Mexique: naissance d’une nouvelle force politique des travailleurs

Mexique: naissance d’une nouvelle force politique des travailleurs



Le 27 août dernier, a eu lieu le
congrès fondateur de l’Organisation Politique du Peuple et
des Travailleurs (OPT), «pour la libération nationale et
l’émancipation sociale».

Cette initiative avait été annoncée en octobre
2010 par Martín Esparza, secrétaire général
du Syndicat Mexicain des Electriciens (SME), au cours d’un
meeting avec plus de 60 000 personnes dans le stade
Aztèque de Mexico. Aux origines de cette initiative, la prise de
conscience croissante au sein du SME, que face à
l’acharnement du gouvernement contre le syndicat et à la
situation catastrophique du pays, la lutte sur le terrain politique
devenait plus que jamais nécessaire.

Le gouvernement de Calderón a en effet tout fait pour prouver
qu’il était l’ennemi déclaré de tous
les travailleurs-euses, et au service exclusif de l’oligarchie et
de l’impérialisme. Dans ce sens, l’OPT fait
clairement référence à la lutte pour la
conquête du pouvoir politique et à la
nécessité de renverser la « classe
politique », représentante de l’oligarchie,
actuellement à la tête du pays. A noter que la
participation de l’OPT aux élections ne figure pas parmi
ses priorités, et qu’elle n’entend pas être
prisonnière d’un quelconque calendrier institutionnel.

    L’appel du SME a été entendu par
d’autres organisations ouvrières, paysannes,
indigènes, populaires et politiques, et représente un pas
historique dans la conquête de l’indépendance
politique des travailleurs-euses. En effet, si des organisations se
réclamant du socialisme ont toujours existé au Mexique,
aucun parti n’a jamais regroupé en son sein le gros des
travailleurs-euses, tout en défendant un programme se
revendiquant de la lutte des classes. Pour des raisons historiques, les
organisations syndicales ont toujours été liées,
de manière corporative, au parti-Etat (le Parti
Révolutionnaire Institutionnel) qui a gouverné le pays
pendant 70 ans. La conquête des libertés syndicales les
plus élémentaires est loin d’être
réalisée, comme en témoigne l’acharnement
gouvernemental contre le SME (cf. solidaritéS N° 189).

Libération nationale ou socialisme?

Au cours des derniers mois, des débats importants ont eu lieu,
et ont permis de brosser les contours de la nouvelle OPT. Si les
documents adoptés mentionnent de manière explicite la
nécessité de lutter pour une transformation radicale de
la société, désignant l’actuel modèle
économique et politique comme étant responsable de la
catastrophe actuelle et adoptent un ton anticapitaliste, le socialisme,
bien que mentionné apparaît plus comme un horizon lointain
à atteindre, sans véritable vision stratégique ni
éléments de transitions. L’élément
fort du programme semble plutôt axé sur la
libération nationale et la lutte contre
l’impérialisme […]

    A noter également que
l’internationalisme figure en bonne place dans les documents de
l’organisation et que ceux-ci font explicitement
référence aux processus révolutionnaires en cours
dans le monde arabe et aux rébellions qui se font jour en
Europe. Certains aspects organisationnels, qui ont suscité
d’importants débats, comme le droit de s’organiser
en tendance au sein de l’organisation, ainsi que la tactique
à adopter face au processus électoral de 2012, seront
débattus lors du prochain congrès qui se tiendra en 
mars de l’an prochain.

Au-delà du congrès

Si le congrès a indéniablement représenté
un succès important en regroupant un peu plus de mille
délégués de 22 Etats, l’OPT devra faire face
à une situation de violence toujours plus incontrôlable,
et à une présence toujours plus importante (et
assumée) du personnel militaire nord-américain.
L’OPT lancera sa première campagne d’affiliation
dans quelques jours.

    Dans un contexte de crise politique et sociale aigue
et face à un régime inepte, la naissance de cette
nouvelle force représente un pas important dans le sens de
l’organisation des opprimés. Conjointement au Mouvement
pour la Régénération Nationale (MORENA)
d’Andrés Manuel López Obrador, l’OPT peut
contribuer à accélérer une confrontation avec le
régime, qui parait inévitable à moyen terme, comme
celles qui se produisent en ce moment même dans de nombreux
endroits du globe.

Héctor Márquez
correspondant de solidaritéS au Mexique 


Première journée nationale des mexicains indignés

La présentation du cinquième rapport présidentiel,
le premier septembre, a donné lieu à d’importantes
mobilisations à Mexico. Une centaine d’organisations
syndicales et de mouvements sociaux s’étaient donné
rendez-vous pour dénoncer l’optimisme gouvernemental quant
à la situation du pays. Dès le matin, nombre de personnes
ont rejoint le campement permanent du Syndicat Mexicain des
Electriciens (SME) installé depuis mars dernier sur le
Zócalo. Cinq groupes de travail ont analysé en
détail la situation du pays, et ont rendu un
« contre-rapport » qui va à
l’encontre du portrait de la nation peint par Calderón. En
cinq ans d’administration
« Calderoniste », le nombre de pauvres a
augmenté de 10 millions, les revenus des
travailleur·euse·s de la classe moyenne ont
diminué d’un tiers, on compte près de 3 millions de
nouveaux chômeurs·euses et 7 millions de jeunes se
retrouvent sans emplois et sans possibilité de poursuivre des
études. Il convient d’ajouter à ce panorama les
près de 50 000 morts, produits par la guerre stupide de
Calderón contre le narcotrafic. Durant toute la journée,
de simples citoyen·ne·s et des
représentant·e·s d’organisations se sont
succédé à la tribune pour dénoncer cette
situation et appeler à se mobiliser pour expulser du pouvoir les
responsables de cette tragédie. Au total près de
40 000 personnes ont pris part à cette importante
journée. De nombreuses organisations ont décidé de
venir renforcer le campement du SME, menacé d’expulsion en
vue des festivités du 15 septembre (Fête de
l’Indépendance), en s’installant de manière
permanente sur le Zócalo. La première journée des
Mexicain·e·s indignés a été un
succès, espérons qu’elle ne sera pas sans suite. HM