Les attentats du 11 septembre: 10 ans après

Les attentats du 11 septembre: 10 ans après



Il y a dix ans deux avions
s’écrasaient sur le World Trade Center. Alors que les
commémorations battent leur plein, il s’agit de
s’arrêter sur ce que cet événement a
changé dans le cours du monde.

Dès les premières minutes où les images de ces
tours jumelles brûlaient dans les télévisions du
monde entier, le 11 septembre s’imposait comme un
événement qui allait faire sentir ses conséquences
à travers le monde entier. Les premières et les plus
évidemment visibles sont les guerres déclenchées
par les Etats-Unis en Afghanistan puis en Irak. Au delà de
l’atrocité de ces deux guerres où moururent de
très nombreux civils, celles-ci marquèrent un changement
profond dans la politique étrangère américaine. En
adoptant les conceptions de « guerre au
terrorisme » et d’ « axe du
mal », le gouvernement allait imposer une idéologie
de clash des civilisations, sur laquelle purent aisément fleurir
le racisme et l’islamophobie. En Suisse et en Europe, il est
évident que ces conceptions ont eu un impact global, la peur de
l’étranger et son rejet ayant fini par devenir
l’horizon constant des votes populaires, et l’extrême
droite progressant dans de nombreux pays.

De moins en moins libre

Au fond, le 11 septembre a surtout joué le rôle de carte
blanche donnée au gouvernement Bush, dans laquelle s’est
engouffré l’ensemble des pays européens et
d’autres encore. Cette carte blanche fut utilisée
principalement dans deux domaines, l’augmentation des
dépenses militaires et la mise en place de politiques
liberticides. Ainsi le budget militaire américain, sans prendre
en compte les guerres d’Afghanistan et d’Irak, a
augmenté de 80 % pour atteindre les 553 milliards de
dollars en dix ans, tandis que pour les pays de l’Union
européenne, le budget destiné à la lutte contre le
terrorisme est passé de 5,7 millions d’euros en
2001 à 93 millions aujourd’hui (Source : Le
Monde, édition du 11-12 septembre).

    Surtout, la notion de guerre contre le terrorisme a
permis de brouiller les frontières entre guerre et paix.
Même si une nation n’est pas sous la menace d’un
conflit armé, elle doit se protéger contre un ennemi qui,
à force de pouvoir être tout le monde, le devient :
le terroriste. Cette défense passe par une mise à mal du
droit et des libertés civiles. Si tout citoyen, surtout
s’il est étranger, est devenu un ennemi potentiel, alors
le contrôle des populations devient légitime. Ce fut le
Patriot Act aux Etats-Unis, décision cadre que la plupart des
pays européens s’efforcèrent d’égaler.
Dès lors, les militaires refirent leur apparition dans le
paysage urbain au nom de la sécurité, le nombre de
caméras de surveillance explosa partout et, pour prendre un
avion, il faut désormais se plier à de très
nombreuses restrictions.

    Plus grave encore, la surveillance de très
nombreux citoyens est devenue la règle. La lutte contre le
terrorisme est utilisée comme un argument pour espionner
différents groupes, comme les hooligans, les étrangers,
les animalistes, les groupes d’extrême-gauche, de nouvelles
catégories apparaissant à chaque fois, laissant entrevoir
une société du flicage généralisé.
Les écoutes téléphoniques ou la surveillance sur
internet se sont trouvées légitimées et, en
Suisse, on assista à une nouvelle affaire des fiches, touchant
200 000 personnes. Au delà de l’Europe, de nombreux
pays dictatoriaux, comme la Tunisie ou la Syrie, utilisèrent eux
aussi l’argument de la lutte contre le terrorisme pour
réprimer l’opposition. Jusqu’à peu, ils
recevaient dans cette démarche la bénédiction des
puissances occidentales.

Pierre Raboud