Forte attaque contre les droits syndicaux à Tesa

En licenciant deux membres de la commission du personnel le 8 novembre dernier, la direction de Tesa fait preuve d’une politique de négation brutale des droits des salarié·e·s de l’entreprise.

A la fin de l’été, l’entreprise Tesa, basée à Renens et spécialisée dans la production de systèmes de mesure, invoque le prétexte du franc fort pour exiger de ses quelque 320 employés qu’ils travaillent désormais 45 heures par semaine au lieu de 40, sans compensation salariale. Une proposition d’autant plus difficile à avaler que l’entreprise est rentable et que la direction prévoit même de nouveaux investissements sur le site (24 Heures, 9.11).

La mobilisation des salariés s’exprime alors au travers d’assemblées générales aussi suivies que déterminées, qui délèguent la commission du personnel et le syndicat Unia pour représenter leurs intérêts. Cette mobilisation contraint la direction à reculer sur la hausse du temps de travail. Et pourtant, alors que les négociations entre l’entreprise et les représentations des travailleurs se poursuivent encore devant l’Office de conciliation, la direction choisit, en guise de représailles, de licencier avec effet immédiat deux membres de la commission d’entreprise. La direction prend prétexte d’une pétition lancée par un salarié protestant contre des problèmes de gestion du personnel et relayée par la commission pour justifier ces deux licenciements.

Droits foulés aux pieds

Mais cette justification oiseuse ne suffit pas à cacher que la direction est dans son tort sur au moins trois points. Premièrement, le lancement d’une pétition est un droit démocratique et constitutionnel; cela ne peut donc pas constituer une « faute grave », seule à même de justifier, au sens du Code des obligations, de tels licenciements avec effet immédiat. Deuxièmement, cette mesure est une violation de l’engagement formel pris par la direction devant l’Office de conciliation de ne pas recourir à des mesures de coercition pendant la phase de négociation. Enfin, la Convention collective de l’industrie des machines, des équipements électroniques et des métaux (CCT MEM) stipule que si une direction envisage de licencier un membre d’une commission d’entreprise, elle doit au préalable avertir le collaborateur en lui indiquant les motifs, puis, si le travailleur le demande, avertir les « partenaires sociaux »; conditions qui ont là encore été violées par la direction qui n’a laissé que quelques minutes aux deux salariés licenciés pour prendre la porte une fois leur licenciement annoncé.

Reculs sociaux

Cet épisode apparaît comme particulièrement emblématique des failles du partenariat social et de la paix absolue du travail qui se sont imposées comme une pratique généralisée dans l’industrie des machines (un secteur central du capitalisme suisse avec ses quelque 330 000 salariés, qui a vu son chiffre d’affaires augmenter de 4,1 % sur un an). La CCT MEM, qui s’applique à environ 115 000 travailleurs dans 590 entreprises, stipule en effet que « les parties contractantes reconnaissent la valeur de la paix du travail et s’engagent à la respecter de manière intégrale et à user de leur influence auprès de leurs membres pour qu’ils la respectent. Toutes mesures de combat sont par conséquent exclues, même pour des questions non réglées par la Convention ». Cette paix sociale s’est soldée par d’importants reculs en matière de droits des travailleurs, ainsi que par un processus marqué de désaffiliation syndicale (Unia n’y revendique que 20 000 membres, retraités compris, soit un taux de syndicalisation d’environ 6 %); la CCT MEM ne compte ni salaire minimum, ni durée de travail obligatoire et elle a été une des premières à entériner l’annualisation et la flexibilisation du temps de travail en 1998.

Dans le contexte actuel, marqué par de nombreuses suppressions de postes dans l’industrie et par des attaques sans précédent contre les droits des salariés, notamment via des hausses du temps de travail sans compensation salariale, la poursuite du partenariat social et de la paix du travail absolue apparaît comme une voie de plus en plus sans issue, dans la mesure où même les représentants des commissions du personnel, un des piliers de ce partenariat, ne sont plus à l’abri. La section vaudoise d’Unia ne s’y est du reste pas trompée en demandant à la direction nationale du syndicat de se retirer du partenariat social avec l’organisme faîtier de l’industrie des machines Swissmem, tant que les deux délégués ne sont pas réintégrés (Le Courrier, 23.11). Le secrétaire régional d’UNIA Vaud a par ailleurs annoncé que le syndicat «se battra avec détermination pour défendre le droit de ses deux membres injustement licenciés et utilisera les moyens nécessaires pour ce faire, à l’instar des autres luttes que nous menons actuellement dans la région.» (L’Evénement syndical, 23.11).

Autre signe encourageant, les commissions du personnel de grandes entreprises de l’industrie vaudoise (Novartis, Bobst, Ati Stellram et Bosch notamment) ont apporté leur soutien public aux deux délégués licenciés.

Hadrien Buclin


Répression antisyndicale à Barbey aussi

 Il n’y a pas qu’à Tesa où la répression antisyndicale est à l’ordre du jour. L’entreprise alimentaire Barbey SA demande 3,5 millions de francs de dédommagement à Unia et a porté plainte pour diffamation contre le secrétaire syndical en charge du dossier, à la suite de deux jours et demi de grèves menés en 2010 par ses salariés qui protestaient contre des tricheries à la timbreuse et contre de nombreuses violations du droit du travail. Le secrétaire syndical d’Unia a été condamné en première instance par le Ministère public du Nord vaudois : un recours a été déposé contre cette décision judiciaire inadmissible. HB