercent leurs droits légitimes, traités de «radicaux» et d’«extrémistes». Cela ne vous rappelle-t-il rien? Je me souviens que la droite attaquait ainsi le PNP lorsqu’il appuyait les demandes du peuple»

 

Verónika Mendoza, Députée de Cuzco