ICEDA au Bugey

ICEDA au Bugey : Les antinucléaires marquent un point au Tribunal

Ce 6 janvier, une bonne nouvelle tombait pour les anti-nucléaires. EDF était contraint de suspendre les travaux de construction en cours de son site de stockage de déchets au Bugey, à une septantaine de km de Genève, ceci suite à une décision du tribunal administratif de Lyon d’en annuler le permis de construire.

 

L’installation sur le site de la centrale du Bugey, prétendument «temporaire» et nommée ICEDA (Installation de conditionnement et d’entreposage de déchets activés), était censée «conditionner» et permettre d’entreposer, à partir de fin 2013, des déchets issus du démantèlement de 9 réacteurs dits de «première génération», soit le réacteur no1 du Bugey, et ceux de Brennillis en Bretagne, Saint-Laurent (Centre), Chinon (Centre), Chooz dans les Ardennes et l’ex-«Superphénix» à Malville.

Le permis de construire d’ICEDA, annulé par la justice, avait été accordé en février 2010 par le préfet de l’Ain. Deux mois après, le Premier ministre Fillon avait signé le décret autorisant cette installation, dont les travaux démarraient en été 2010. Objets de recours de divers associations, le permis de construire a aussi été attaqué par un horticulteur voisin de la centrale, utilisateur de l’eau tiède issue de celle-ci pour ses serres, mais qui refuse de vivre à côté d’un site de déchets nucléaires.

 

Une installation illégale

Après une audience en décembre, le Tribunal administratif de Lyon a donné raison à ce recourant, jugeant le permis de construire illégal car non conforme au plan local d’urbanisme (PLU) de la commune de Saint-Vulbas. Celui-ci interdit en effet les occupations du sol «non liées» et n’étant pas «nécessaires» au fonctionnement de la centrale existante au Bugey. Ainsi EDF pourrait construire une installation pour le démantèlement des réacteurs du Bugey, mais pas plus. Faire du site le lieu de convergence d’une masse de déchets issus de nombre d’autres centrales de l’Hexagone est un abus manifeste!

Pour aller dans ce sens, il faudrait que le PLU de Saint Vulbas soit modifié et donc que la commune accepte d’engager une modification de ce plan, or elle était opposée à ICEDA, sans compter que cette modification devrait être soumise à enquête publique rouvrant la porte aux oppositions d’habitant·e·s du lieu.

Par ailleurs, le recours des associations est pendant devant le Conseil d’Etat (la plus haute juridiction administrative en France). Or un permis de construire refusé pour illégalité ne devrait pas servir EDF aux yeux de cette instance.

Signalons que les antinucléaires genevois, ContrAtom en tête, ont demandé depuis longtemps que le gouvernement genevois prête main-forte aux recourants français contre ICEDA, voir engage un recours propre, comme le Canton l’avait fait contre Superphénix en son temps. Or il n’en a rien été et le gouvernement genevois oppose depuis des mois un mutisme de mauvais aloi aux demandes de ContrAtom en la matière, alors qu’il est tenu de s’engager dans ce sens par l’art. 160E – antinucléaire – de la Constitution genevoise.

 

A la chaîne… humaine !

Bien sûr, cette décision de justice n’est qu’un grain de sable dans la machine nucléaire, et EDF reviendra à la charge… Ainsi faudra-t-il non seulement relancer – et re-tancer! – le gouvernement genevois sur ce dossier, mais aussi matérialiser sur le terrain notre soutien aux antinucléaires français qui se mobilisent le 11 mars – un an après Fukushima – pour sortir du nucléaire. Ils projettent d’organiser une grande «chaîne humaine», de Lyon à Avignon, dans la zone la plus nucléarisée d’Europe.

Comme le dit l’appel à cette manif qu’on trouve sur www.sortirdunucleaire.org:

«Une forte majorité de Français souhaite la sortie du nucléaire. Mais un bulletin de vote ne suffira pas pour forcer nos gouvernants à engager la nécessaire transition énergétique, qui nous libèrera de notre dépendance au nucléaire et aux énergies fossiles.

C’est en descendant dans la rue, en se mobilisant par dizaines de milliers, que les Allemands ont obtenu une décision de sortie du nucléaire d’ici 2022, alors même que leur chancelière était favorable à l’atome. Nous aussi, nous devons établir un rapport de force avec ces élites coupées des citoyens, qui nous imposent le danger nucléaire et la politique de l’autruche face aux enjeux environnementaux majeurs du 21e siècle. Indignons-nous, mais surtout rassemblons-nous: c’est en étant nombreux que nous sommes forts.»

Prévenir l’inguérissable

Faisons de cette occasion une mobilisation internationale… Elle s’impose! Les médias nous annoncent que la Suisse va distribuer pour 16 millions de francs de pastilles d’iode en prévision d’une catastrophe nucléaire. Or descendre dans la rue et obtenir la fermeture des centrales est une prévention bien plus efficace!

Une prévention qui s’impose d’autant que même les stress-tests, complaisants et dénués de rigueur, auxquels ont été soumis les centrales européennes après Fukushima ont contraints les autorités à reconnaître que des investissements colossaux seront nécessaires pour pouvoir continuer à prétendre – à tort – que ces réacteurs seraient sûrs.

En France seulement, il y en aurait pour des dizaines de milliards de travaux. En Suisse, la sécurité de Mühleberg notamment a été pointée du doigt comme problématique, en matière de résistance sismique incertaine du barrage voisin entre autres… Et tout ça concerne les catastrophes possibles mais rappelons qu’en fonctionnement «normal» ces centrales non seulement produisent en continu des déchets dangereux pour des générations, mais aussi des cancers et leucémies au voisinage des centrales, comme le montre une étude de l’Inserm publiée en France ces jours et qui a constaté «un excès de cas» de leucémies chez des enfants autour de 19 centrales nucléaires françaises. 

 

Pierre Vanek