Forum scientifique et citoyen sur la radioprotection

Forum scientifique et citoyen sur la radioprotection : De Tchernobyl à Fukushima

 Organisé par le Collectif pour l’Indépendance de l’OMS (independentwho.org) ce forum s’est tenu à Genève les 12 et 13 mai, avec – entre autres – le soutien de solidaritéS et celui de la Ville de Genève que nous avons aidé à décrocher.

Depuis plus de 5 ans, ce collectif manifeste chaque jour devant le siège de l’OMS, dénonçant le fait que cette institution mondiale ne remplit pas sa mission de protection des populations victimes des irradiations engendrées en particulier par Tchernobyl, puis Fukushima. Ceci suite notamment à l’accord de 1959 liant l’OMS à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

     Mais cette abdication de l’OMS peut être imputée aussi à ses Etats membres, dont la Suisse. Qu’on en juge : durant l’année de la catastrophe, pas un Etat n’a jugé utile de proposer un point sur Fukushima à l’ordre du jour de l’Assemblée Mondiale de la Santé ! L’OMS ne dispose d’ailleurs même pas d’un Département « Rayonnements et Santé » et déclare (selon sa directrice) ne pas vouloir aller dans ce sens.

 

Un mensonge fondateur de l’industrie nucléaire

Les racines de cet aveuglement viennent de ce que le nucléaire n’a été « accepté » que parce que le lobby atomique a construit depuis plus de 50 ans un énorme mensonge sur ses effets sanitaires et environnementaux. Or, en accréditant et en propageant ce mensonge intéressé, les gouvernants se sont rendus réellement incompétents pour protéger les populations.

     En effet, les normes de ladite « radioprotection » ne protègent rien. Elles sont basées sur un modèle inapproprié (tiré des études sur Hiroshima/Nagasaki) qui ne tient pas compte des avances en biologie moléculaire depuis 50 ans. Le refus de considérer les faibles doses internes chroniques en est la faille scientifique la plus grosse, mais il a d’autres lacunes majeures…

     En matière de radioprotection, on se trouve donc à un tournant significatif où citoyen·ne·s et scientifiques indépendants doivent assumer une responsabilité directe en urgence, tout en exigeant des autorités de mettre de l’ordre dans leurs affaires pour assumer cette responsabilité dans le futur.

 

Initiatives citoyennes pour prendre les choses en main

Le forum organisé ce week-end a été le reflet de ce tournant du côté d’IndependentWHO, avec un refus d’attendre que l’OMS devienne compétente, citoyens et scientifiques devant s’unir et agir directement.

     Dans ce sens, le samedi a été consacré aux exposés du Dr Eisuke Matsui, de Kolin Kobayashi, Aya Marumori, Wataru Iwata et Miwa Chiwaki venus du Japon, ainsi que du Dr Galina Bandajevskaia, d’Alexei Nesterenko et de Vladimir Babenko venus du Bélarus, d’Alexei Yablokov venu de Russie, du Dr Youri Bandajevsky venu d’Ukraine, avec également Chris Busby d’Angleterre, Paul Lannoye de Belgique, des Drs Michel Fernex et Sophie Fauconnier, de Roland Desbordes, Michèle Rivasi et Paul Jobin de France. Un programme dense d’exposés qu’ont entendu les 190 personnes présentes, après le discours d’ouverture, au nom de la Ville de Genève, de Rémy Pagani, qui avait déjà l’an passé accompagné et appuyé une délégation d’IndependentWHO reçue par la directrice de l’OMS.

     Ces exposés passionnants, qu’on devrait retrouver sous peu en ligne, ont surtout porté sur les conséquences sanitaires des irradiations externes et des contaminations radioactives internes, engendrées par l’explosion des réacteurs japonais et ukrainien, mais aussi par les bombardements aux armes à uranium appauvri au Kosovo et en Irak et par la campagne d’essais nucléaires (+ de 500 bombes atmosphériques).

 

Tchernobyl, Fukushima : une tragédie se répète

Les exposés des intervenant-e-s japonais, aux prises avec la désinformation de leur gouvernement et son inaction pour protéger la population, en particulier les enfants, ont trouvé un écho émouvant auprès de leurs homologues de Tchernobyl. Ceux-ci ont connu cette situation il y a 26 ans et s’attristent de constater que la situation sanitaire continue de s’aggraver dans les zones contaminées.

     Face à l’abandon des autorités, dont celles de l’OMS, les populations touchées par Tchernobyl et Fukushima s’organisent pour mettre en place des pratiques de radioprotection. Dans ce sens, Wladimir Babenko a présenté son manuel édité en russe, en japonais et aussi récemment en français.

     Dimanche 13 mai, les intervenants se sont retrouvés avec des élus et des citoyens membres du Collectif IndependentWHO pour réfléchir à la question « que faire ensemble ? »

 

Des pistes d’action prometteuses

Sans entrer dans le détail des décisions prises, les participant·e·s se sont félicités qu’une collaboration plus étroite entre scientifiques, élus et citoyens, ait été initiée à l’occasion de ce forum. Cette collaboration se concrétisera dans diverses actions portant notamment sur :

– la poursuite du combat pour la révision de l’Accord OMS – AIEA et de la présence des « vigies » devant l’OMS ;

– la dénonciation du modèle qui établit la norme dite « acceptable » d’irradiation externe et de contamination interne ;

– des recours juridiques dans ce domaine s’appuyant sur les droits humains et le droit international ;

– le lancement de pétitions au parlement européen se fondant sur la disposition de la directive Euratom relative à la protection sanitaire contre les dangers des rayonnements ionisants, qui prévoit que les normes soient revues en cas d’avancées dans les connaissances dans ce domaine, ce qui est manifestement le cas depuis 10 ans (v. à ce sujet www.bsrrw.org) ;

– la reconduction d’un cycle de Forums sur le sujet des conséquences sanitaires de l’activité de l’industrie nucléaire civile et militaire.

Enfin, en clôture du Forum, le professeur Matsui a appelé au soutien de la communauté internationale pour l’évacuation des enfants de Fukushima hors des zones contaminées. 

 

Pierre VANEK