Belgique

Belgique : Grève générale dans un contexte difficile

La grève nationale de 24 heures du 30 janvier a été sans aucun doute un succès. Les grandes entreprises industrielles, les ports, les transports publics (chemins de fer, tramways et bus) ont été à l’arrêt dans la plupart des régions. Dans le secteur de l’enseignement comme dans de larges parties de l’administration des villes et communes, etc., la grève s’est aussi fait sentir.

 

Malgré cela, en Flandre surtout, de nombreux secteurs se sont à peine impliqués dans l’action : de nombreux fonctionnaires de la Communauté flamande, de nombreux enseignants dans le secondaire, la plupart des secteurs sociaux, de la distribution, etc. 

Ces dernières semaines, il est devenu trop évident qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour convaincre les jeunes que les mesures du gouvernement les toucheront aussi trop durement et qu’ils ont tout intérêt à rejoindre l’action, la grève.

La grève a également démontré une fois de plus l’importance d’un front commun solide. Au niveau des entreprises, dans la plupart des entreprises et des secteurs, il y a eu une collaboration étroite entre les délégués des différents syndicats, avec des piquets solides et une bonne ambiance entre les militants comme résultat. Mais au niveau interprofessionnel, les choses ne se sont pas déroulées de la même manière.

Ainsi, la CSC [confédération des syndicats chrétiens, réd.] a organisé dans l’après-midi ses propres actions à Anvers et à Malines sans même en informer la FGTB [confédération syndicale proche de la social-démocratie, réd.] A Saint–Nicolas, c’est encore la CSC qui a refusé de participer à une action locale. Ailleurs en Flandre-Orientale, où un front commun ACV-ABVV-ACLVB [version flamande de la CSC, de la FGTB et du syndicat libéral, réd.] a fonctionné, les rassemblements et manifestations menés à Gand et Alost ont amené beaucoup de militants syndicalistes à se rassembler.

Mais la collaboration a été parfois difficile aussi entre les différentes centrales du même syndicat. De même, il était douloureux de constater à quel point le personnel des chemins de fer – qui a toujours essuyé les plâtres pour une certaine « opinion publique » et dans les médias – a été mal informé des activités interprofessionnelles par ses propres secrétaires de syndicat.

Il était aussi regrettable, dans le cadre de la mobilisation pour le 30 janvier, que certains dirigeants des syndicats aient vite eu le réflexe de pousser sur le frein et oublié qu’ils pouvaient faire démarrer le moteur. Et nous ne visons pas seulement Herwig Jorissen de la FGTB-métal flamande, qui a plaidé, juste avant la grève, pour entretenir de bons liens avec le SP.a.[Parti socialiste flamand, réd.]

 

Comment avancer ?

Ce qui nous amène à l’importante question : pourquoi avons-nous fait grève ? Et comment pouvons-nous avancer ? Les directions syndicales ont déclaré qu’il fallait maintenant ouvrir la concertation, et le plus vite possible. Mais que vont-ils négocier ? Un aménagement à la marge de l’horrible plan d’austérité que doivent supporter les travailleurs, les chômeurs, les malades, les retraités, les jeunes… ?

Ou vont-ils enfin poser leurs propres revendications sur la table, notamment en disant qu’il faut « prendre l’argent là où il est » et partir de là ?

Autrement dit, est-ce que les directions des syndicats vont opter pour les soins palliatifs alors qu’on massacre nos droits sociaux et nos acquis, ou vont-elles opter pour la résistance sociale avec leurs membres et militants ?

 

Arrêtez la concertation !

Il est clair dans l’état actuel des choses que Di Rupo, Tobback, De Croo, Van Quickenborne [ministres du gouvernement, réd.] ne vont pas céder d’un pouce, même pas du bout de l’ongle.

Il vaut mieux que les syndicats disent clairement qu’ils ne vont pas recommencer la concertation, à moins que le gouvernement Di Rupo soit disposé à faire d’importantes concessions. Pas pour des changements cosmétiques à un plan d’austérité draconien, mais bien pour des concessions importantes aux revendications syndicales !

Première condition pour recommencer à parler : le retrait de toutes les mesures d’austérité dont les travailleurs, les chômeurs, les retraités et les malades sont les seules victimes !

Le gouvernement Di Rupo ne peut faire de telles concessions que sous la pression soutenue de l’action. Un plan d’action et une plateforme de revendications, démocratiquement élaborés en assemblées générales des membres et des syndicats, une information à grande échelle et une campagne de sensibilisation de la population, en particulier celles et ceux qui vont payer le prix (femmes, étudiants, jeunes…) pour les gagner à notre lutte, sont plus que jamais vitaux.

L’enjeu aujourd’hui n’est pas seulement de savoir si nous pouvons arrêter les plans du gouvernement, mais plus encore de savoir si nous aurons dans le futur des organisations qui défendront nos intérêts. Les politiciens (y compris un certain nombre de sociaux-démocrates) et le patronat, soutenus par pratiquement tous les médias, mènent une véritable offensive contre les syndicats et contre l’idée d’une action commune.

Depuis longtemps, jamais un tel climat antisyndical n’a été créé, jamais une telle campagne de dénigrement contre une grève n’a été menée. Pour tous ces gens, les syndicats peuvent exister seulement en tant qu’organisations sociales domestiquées, pas question d’organisations permettant à la classe ouvrière de défendre ses intérêts collectifs. 

Contre un adversaire qui n’a jamais été aussi déterminé, il faut utiliser tous les moyens, toutes les idées, toute la créativité, tout l’espoir, toute la persévérance et la volonté dont la classe ouvrière et nos organisations disposent ! 

 

Thomas Weyts

www.lcr-lagauche.be