Naples: les ordures de la colère

Naples: les ordures de la colère

Il y a quelques semaines encore,
Naples fêtait l’écrasante victoire de Luigi de
Magistris (membre du parti de centre gauche, l’Italie des
valeurs), élu à plus de 65 % des voix à la
tête de la citée parthénopéenne.
Aujourd’hui, la ville est submergée par les ordures
(à ce jour 1 500 tonnes à Naples et 15 000
tonnes dans la province napolitaine). Alors qu’une fois de plus
le gouvernement Berlusconi montre son incompétence, le maire
insiste pour faire de la bataille des ordures le début
d’une « révolution
environnementale »

Hors d’Italie, l’incompréhension est de mise.
Pourtant la crise napolitaine peut aisément s’expliquer.
Les ordures s’entassent tout d’abord parce que Naples ne
peut régler seule la récolte des déchets; elle est
subordonnée aux décisions de la province et de la
région et à leur lenteur. Elles s’entassent ensuite
parce que la seule solution qui s’impose est celle d’un
décret gouvernemental qui permette aujourd’hui à la
ville de transporter les ordures dans toute l’Italie, afin
qu’elles soient traitées; solution à laquelle
s’oppose bien sûr la Ligue du Nord de Bossi qui alimente la
tension. Enfin, les ordures s’entassent parce que c’est le
seul moyen de pression pour que la ville accepte, contrainte et
forcée, la construction d’un incinérateur
(évalué à quelque 400 millions d’euros),
source de profits d’autant plus juteux que
l’électricité produite grâce à
celui-ci bénéficierait de prix de vente
particulièrement avantageux.

Camorra et Ultras

Depuis que Naples s’enfonce sous les ordures, une zone grise bien
implantée dans le panorama napolitain se développe;
pensons aux entreprises qui louent leurs services pour nettoyer les
rues. A celle-ci s’ajoute la petite criminalité souvent
appuyée par l’extrême droite, ravie d’avoir
l’occasion de nuire à la nouvelle administration de centre
gauche. Ceux que l’on appelle les Ultras ont ainsi ces derniers
jours mis le feu aux ordures à des endroits stratégiques
de la ville (comme la très centrale rue Toledo), provoquant non
seulement un ralentissement du ramassage des déchets, mais aussi
la diffusion de dioxine au mépris de la santé des
Napolitain·e·s, déjà soumise à rude
épreuve.

Une révolution environnementale

L’administration publique, appuyée par un réseau
d’associations, de comité de quartiers (y compris des
quartiers « espagnols », quartiers pauvres du
centre de Naples) et le rassemblement des précaires (qui
demandent à être engagés pour ramasser les ordures
ménagères) est pourtant bien décidée
à tenir. Il ne s’agit pas seulement de résister
à la pression, mais aussi de mener une véritable bataille
pour moderniser la récolte des déchets (tri
sélectif), pour promouvoir la construction d’installation
pour le compostage des ordures ménagères, pour mettre en
place des îlots écologiques mobiles (déchets
encombrants). Naples loin d’être aujourd’hui à
genou semble une fois de plus se réveiller. La bataille des
ordures ne fait que commencer : Simm ‘e Napule,
paisà ! 1

Stéfanie Prezioso


1   
 Chant napolitain d’espoir, très populaire
après la Deuxième Guerre mondiale, lorsqu’il
s’agissait de déblayer les décombres et de
reconstruire Naples (réd).