Travail domestique et familial

Travail domestique et familial : Les inégalités persistent

Le nombre d’heures non-rémunérées consacrées au travail domestique et familial est colossal. En Suisse, comme ailleurs, les femmes assument l’essentiel de ce travail qui est socialement et économiquement peu reconnu, preuve s’il en était besoin que les inégalités entre hommes et femmes persistent.

En 2010, les hommes ont, encore une fois, passé nettement moins de temps que les femmes à s’occuper du travail domestique et familial. Pire encore, depuis 2007, ils en font de moins en moins. Alors qu’en 2007, ils consacraient 18,1 heures par semaine à ce genre d’activités, ils n’en consacrent plus que 16,2 en 2010, selon une récente enquête de l’Office Fédéral des Statistiques, « Enquête suisse sur la population active : travail non rémunéré » (2011). Heureusement, les femmes aussi passent moins de temps à s’occuper de la cuisine et des enfants. Cela dit, l’écart reste encore gigantesque. Les femmes travaillent de manière non-rémunérée en moyenne onze heures de plus par semaine que leur acolyte masculin. Sans un petit effort du côté de ces messieurs, cette différence aura de la peine à s’aplanir.

Une dépendance accrue

Le nombre d’heures consacrées au travail domestique et familial augmente drastiquement avec la venue d’un ou de plusieurs enfants, l’écart entre les hommes et les femmes aussi. Les mères de famille passent presque deux fois plus de temps que leur conjoint à s’occuper de l’entretien de la maison et des enfants. Beaucoup de femmes abandonnent leur activité professionnelle, ou travaillent à temps partiel, pour s’occuper de leur progéniture pendant que papa travaille. L’inverse, par contre, est extrêmement rare. Cette situation est préjudiciable aux femmes. En effet, le travail effectué à temps partiel est moins bien reconnu, freine la carrière et ne permet pas de tisser les mêmes liens sociaux avec ses collègues qu’un travail à temps plein. Les femmes sont également financièrement dépendantes de leur conjoint, particulièrement si elles ont abandonné toute activité rémunérée.

Mais alors pourquoi les femmes travaillent-elles à temps partiel ? Parce que la garde d’enfant coûte cher, même quand on exploite la personne, souvent un·e migrant·e, qui effectue ce travail. Parce qu’il n’y pas assez de place dans les garderies et que les listes d’attente sont interminables. Parce qu’à choisir entre le salaire de monsieur (20 % de plus en moyenne) ou le celui de madame (20 % de moins en moyenne) la décision est vite prise. Des changements institutionnels sont nécessaires pour que les inégalités entre hommes et femmes s’atténuent et disparaissent. Une réduction généralisée du temps de travail permettrait aux femmes et aux hommes de mieux concilier activité professionnelle et travail domestique et familial. L’introduction d’un salaire minimum réduirait en partie les inégalités salariales entre hommes et femmes. Ces dernières sont, en effet, sur-représentées dans les activités faiblement rémunérées. Enfin, la création de nouvelles places en garderie est impérative.

Le travail domestique ?reste l’apanage des femmes

De manière générale, le partage des tâches au sein du travail domestique et familial reste extrêmement genré. Les femmes préparent les repas, nettoient, lavent la vaisselle, font la lessive et repassent bien plus souvent que les hommes. Ces derniers bricolent et s’occupent des travaux administratifs, tâches les moins chronophages. Alors que monsieur consacre 1,1 heures par semaine aux travaux administratifs, madame passe en moyenne sept heures par semaine à préparer les repas. Les mères s’occupent également plus souvent de toutes les tâches liées aux enfants que les pères. L’écart entre le nombre d’heures consacré par les mamans et celui consacré par les papas à leurs enfants est moins grand quand il s’agit de les accompagner quelque part, de jouer avec eux ou de les aider à faire leurs devoirs. Les femmes passent par contre 9,5 heures par semaine à les nourrir et à les laver contre seulement 4,5 heures pour les hommes. Ces derniers consacrent donc non seulement moins de temps au travail domestique et familial, mais en plus ils s’investissent dans les tâches qui ont un prestige social plus élevé.

Le travail domestique et familial reste encore largement l’apanage des femmes et ceci dès leur plus jeune âge. Il est frappant de constater que même les filles de 15 à 24 ans qui vivent chez leurs parents consacrent plus de temps au travail domestique que leurs frères. L’image traditionnelle de la division sexuée du travail est encore très présente dans notre société. La publicité, par exemple, continue de véhiculer une image stéréotypée du rôle de la femme (et de l’homme). Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’oeil aux catalogues de jouets qui pullulent avant Noël. Poupées, cuisines miniatures (si possible de la marque telle et telle) et même aspirateurs jouets ornent les pages destinées aux filles. Ces dernières sont, dès l’enfance, conditionnées à leur rôle de mère et de ménagère. Le matraquage publicitaire ne vise pas que les petits. La publicité est également championne de la représentation traditionnelle de la famille : mère qui vante le mérite de tel produit, naturellement bon pour ses enfants, homme qui, bien qu’il ne sache évidemment pas cuisiner, est capable de se faire le riz minute de la marque chouette chose. Tant que la société, notamment à travers la publicité, continuera à véhiculer une vision traditionnelle des rôles de la femme et de l’homme, les inégalités persisteront.

Nora Koehler