Non à une constitution néolibérale

Ce 10 mai, l’AG de solidaritéS mandatait nos élu·e·s à la Constituante, leur demandant de dire NON au vote final de cette assemblée et décidait de mener campagne dans ce sens en vue du vote populaire à mi-octobre. Ce vote d’AG a été unanime et sans abstentions !

Le texte ci-dessous reflète le rapport ayant conduit à cette décision, présenté à notre AG par Michel Ducommun, au nom de notre groupe de « constituant·e·s ». L’AG a débattu et pris acte du rapport par un vote qui l’adoptait comme base de travail pour l’élaboration du matériel de cette campagne.

   solidaritéS a pris position début 2008 contre une Constituante genevoise « à froid » : le rapport de force politique dominant, l’état des mobilisations sociales, la majorité de droite au niveau électoral, excluaient en effet de réels progrès constitutionnels par cette voie et annonçaient a contrario des régressions. Le résultat confirme ces craintes, il faut dire NON !

     On ne peut se limiter à une simple comparaison entre Constitution actuelle et nouveau projet. En effet, s’il y a certes des reculs inadmissibles par rapport au texte en vigueur, il y a en outre le fait que la droite a balayé toutes les réponses que nous avons proposées aux problèmes principaux caractérisant notre société, et auxquels la population est confrontée dans les domaines suivants : logement, emploi, dégradation de l’environnement, démocratie et droits populaires, impôts et prestations sociales. Accepter ce texte vaudrait acceptation de cette succession de décisions réactionnaires.

 

Quelques reculs principaux :

 L’article sur la politique énergétique et le refus du nucléaire (art 160E) n’a pas été maintenu. Le souci principal de la droite est la garantie de l’approvisionnement en énergie; la définition d’une politique donnant la priorité aux réductions de la consommation et aux moyens de sortir du nucléaire devait donc être éliminée. L’aveuglement face à l’épuisement des ressources fossiles et aux désastres liés au réchauffement climatique caractérise
tout le projet.

 Le prolongement de législature à 5 ans (canton et communes) est une diminution des droits démocratiques. Les instances élues garderont plus longtemps le pouvoir, le peuple attendra pour s’exprimer. Cette peur de la démocratie est une constante de la droite: elle voulait augmenter le nombre de signatures pour un référendum ou une initiative, elle se contente – et c’est déjà inacceptable – de définir ce nombre en pour cent d’électeurs, soit d’en programmer une hausse constante, alors que Genève est déjà dans le trio de tête en Suisse en la matière.

 La réponse de la droite à la grave crise du logement, c’est de vouloir des procédures « simplifiées » qui permettraient prétendument la réalisation rapide de logements. Ce qui est ainsi agendé, c’est une révision des lois gênant les spéculateurs immobiliers, qui ne sera pas en faveur des locataires, surtout quand on sait que la proposition donnant la priorité aux logements d’utilité publique a été refusée.

 

Des refus inadmissibles :

 Même l’augmentation minimum des droits politiques des étrangers et étrangères, l’éligibilité municipale, a été refusée malgré son adoption en 2e lecture. Ce cadeau à la droite xénophobe prive 40 % de la population d’un progrès modeste de ses droits démocratiques, sans même parler des droits démocratiques cantonaux. Le refus de la parité, d’un nombre égal de femmes et d’hommes dans les instances élues, est aussi significatif.

 Sur les finances, la priorité est au « moins de dettes » et au « moins d’impôts » avec comme conséquence moins de services publics. La droite refuse d’introduire la progressivité fiscale comme principe. L’impôt des personnes physiques doit « maintenir la volonté d’exercer une activité lucrative », celui des entreprises doit « prendre en considération les efforts qu’elles entreprennent pour maintenir et développer le plein emploi. » Donc, grâce aux entreprises, il n’y aurait pas de chômage ? De plus, la question des finances vient avant celle des tâches de l’Etat. Autrement dit, ce qui est en caisse détermine ce que l’on peut faire, ce ne sont pas les besoins à satisfaire qui déterminent ce qui doit être encaissé. Il faut donc, par exemple, limiter les soins en fonction des moyens qu’on a et non les prévoir à la mesure des besoins !

 Affirmer que la « complémentarité » des transports publics et privés est la solution pour la fluidité du trafic tient de l’hypocrisie totale ou de l’imbécillité pure, dont le but est de préserver le libre choix… de la voiture privée plutôt que d’affirmer la priorité indispensable des transports publics.

 

Il faut encore citer le refus :

 de la justiciabilité des droits fondamentaux qui vide ces derniers d’une réelle portée ;

 du concept de « souveraineté alimentaire » ;

 d’un objectif concret de diminution des gaz à effet de serre ;

 de l’exercice des droits syndicaux sur le lieu de travail ;

– d’une exigence de salaire minimum.

Ces éléments, non exhaustifs, sont bien suffisants pour refuser cette nouvelle constitution. La volonté de « convergence » de représentant-e-s de la gauche gouvernementale a peut être limité le nombre de reculs inacceptables, mais elle en arrive à trouver défendable un projet dont l’esprit est clairement celui de la droite majoritaire. Une position de gauche ne saurait « positiver » le résultat de cette Constituante. Nous espérons que les partis qui s’affirment de gauche en seront conscients.

     En conclusion, citons une thèse significative de ce projet néolibéral : « L’Etat agit au service de la collectivité, en complément de l’initiative privée et de la responsabilité individuelle. » Nous pensons qu’il faut – pour le moins – corriger les effets économiques de l’initiative privée et non pas les compléter ! 7

 

J. Haller, C. Martenot, N. de Dardel, M. Ducommun