Droit de manifester

Droit de manifester : Des combats à poursuivre!

Avec 53,9 % de OUI à une loi limitant gravement le droit de manifester, la droite genevoise a remporté une victoire sur les organisations et les mouvements sociaux et politiques pour qui les manifestations de rue sont une composante essentielle de leurs activités. Mais la campagne référendaire a permis un début de mobilisation significative pour reconquérir des droits démocratiques fondamentaux, toujours plus indispensables pour avancer vers les profonds changements de société nécessaires pour sortir des crises et impasses actuelles.

En introduisant le principe de la «responsabilité objective» des organisateurs, même sans faute de leur part, assortie de pénalités très lourdes, les nouvelles dispositions constituent des violations inacceptables du droit de manifester et des libertés d’expression et de réunion.

 

Propagande mensongère

Avec le concours de la droite populiste, les partisans de la loi sont parvenus à faire passer celle-ci en jouant sur les peurs et grâce à une propagande mensongère basée sur le slogan «qui casse paie». Ils n’ont pas hésité à pratiquer l’amalgame entre les auteurs de débordements et les organisateurs de manifestations et leurs associations, seuls visés en fait par cette loi.

     Les 46,1 % de NON à la nouvelle loi sur les manifs peuvent sembler décevants pour ceux et celles qui ont participé activement aux dernières semaines de la campagne référendaire, mais si l’on lit ce résultat dans un contexte plus large, on peut aussi en tirer des conclusions plutôt positives, qui devraient en tout cas encourager à poursuivre le combat pour un véritable droit de manifester.

     Pour rappel, quand la question du référendum était posée suite à l’acceptation de la nouvelle loi par la très large majorité de droite du Grand Conseil en juin de l’an passé, l’évaluation assez largement répandue parmi ceux et celles qui ont décidé de lancer le référendum était qu’il s’agissait avant tout d’engager une bataille de principes pour la défense des droits démocratiques, quel que soit l’issue d’un vote que l’on savait très difficile à gagner.

 

Mobilisation significative

La campagne en vue de la votation a suscité une mobilisation plus large que celle qu’on pouvait  escompter avec l’engagement des quelques organisations politiques et syndicales actives dans le comité référendaire. La manifestation du 23 février a connu un succès surprenant, avec beaucoup de jeunes parmi le millier de par­ti­ci­pant·e·s. Des mobilisations inattendues ont aussi eu lieu avec l’implication de quelques secteurs concernés par le droit de manifester comme une partie des artistes de la scène culturelle alternative. Ces mobilisations ont suffi pour atteindre une majorité de refus de la nouvelle loi en Ville de Genève, à Carouge et dans quelques autres locaux de vote, de Chêne-Bourg aux Avanchets en passant par Châtelaine. Avec en Ville des très nettes majorités de refus dans tous les quartiers populaires emmenés par Mail-Jonction et ses 65 % de NON.

     Mais si le score final de cette votation est meilleur que l’on pouvait le prévoir en début de campagne référendaire, il reste cependant nettement insuffisant pour faire barrage au projet de régression des droits politiques et sociaux prôné par la droite et dont la nouvelle loi contre les manifestations n’est qu’un élément parmi d’autres. Le problème ne se situe évidemment pas dans le vote des quartiers et des communes huppés où réside la minorité qui bénéficie de cette régression sociale.

     Comme lors de beaucoup d’autres votations, le problème c’est ces parties importantes des secteurs populaires dans la ceinture urbaine (Onex, Thônex, Meyrin et même Vernier…) qui suivent les mots d’ordre de la droite populiste. Depuis trop longtemps une partie trop importante de la population particulièrement fragilisée par le démantèlement social et la précarisation économique ne trouve pas d’autres moyens de réagir que de suivre les reflexes de défense identitaire et sécuritaire qui font les succès du MCG et de l’UDC.

 

Répondre à la précarité sociale

C’est à ce niveau que l’action des mouvements sociaux, des syndicats et des organisations politiques de la gauche radicale est plus nécessaire que jamais – vaste programme.

     En ce qui concerne le droit de manifester, il n’est pas exclu que le recours qui sera déposé au Tribunal fédéral permettra d’annuler les dispositions les plus manifestement liberticides du texte approuvé en votation : la charge de la garantie de la sécurité et de la responsabilité civile imposée aux organisateurs de manifestations, l’interdiction de manifester pour une période de un à cinq ans en cas de troubles «même sans faute de leur part», le montant des amendes pouvant aller jusqu’à 100 000 francs. L’acceptation même partielle du recours au Tribunal fédéral constituerait un succès bienvenu pour la défense des droits et des libertés fondamentaux.

     Mais il est évident que la défense et le renforcement des droits démocratiques et sociaux sera avant tout le résultat des luttes sociales que nous serons capables de mener en impliquant des secteurs plus larges de la société. Les activités dans les espaces publics, les manifestations de rue sont une partie essentielle de ces combats. Face à la restriction des possibilités de s’exprimer et de se réunir il s’agira aussi d’exercer ces droits de manière créative et désobéissante, sans tomber dans les pièges de l’escalade des violences que nous tend aussi la nouvelle loi genevoise sur les manifestations.

 

Tobia Schnebli