Vols spéciaux: les autorités refusent le débat

Vols spéciaux: les autorités refusent le débat

En montrant l’univers
carcéral du centre détention de Frambois, le film du
réalisateur Fernand Melgar suscite des émotions et
interrogations sur une réalité méconnue du grand
public. De nombreux specta-teurs·trices, entre autre lors de
projections scolaires, s’insurgent contre la détention
administrative de personnes vivant souvent en Suisse depuis des
années, réduites ensuite à l’état de
paquet par un ligotage complet durant les très longues heures du
vol de leur expulsion « sans avoir la possibilité
de boire ou de manger ni de faire leurs besoins »
(communiqué de la Ligue suisse des doits de l’homme du
17.2 2011).

Afin d’éviter que le débat lancé par Vol
spécial ne débouche sur une remise en question publique
du principe de la privation de liberté pour des raisons
administratives (loi sur les mesures de contrainte acceptés en
votation populaire en 1994) et de la brutalité des vols
spéciaux , les autorités cantonales genevoises et
vaudoises n’ont pas hésité à lancer une
campagne calomnieuse contre le film et son réalisateur en
pratiquant systématiquement l’amalgame entre
« réfugiés » et
« criminels étrangers ».

    Ainsi le Conseiller d’Etat vaudois Philippe
Leuba (libéral), chef  du département de
l’intérieur, orchestrait avec la collaboration du Matin
Dimanche du 2 octobre 2011 une attaque publique contre deux personnes
apparaissant dans Vol spécial également dans le but de
faire passer les réfugié.e.s en général
pour des abuseurs et des criminels, et salir
l’intégrité du réalisateur.

    Dans une question orale adressée à
Philippe Leuba le 4 octobre 2011, le député Jean-Michel
Dolivo (solidaritéS – A gauche toute !) a
demandé :  « (…) Le porte-parole de la
police cantonale vaudoise a informé un journaliste de la liste
d’infractions pénales pour laquelle une personne avait
été condamnée. Cette personne avait purgé
sa peine de prison et « payé » ainsi
sa « dette » envers la société.
Par la suite, cette personne qui n’était pas au
bénéfice d’un titre de séjour, a
été détenue à Frambois pour
l’exécution d’un renvoi. Quand le conseiller
d’Etat Leuba se demande si M. Fernand Melgar s’était
renseigné au sujet du passé pénal de certains
protagonistes de son film, cela signifie-t-il qu’il
considère comme tolérable que ce porte-­parole donne
publiquement cette liste de condamnations pénales,
données personnelles sensibles au sens de l’art. 3 let. c
chiffre 4 de la loi fédérale sur la protection des
données et suffit-il désormais de s’adresser
à ce porte-parole pour connaître la liste des
délits pénaux de quiconque ? »

Des attaques  bien orchestrées

Monsieur Leuba s’est contenté de botter en touche par une
acrobatie de langage. Le porte – parole de la police
n’aurait pas
« révélé » mais
uniquement « confirmé » des
délits. Mais pour Bertil Cottier, professeur de droit et
spécialiste de la protection des données, il n’y a
pas de différence entre ces deux verbes. Puisque
« la police n’est pas elle-même mise en cause
et que le but n’est que de répondre à un film dont
certains éléments lui déplaisent, son
intérêt légitime à communiquer des
données sensibles est nettement moins
évident » (Le Courrier du 12.10.11).

    La méthode du renvoi forcé de personne
sans-papiers (notamment de requérant·e·s
d’asile déboutés) contrevient à
l’évidence à l’art. 10 alinéa 3 de la
Constitution fédérale selon lequel « La
torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou
dégradants sont interdits ». Il peut avoir de plus
pour conséquence, comme le relevait la députée
Sandrine Bavaud (Les Verts), l’emprisonnement et la torture
à l’arrivée. Un des protagonistes de Vol
spécial, réfugié débouté, a
été emprisonné et torturé durant 5 mois
dès son retour forcé au Cameroun, accusé
d’avoir sali l’image de son pays à
l’étranger. Les  autorités suisses avaient
transmis au gouvernement camerounais des documents confidentiels sur sa
demande d’asile !

Pierre-Yves Oppikofer

Signez la pétition pour
l’arrêt des vols spéciaux et la fermeture des
centres de détention administrative :
www.stop-vols-specaiux.ch