Droit au salaire minimum

Nous publions ici une première analyse à chaud des résultats des votations cantonales du 27 novembre dernier à Genève et Neuchâtel sur le droit à un salaire minimum. Nous reviendrons plus longuement sur cette question dans le prochain numéro.

Nette victoire à Neuchâtel

Bravo les Neuchâtelois·e·s : le canton dit OUI à 54,6 %. Nous nous réjouissons de ce très clair signal que Neuchâtel donne à toute la Suisse : oui, nous voulons 4000 francs au minimum pour toutes les personnes non qualifiées qui travaillent à 100 %, oui nous voulons en finir avec la pauvreté dans le monde du travail en Suisse, un des pays les plus riches du monde.

Les villes ont clairement fait pencher la balance pour le OUI : Neuchâtel, 61 %; La Chaux-de-Fonds, 65 %; Le Locle, 63 %. Un vote gauche/droite classique ? Pas forcément, puisque le district du Val de Travers, plutôt orienté à droite, accepte lui aussi l’inscription du salaire minimum dans la Constitution neuchâteloise avec 56 % des voix et que dans beaucoup de petites communes le vote était serré, parfois en faveur du oui, parfois en faveur du non.

Nous devons maintenant aborder sans tarder les étapes suivantes. Le succès enregistré devrait permettre à la gauche, majoritaire au Grand Conseil et qui a mené toute sa campagne sur la base du modèle fédéral 4000 francs/22 francs de l’heure, de faire rapidement voter une loi d’application. Conscient de ce rapport de force, le Conseil d’Etat (qui s’était exprimé contre le salaire minimum cantonal) promet aujourd’hui qu’il « va maintenant asseoir les partenaires sociaux à la même table pour négocier une loi ». (Express, 28 novembre 2011). Nous suivrons de près l’évolution de ce dossier.

Au niveau fédéral, il ne faudra pas non plus laisser de temps mort entre le dépôt (imminent) de l’initiative 4000.-/22fr l’heure et la campagne de votation. En travaillant dès maintenant, à partir de l’espoir que le résultat de Neuchâtel donne aujourd’hui à toute la Suisse, en nous appuyant sur l’action des oeuvres d’entraide, comme Caritas, qui mettent en évidence et dénoncent la pauvreté liée au monde du travail, en montrant qu’il n’est pas normal de travailler sans avoir de quoi subvenir à ses besoins les plus élémentaires, nous pouvons convaincre les citoyens·ne·s de la nécessité d’inscrire dans la Constitution fédérale le droit à un salaire minimum comme outil pour lutter contre la pauvreté. La bataille sera difficile, mais le fait qu’au niveau fédéral il est possible d’inscrire un chiffre précis lèvera bien des doutes et freinera nos adversaires dans leur argumentation mensongère de salaires à la baisse. En rappelant que ce salaire de 4000 francs sera celui des travailleuses et travailleurs non qualifiés, pour les aider à sortir de leur pauvreté, nous pouvons gagner.

Marianne Ebel


Salaire minimum : une première victoire

 55 % des Neuchâtelois·e·s ont dit OUI au salaire minimum cantonal. La création d’un collectif de jeunes qui ont mené une campagne avec leurs arguments propres, les assemblées des associations d’immigrés qui ont mobilisé leurs membres, les témoignages personnels apportés par des salarié·e·s concernés, la distribution de tracts et les contacts directs et nombreux dans la rue, tout cela a contribué à ce beau résultat. A chacun·e, merci pour son engagement !


Genève : la lutte continue !

SolidaritéS GE prend acte du rejet à 54 contre 46 % de cette mesure de protection des salarié-e-s contre le dumping salarial. Mais ce n’est qu’un début. La proposition de droit au salaire minimum est désormais fermement sur la table : l’initiative fédérale de l’USS, avec plus de 100 000 signatures déjà, nous permettra de livrer cette bataille au plan national.

Aujourd’hui, nous relevons que le score genevois est serré : un électeur sur vingt en changeant d’avis faisait basculer la majorité. Nous saluons l’engagement des syndicats du canton, des forces progressistes et de nombre de militant·e·s dans la campagne. Merci à chacun·e ! Nous nous félicitons aussi des majorités populaires en faveur du salaire minimum en Ville de Genève (avec près de 2/3 de OUI à Mail-Jonction p. ex.), à Vernier (avec près de 60 % de OUI aux Avanchets), à Carouge, comme parmi les Suisses de l’étranger.

Notre résultat s’explique :

  • d’abord par une campagne patronale de désinformation quant à l’affirmation que les salaires minimums exerceraient une pression à la baisse sur les salaires, ce que l’expérience internationale réfute ; de gros mensonge quant au niveau d’un salaire découlant de l’initiative, les 2500 francs agités comme épouvantail patronal ne correspondant à rien, ni dans l’initiative, ni dans les considérants du TF à son propos ; et de chantage, en menaçant de liquider les CCT en cas d’acceptation de l’initiative.
  • par les limites actuelles du droit fédéral (que l’initiative nationale de l’USS modifiera) qui rendaient difficile de proposer un texte plus précis.
  • par le fait antidémocratique que 50 % des salarié·e·s genevois sont privés du droit de vote en la matière et plus encore parmi les salarié·e·s directement concernés.
  • par un réflexe de crainte conservateur, compréhensible, mais déplacé, face à la crise du système qui appelle a contrario un combat accru en défense des salarié·e·s et des démunis.
  • enfin aussi parce que le MCG d’extrême droite a encore montré que sur les questions sociales importantes il joue les caniches du patronat et de la droite, trahissant les intérêts populaires qu’il prétend défendre et appelant à voter en défense du droit au dumping salarial !

En conclusion, nous appelons à commencer à construire sur le terrain un dispositif de campagne tirant les leçons de ce vote qui soit en mesure d’imposer à Genève un OUI populaire à l’initiative de l’USS pour un salaire minium de 4000 francs.

Dans l’immédiat, l’initiative des syndicats genevois pour le renforcement du contrôle sur les entreprises doit aussi aboutir et être mise en œuvre!

Pierre Vanek