Quels avions? pour quelle armée?

 L’agitation politico-médiatique de ces dernières semaines autour du choix des nouveaux avions de combat reflète plusieurs luttes de pouvoir et d’influence que se livrent différents secteurs de l’économie et de la droite politique autour du futur de l’armée et des commandes d’armement. Mais le projet d’une armée « forte et crédible », à 5 milliards de francs par année pour redorer l’image d’une Suisse « indépendante et neutre » n’est pas encore réalisé.

Début février, le Conseil fédéral a pris position sur le financement des nouveaux avions de combat. Puisque le déficit des comptes de la Confédération passera à 800 millions de francs, « principalement en raison des dépenses supplémentaires décidées par le Parlement en faveur de l’armée ,(…) pour les années 2014 à 2016, le Conseil fédéral prépare un programme de consolidation et de financement de l’armée (PFA) d’un volume de 800 millions de francs».

 

Coupes budgétaires massives pour financer l’armée

Dans cette prise de position, le Conseil fédéral annonçait les propositions de coupes budgetaires nécessaires à partir de 2014 pour payer ce programme de financement de l’armée (PFA), précisant les chiffres annoncés l’été passé (cf. solidaritéS, N°195):

– moins 42 millions au Département des affaires étrangères (coopération au développement)

– moins 325 millions au Département fédéral de l’intérieur (éducation et recherche, politique sociale, santé, culture …)

– moins 125 millions au Département fédéral de l’économie (politique agricole, …)

– moins 170 millions au Département de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication

– moins 75 millions aux Départements des finances et à celui de justice et police

– moins 12 millions aussi pour le DDPS (mais sans l’armée).

Plan de financement soumis à référendum

L’achat des nouveaux avions de combat est lié par une clause à ce plan de financement de l’armée qui est actuellement en consultation en vue d’être proposé au parlement. Si ce dernier devait l’adopter en juin ou en septembre prochain, il serait soumis au référendum facultatif qui aurait de très bonnes chances de l’emporter en votation populaire.

     Mais on peut être assuré que le feuilleton autour des avions continuera ces prochains mois. D’une part la bataille commerciale et symbolique concernant le choix de l’appareil n’est pas terminée. Les principaux lobbies militaro-industriels préfèreraient nettement le Rafale de Dassault, alors que le bénéficiaire des commandes découlant de l’achat du Gripen de Saab serait la RUAG, l’industrie d’armement de propriété de la Confédération. Et pour les tenants d’une armée « forte et crédible » le choix d’un avion de deuxième catégorie constitue quasiment un affront.

     La droite favorable à l’acquisition de nouveaux avions sait qu’une votation populaire liée à leur prix d’achat sera très difficile à gagner. Il est donc encore possible que le parlement adopte un plan d’acquisition séparé du plan d’économies, ou qu’il décide d’un achat échelonné d’un ou deux appareils par année. Dans ce cas, il faudrait lancer une nouvelle initiative populaire pour empêcher l’achat de nouveaux avions de combat.

     Mais on sent bien que, même à droite, il n’y a plus un soutien inconditionnel au projet d’acquisition de nouveaux avions de combat ou même au programme de réarmement général de l’armée.

     Le fait que la société suisse des officiers s’apprêterait à lancer une initiative « Pour une armée crédible » constitue un signe de faiblesse de la part des milieux militaristes. Visiblement ces derniers n’ont plus le soutien nécessaire au parlement pour défendre leur vision de l’armée.

 

Tobia Schnebli

 

 


« Le Gripen a d’insurmontables problèmes de puissanceet d’endurance »

Les révélations sur le choix de Gripen et sur la procédure d’évaluation qui l’a précédé se sont succédées dans la presse et une sous-commission parlementaire enquête sur d’éventuelles irrégularités. Mais de quoi parlent au juste les « experts » ?

   L’extrait suivant du rapport, anonyme mais très bien documenté, du « Groupement pour une Armée Crédible et intègre » sur les irrégularités lors du processus d’évaluation des nouveaux avions de combat est instructif. « Même le scénario de la police aérienne a relevé le manque de puissance du Gripen afin de rattraper sa cible avant la frontière, et son incapacité à rester en contact de ce dernier par manque de carburant. Le Gripen a d’insurmontables problèmes de puissance et d’endurance. (…) Le paradoxe est le suivant, plus un pays est petit plus il doit avoir un avion rapide, afin d’intervenir avant la frontière ! »

Et si Ueli Maurer essayait de mettre un peu de potion magique dans les réservoirs ?

T.S.