Genève

Genève : Droit de grève menacé!

 Dans un contexte de nécessaire mobilisation du personnel de la fonction publique, le droit de grève est remis en question à Genève. Trois questions au nouveau président du Cartel intersyndical du personnel de l’Etat, Olivier Baud.

 Sous quelle forme les menaces sur le droit de grève sont-elles apparues ?

 

La droite a déposé un projet de loi (PL 10949) qui traite du recours à la grève et du service minimum dans l’administration cantonale. Ce projet fait écho aux dispositions prévues dans le nouveau projet de constitution (art. 37). Sous couvert de reconnaître l’exercice du droit de grève, il vise à décréter que le recours à cet outil de lutte pourrait être interdit dans certains secteurs. Mais envisager cette interdiction est, de notre point de vue, anticonstitutionnel au regard du droit supérieur. En effet, la Constitution fédérale (art. 28) reconnaît la licéité de la grève et ne prévoit pas que des secteurs en soient privés a priori. Si la loi entend restreindre le droit de grève à certaines catégories de personnes, elle doit les nommer et non pas laisser cette question au bon vouloir du gouvernement en place.

 

N’y a-t-il toutefois pas un intérêt pour les syndicats à ce que le droit de grève et les conditions du service minimum figurent dans la loi genevoise ?

La reconnaissance de la liberté syndicale, dont le droit de grève est un corollaire, mérite d’être affirmée. Il faut cependant considérer que jusqu’à présent, sur les 20 dernières années, le recours à la grève ne s’est opéré qu’en ultime recours. Par ailleurs, la somme du nombre de jours d’arrêt de travail reste très modeste. Cela signifie que les conflits sont, dans la grande majorité des cas, réglés par la négociation. Enfin, si le service minimum est nécessaire dans certains secteurs, il ne doit pas être un prétexte pour rendre une grève impossible en maintenant un nombre d’employé·e·s proche de la situation normale. A noter encore que la préoccupation de la droite – l’exposé des motifs est assez clair là-dessus – se tourne davantage vers « la protection des biens et des personnes » que vers les prestations publiques vitales dues à la population…

 

Ce projet n’anticipe-t-il pas tout simplement les luttes que le Cartel devra conduire prochainement, dans le but de les contenir ?

Le principe de l’ultima ratio a toujours été respecté et continuera à l’être. Il n’y a donc pas de grèves préprogrammées. Ce n’est que lorsque le dialogue est rompu ou que la négociation a échoué qu’elle est envisagée, souvent en émettant un préavis pour permettre encore des discussions. Cela dit, il est évident qu’avec les annonces catastrophistes au sujet du projet de budget 2013, des comptes 2012, de la fusion des caisses de pensions, etc. dans un contexte de crise et de politique d’austérité, le personnel de l’Etat et du secteur subventionné va devoir se mobiliser et créer un rapport de force solide.

     La droite, en plaçant le respect de la paix du travail en premier dans son projet de loi – alors que ce terme n’est pas pertinent pour le personnel de l’Etat qui n’est pas soumis à une convention collective de travail – cherche effectivement à intimider d’une part et, d’autre part, comme elle le dit elle-même, à « mieux légitimer la limitation ou l’interdiction du recours à la grève ». Le Cartel ne s’en laisse pas conter et saura résister à ces tentatives de limiter un droit essentiel.

 

Olivier Baud

Propos recueillis par la rédaction