Marinaleda, le rêve de la terre

A l’occasion de la journée internationale des luttes paysannes, le groupe écosocialiste de solidaritéS, Uniterre et l’Autre Syndicat ont organisé à Genève une soirée intitulée : «Le rêve de la Terre, une utopie devenue réalité?»

Cette rencontre a rassemblé 150 personnes désireuses de connaître l’histoire, les luttes, le fonctionnement de la commune autogérée de Marinaleda, et de rencontrer Maria Carmen Garcia Bueno, l’une des journalières agricoles à l’origine de cette remarquable expérience.

 

            Au cœur de l’Andalousie, le village de Marinaleda représente un îlot sans chômeurs ni promoteurs, où la terre et les moyens de production sont collectifs et la démocratie directe réellement pratiquée. D’importantes luttes ont permis l’émergence de cette commune dans une région minée par un chômage endémique et dominée par un système latifundiaire (2% de la population possède 50% des terres, tandis que 500 000 personnes travaillent la terre sans en être propriétaires). Les grands propriétaires qui, comme la Duchesse d’Alba, touchent des millions d’Euros de subventions européennes sans travailler la terre irritent toujours plus les ouvriers agricoles journaliers.

 

Une lutte de longue haleine

La lutte des habitant-e-s de Marinaleda débute en 1977. Alors, la situation semble tellement désespérée que 700 villageois entament une grève de la faim, qui durera 13 jours, pour demander aux autorités les moyens de faire face à l’important chômage. Très vite, ils comprennent que même un gouvernement socialiste ne s’engagera pas contre les grands propriétaires, et ils mènent des recherches juridiques. Ils découvrent alors une loi oubliée qui stipule que si quelqu’un irrigue une terre jusqu’alors inexploitée, le gouvernement doit en exproprier le propriétaire. Forts de ce constat, les villageois occupent un barrage pendant 30 jours (et 30 nuits) pour exiger que l’eau retenue serve à irriguer les terres. Comme les autorités ne réagissent pas, ils décident d’occuper le terrain de chasse où le chef du gouvernement doit passer ses vacances. Ainsi, leur message est entendu et ils obtiennent l’irrigation des terres, mais 8 années de lutte sont encore nécessaires pour en obtenir l’expropriation.

            Toutefois, les journaliers agricoles de Marinaleda ont besoin de plus de terres à cultiver afin de vivre dignement. Ils réitèrent donc les occupations, sur des terres situées à 7 km du village, et en sont chassés à maintes reprises par la guardia civil. En 1992, ils profitent de la visibilité accordée à l’Andalousie par l’Exposition Universelle pour multiplier leurs actions et les concentrer sur Séville. Ils occupent des routes, le TGV, l’aéroport, des bâtiments officiels… et obtiennent ainsi la cession des 1200 hectares souhaités !

 

Participation de toutes et tous

Lors d’une de ses assemblées collectives, la population décide que travailler la terre ne suffit pas : il faut pouvoir transformer la production sur place. Une coopérative est alors créée ; elle permet aujourd’hui encore de participer au plein emploi et à l’autosuffisance de Marinaleda. L’ensemble des villageois participe non seulement à la prise de décision, mais s’engage également en travaillant pour la collectivité: les « dimanches rouges » sont dédiés au travail volontaire de tous pour le bien-être commun, et les « dimanches verts » au travail volontaire pour la coopérative (en période de récoltes notamment).

 

Une commune menacée

Après des décennies de lutte, Marinaleda est à nouveau menacée par le gouvernement andalou. Face à la crise économique actuelle, celui-ci a décidé de mettre aux enchères 20 000 hectares de terrains publics… et les terres de Marinaleda font partie du lot. Seuls des spéculateurs ou de grands propriétaires auront les moyens de les acheter, au détriment des ouvriers agricoles qui les travaillent aujourd’hui. La vente aux enchères leur est très profitable : lors des premières ventes, tous s’accordent pour ne pas enchérir et l’acquisition n’aura lieu qu’une fois le prix bradé.

            De quoi mobiliser les jeunes qui ont profité du boom de l’immobilier pour se détourner du travail de la terre ou qui n’ont pas vécu les premières luttes de Marinaleda et se sentent parfois moins concernés, bien que certains se soient engagés dans les villages avoisinants pour obtenir des terres. De quoi nous rappeler également que la mobilisation internationale demeure essentielle: s’informer, rester vigilant, signer des appels de soutien, voire devenir membre de soutien du SOC 1 (afin d’aider à financer les procès) sont autant de gestes qui permettent de nous associer à la lutte de Marinaleda.

 

Rose Turiod


 

 

L’occupation de Somontes

En réponse à la mise aux enchères de différents terrains publics par le gouvernement andalou, une vingtaine de travailleurs, soutenus par de nombreux habitants, ont occupé le 4 mars dernier le domaine de Somontes (commune de Palma del Rio). Ils y pratiquent une agriculture écologique et y élèvent des animaux. Ils n’agissent ainsi ni par spéculation ni dans le but d’accéder à la propriété privée, mais cherchent à créer un espace accessible à tous pour répondre aux besoins de leur communauté.

 

   La réplique des autorités n’a pas tardé : le 13 avril, le tribunal de Posadas a prononcé un décret d’expulsion et engagé des poursuites pénales contre plusieurs occupants de Somontes. Ceux-ci sont toutefois très déterminés : ils reviendront après chaque expulsion, et toujours plus nombreux! Un appel de soutien international a été lancé.