Colombie

Colombie : Entre la guerre et la paix

Lors d’une vaste opération militaire menée début novembre, les forces spéciales de l’armée colombienne ont tué Alfonso Cano, premier responsable des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). De nombreux commentateurs ne partagent pas la joie du gouvernement. En effet, Alfonso Cano représentait le secteur de la guérilla favorable à une solution négociée du conflit et à la création d’une force politique légale. Sa mort retarde donc toute possibilité de paix, en tout cas à moyen terme.

La mort du principal dirigeant des FARC remet au premier plan la thématique de la guerre et de la paix, dans un pays d’Amérique latine qui connaît depuis plus de 60 ans le plus ancien et le dernier conflit armé du continent.

Pas de réelle volonté de négocier

Analysant les attitudes et les signaux réels lancés par le gouvernement et les FARC, Alejo Vargas Velasquez conclut: «je ne vois aucune possibilité de résoudre le conflit armé à court terme». Coordinateur du groupe d’enquête sur la sécurité et la défense, ce professeur de l’Université nationale a accompagné, par le passé, des processus de négociation entre le gouvernement et les groupes armés.

Pour lui, «malgré leurs discours en faveur de la paix, tout comme le gouvernement de Santos, les FARC n’ont pas démontré une réelle volonté politique qui permettrait d’amorcer un véritable processus de négociations. En réalité, aucune des deux parties ne veut la paix. Chacune veut le triomphe de ses objectifs politiques, c’est-à-dire la défaite de l’autre», souligne Vargas, qui insiste sur la nécessité de faire la différence «entre conflit et conflit armé». Le conflit est inhérent à tout système. Il est «important d?être conscient que l’existence de conflits est un symptôme d’une démocratie saine».

La nécessité de la solution négociée

Pour Marina Gallego, coordinatrice nationale de la «Ruta Pacifica» (principal réseau des organisations de femmes en Colombie), «les femmes sont doublement victimes de la guerre. Nous en souffrons dans notre chair, dans notre corps. Tous les acteurs armés font violence aux femmes d’une manière ou d’une autre. C’est notre réalité quotidienne. Voilà pourquoi nous sommes convaincues qu’une solution politique à la confrontation armée et nécessaire».

«Pour nous, la guerre est aussi l’expression du machisme et du patriarcat. Notre position féministe est cohérente avec notre mobilisation constante pour la paix avec la justice sociale.[…] Le corps est le premier territoire de la paix».

La militarisation du pays «nous touche directement et très fortement. Nous sommes convaincues que la fin du conflit facilitera le travail pour nos revendications sectorielles spécifiques». Néanmoins, «il ne serait pas souhaitable que le conflit se termine par une défaite militaire des groupes armés. Cela ouvrirait des blessures plus difficiles à soigner ensuite». 75?% de la population se prononce pour une solution négociée. Il est donc nécessaire «d’établir un agenda de paix et de définir clairement le processus permettant d’y aboutir».

La paix à partir d’en bas

«Nous devons renforcer le concept d’une paix construite différemment», estime l?anthropologue Diego Pérez, coresponsable à Bogota du Programme suisse de promotion de la paix en Colombie (SUIPCCOL).

Cette vision «se base sur l’expérience concrète du réseau des initiatives de paix», menées dans plusieurs régions du pays, «des zones où le conflit est sérieux», par des communautés paysannes, indigènes et africaines.

«Les communautés ont procédé à une analyse systémique du conflit, en faisant prévaloir les besoins sociaux, économiques et culturels des populations concernées. Elles ont décidé de participer à la construction de la paix en proposant des agendas locaux et des dialogues humanitaires régionaux». Des efforts qui ne s’opposent pas «aux tentatives de négociations nationales, mais qui sont complémentaires».

Sergio Ferrari
(correspondance de presse de E-Changer organisation de coopération solidaire présente en Colombie) Traduit de l’espagnol par Hans-Peter Renk