Oui au transrun, mais les plus riches doivent aussi participer à son financement

Le Conseil d’Etat vient de  soumettre un rapport au Grand Conseil, également mis en consultation auprès des partis et associations pour un projet de transport rapide, devisé à 920 millions, dont 560 millions seront à charge du canton (le reste étant des subventions de la Confédération et la participation des CFF). 

Il est prévu de partager ces 560 millions entre l’Etat et les communes pour moitié chacun, la clé de répartition entre les communes restant à définir. Pour mettre toutes les chances de son côté, le Conseil d’Etat propose de lever ponctuellement ( !) le frein à l’endettement. L’objectif du Conseil d’Etat est en effet d’obtenir un aval rapide du Grand Conseil pour pouvoir soumettre cette proposition en votation populaire le 23 septembre 2012 sous forme de trois votes : deux modifications de la constitution et une loi sur le financement.

 

Améliorer le réseau cantonal des transports publics, oui mais…

Le coeur du projet, c’est le TransRun, liaison rapide tous les 1/4 heures par une nouvelle voie directe, souterraine, entre Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds. Des fonds sont également prévus pour organiser les liaisons avec le reste du canton (Le Locle, Val-de-Travers, transports publics des villes). La polémique porte évidemment sur le financement et sur savoir qui va payer.

SolidaritéS affirme depuis toujours qu’une liaison rapide n’a de sens que si on peut y accéder facilement depuis les zones d’habitation de l’ensemble du canton. Nous demandons que la ligne du tram du littoral soit prolongée (de Saint-Aubin à la Neuveville),  que la liaison Le Locle-La Chaux-de-Fonds soit améliorée et que l’épineux problème des transports dans les deux vallées soit résolu. Rien n’est encore fait et il y a des craintes, déjà exprimées (et pas sans fondement), du côté de certaines communes, sur l’engagement du canton. Se donnera-t-il vraiment les moyens de tenir ses engagements (avec quel argent ?), ou se contentera-t-il in fine de la liaison rapide Neuchâtel-La Chaux-de-Fonds ?

 

Avoir le courage d’aller chercher l’argent là où il se trouve

Le nombre de millionnaires ne cesse d’augmenter dans le canton, comme partout en Suisse. Selon la dernière statistique fiscale, ils·elles étaient 2419 à déclarer une fortune de plus de un million pour un montant total de près de 7 milliards de fortune imposable dans le canton de Neuchâtel. L’initiative cantonale « pour une participation des grandes fortunes, limitée dans le temps » déposée il y a 6 ans et qui rapporterait plus de 200 millions sur 4 ans, tout en imposant que très faiblement les millionnaires, serait ici d’un bon secours, puisqu’elle payerait près de la moitié du financement dévolu au canton. Mais pour l’heure, elle continue à dormir en toute illégalité au château. Nous demandons que les deux projets soient soumis ensemble au peuple, en toute transparence et objectivité sur les conséquences de la construction d’un TransRun qui coûtera 560 millions au canton, dans le meilleur des cas.

 

Le TransRun aiguisera les conflits

Dans son rapport, le Conseil d’Etat affirme que « la diminution des temps de trajet à l’intérieur du canton et le rapprochement de ses habitant·e·s augmenteront considérablement la qualité de vie au quotidien, la cohésion sociale et l’emploi ».  Il prédit que le TransRun va transcender les clivages Haut-Bas ! Les paris sont ouverts…mais aussitôt le vote du peuple acquis pour le projet agglomération/TransRun, le Conseil d’Etat risque bien de revenir en force sur différentes propositions d’économies. On l’entend déjà : « une agglomération polycentrique de plus de 120 000 habitant·e·s » (c’est ainsi que le projet vise à considérer les villes et leur environnement) n’a besoin que d’un Hôpital, d’une maternité, mais aussi que d’un musée d’histoire, que d’un musée d’histoire naturelle, et pourquoi pas que d’une bibliothèque principale, que d’un lycée,  on en passe et des meilleures. Belles bagarres en perspective pour transcender les clivages….

 

Le TransRun oui, mais pas à n’importe quelle condition

Nous sommes depuis longtemps partisans d’un transport public rapide entre le haut et le bas, et le restons. Mais dès le départ nous avons affirmé qu’il doit être accompagné de solides garanties pour l’adaptation de l’ensemble du réseau des transports permettant à toutes et tous d’accéder au TransRun sans prendre leur voiture. Nous réaffirmons ici notre soutien conditionnel à cette liaison rapide : il faut trouver des sources de financement autres que par démantèlement successif des infrastructures qui assurent le bien-être de la population. Gagner quelques minutes en mobilité pour perdre la diversité, la commodité et ce qui fait l’originalité du canton, c’est NON. Mais sans imposer de façon plus juste les entreprises et les holdings (un premier vote que nous avons malheureusement perdu), sans imposer les grandes fortunes (un vote que le Conseil d’Etat bloque depuis plusieurs années), ces démantèlements inacceptables seront sans doute inévitables. Et là toute la population y perdrait en qualité de vie.

 

Marianne Ebel