Palestine: ces Palestiniennes qui ne baissent pas la tête

Palestine

Ces Palestiniennes qui ne baissent pas la tête

A peine débarquées, les missions civiles internationales sont appelées à se rendre à Ramallah, apporter leur soutien aux habitants de cette ville qui, évacuée depuis peu par les chars israéliens, semble à nouveau menacée.



Quelques kilomètres seulement entre les deux villes, deux «check-point», mais un déplacement qui peut durer des heures pour les populations palestiniennes autorisées à se déplacer… après la délicate obtention d’un laisser passer…



Ainsi, acquérir une formation, exercer une profession, accéder aux soins, bénéficier d’une vie sociale ou tout simplement rencontrer ses proches, devient une épreuve au cours de laquelle Palestiniennes et Palestiniens doivent, à chaque étape, faire acte d’allégeance à l’occupant.

L’humiliation au quotidien

La première image frappante: cette femme croisée au check-point de Kalandia, debout depuis des heures, les pieds dans l’eau et dans la boue, sous une pluie glaciale, ses deux enfants pleurant accrochés à sa robe et qui attend que les soldats indifférents daignent lui accorder le passage.



Jour de Pâques. Les blindés, pas encore tous déchargés de leur camions, se massent tout autour du territoire de Bethlehem. Les points de passage ne s’ouvrent pas. Par deux fois, le car rebrousse chemin. Rien à faire. Pourtant, il faut «entrer» car nous sommes chargés de matériel. On nous indique un passage franchissant des «dunes» de terre qui masquent et rendent inutilisable une ancienne route. En Terre palestinienne, au-delà de l’obstacle, rencontre avec une jeune fille . Avec simplicité, elle explique que, chrétienne, elle souhaiterait se rendre dans une église en ce jour. Encore une fois, elle devra rester chez elle. Elle évoque l’absence de perspectives des jeunes en particulier, les tracasseries quotidiennes, l’impression d’être prisonnière sur la terre où elle a toujours vécu et de dépendre pour tout de gardiens qu’elle ne comprend et qui ne la comprennent pas.

Dheisheh


Sur un périmètre d’un kilomètre carré, c’est un camp de 11000 réfugiés Palestinien-ne-s à la périphérie de Bethlehem. Ce sont des agriculteurs chassés de leurs terres et des villages avoisinants par le jeune Etat Hébreu en 1948.



Regroupés sous tentes, sous contrôle de UNWRA dès cette époque, ils obtiennent en 1958 l’autorisation de construire une pièce par famille sur un seul étage, (afin qu’il soit aisé de contrôler les ruelles du camp) ainsi qu’une douche pour 20 familles.



Plus récemment, un étage a été ajouté à certaines maisons pour absorber l’augmentation de la population. Exclus parmi les exclus, les habitants des camps, privés de toute possibilité de travail en Israël, dépendent souvent du revenu modeste d’une seule personne pour toute la famille, (enfants, conjoints, neveux, nièces et petits-enfants compris).



Le dénuement contraste avec la chaleur reconnaissante des familles que nous rencontrons.



Cette femme-là est une mère et une grand-mère qui se souvient de son village, de sa vie avant. Après que son mari ait raconté le long calvaire de leur aîné, gravement blessé lors de la 1ère Intifada, emprisonné plusieurs mois, mort après une lente agonie, elle prend la parole et la gardera, comme pour se délester du poids qui l’obsède: oui, elle sait ses enfants intelligents et capables d’aider au développement de la Palestine, elle sait pourtant aussi qu’ils mourront ou vieilliront dans ce camp, sans possibilité de poursuivre des études ou une réelle formation. Les membres d’une famille dans laquelle un acte de résistance a été constaté ne peuvent jamais espérer quitter les lieux pour étudier. Ils ne trouveront pas de travail et dépendront d’aides pour subvenir à leurs besoins. Cela lui pèse chaque jour davantage. «Nous ne demandons que de pouvoir vivre ensemble, en paix, que nos enfants soient libres et aient les mêmes chances. Nous voulons vivre en paix, dites-le dans votre pays, dites-le, vous êtes les seuls à pouvoir dire comment nous vivons, comment tout nous est refusé et ce que subissent nos enfants!»



Alors, on peut s’interroger: quand une jeune femme de Dheisheh, équilibrée et sur le point de se marier, après avoir tendrement embrassé sa mère, s’habille avec soin et part pour Jérusalem où elle explose:



Terrorisme ou tentative de retrouver une dignité bafouée jour après jour, tentative de faire entendre sa douleur et sa colère face à tant d’injustice?



Andrée JELK-PEILA
Membre de solidaritéS, conseillère municipale à Lancy