Elections cantonales vaudoises

Elections cantonales vaudoises : Les parties gouvernementaux évitent toute polarisation

Au terme d’une campagne sans relief, 4 électeur·trices sur 10 se sont rendus aux urnes pour élire le Parlement cantonal et le Conseil d’Etat. L’ambition de la gauche gouvernementale de devenir majoritaire au Conseil d’Etat est suspendue aux résultats du second tour le 1er avril. Pour le Grand Conseil, la droite libérale-radicale passe de 51 à 47 sièges, l’UDC, sont alliée, augmente d’un siège (de 26 à 27). Avec l’Alliance du centre (PDC, UDF, PEV, PVL) qui progresse de 7 sièges (de 4 à 11), la majorité de droite passe de à 81 à 85 député·e·s. La Parti socialiste gagne 3 sièges (de 38 à 41), les Verts en perdent 5 (de 24 à 19) et La Gauche recule de 1 (4 élus contre 5 en 2007).

La Gauche (Alternatives, Point de départ, POP, solidaritéS) présentait 5 candidats pour l’exécutif. Le candidat Jean-Michel Dolivo en tête obtient 6,7 % des voix (11,35 % dans l’arrondissement de Lausanne Ville), un score supérieur aux 4 candidats de l’Alliance du centre, à l’exception du PDC Claude Béglé (9,5 %). Pour le second tour de l’élection du Conseil d’Etat, le principal enjeu sera celui de l’élection d’une candidate rose-verte supplémentaire, ce qui ferait basculer le gouvernement « à gauche ». La droite libérale-radicale alliée à l’UDC est bien décidée à conserver sa majorité de 4 con­seil­ler·ère·s d’Etat sur 7 en présentant l’UDC Claude-Alain Voiblet au second tour, dont elle espère qu’il succède à l’UDC Jean-Claude Mermoud, décédé l’année passée. La Gauche Vaud communique que «pour faire barrage à la droite, (elle) appelle à voter pour les candidates socialistes et verte au deuxième tour de l’élection au Conseil d’Etat Vaudois. La décision a été prise par 40 voix pour et 6 abstentions lors de son assemblée générale du 12 mars.»

Un consensus étouffant

Durant toute la campagne, les partis gouvernementaux ont soigneusement évité de s’affronter. Aussi bien les Socialistes et les Verts que les partis de droite se sont réclamés du même bilan jugé globalement positif de la législature 2007-2012. C’est seulement en fin de campagne que ce ronron électoraliste a été quelque peu troublé par les révélations sur l’ampleur des exonérations fiscales en faveur d’entreprises s’implantant dans le canton de Vaud sous prétexte de développement économique. Après le scandaleux cadeau fiscal fait à Novartis en janvier dernier, la politique du ministre des finances, le radical Pascal Broulis, a été de plus en plus contestée suite au récent rapport du Contrôle fédéral des finances critiquant les exonérations fiscales en faveur du brigand de l’industrie minière Vale International (voir soli­daritéS nº 201) ainsi que suite aux révélations de l’hebdomadaire satirique Vigousse sur le leader mondial des OGM Monsanto. Cette contestation a été notamment portée par les député·e·s du groupe La Gauche au Grand Conseil (résolution des groupes La Gauche, Socialistes et Verts du 7 février 2012). Elle suscite l’embarras des Socialistes et des Verts, lesquels ne remettent pas en question le principe des exonérations fiscales en faveur d’entreprises, mais se bornent à réclamer plus de transparence de la part du Conseil d’Etat. En effet, l’ancien conseiller d’Etat socialiste Pierre Duvoisin (ministre des finances de 1982 à 1992), a été le premier à accorder ce genre de largesses fiscales dans le cadre de la politique de promotion économique.

   Dans un parlement avec une droite dominante et des élus rose-vert portés avant tout à gérer la société telle qu’elle est, le maintien d’une députation de La Gauche permettra de continuer de relayer au niveau institutionnel les batailles pour le droit au logement, pour le droit à un salaire minimum, contre la xénophobie et pour les droits des migrants, pour la diminution du temps de travail, pour l’adoption de mesures contre le réchauffement climatique, l’instauration d’une assurance cantonale publique prenant en charge les frais dentaires et pour la justice fiscale. Ce dernier thème revient en force sur le devant de la scène (abolition des forfaits fiscaux en Appenzell Rhodes-­Extérieures décidée le 11 mars en votation populaire) et avec la remise en question de la politique d’exonérations fiscales faites aux entreprises étrangères s’établissant dans le canton de Vaud.

Convergence avec la Décroissance

Le résultat électoral de La Gauche est fort modeste (baisse en pourcentage par rapport aux élections cantonales de 2007 sauf dans le sous-arrondissement de Vevey) et elle ne dispose plus du minimum requis de 5 élu·e·s pour former un groupe parlementaire. Les 4 élu·e·s sont Jean-Michel Dolivo, Anne Papilloud et Christiane Jaquet-Berger, sor­tant·e·s, ainsi que Didier Divorne de Renens. Le boycott quasi systématique des médias dominants, préférant faire valoir les partis au pouvoir et l’Alliance du centre, n’est pas étranger à ce résultat. Toutefois, démentant ceux qui prédisaient – et espéraient – la disparition de la « gauche de la gauche », la campagne unitaire de La Gauche a permis d’élargir ce mouvement grâce à l’alliance constituée avec d’autres sensibilités politiques représentées par Alternatives et Point de départ à Vevey. Cela a permis une convergence des courants de la « gauche de la gauche » et de l’objection de croissance amenant de nouvelles perspectives, espérons prometteuses, pour la construction d’une alternative aux «partis installés (lesquels) débattent de retouches au système, (alors que) nous proclamons qu’un radical changement de cap est nécessaire, urgent et possible.?» 

 

Pierre-Yves Oppikofer