Transports publics lausannois (TL): un militant syndical menacé de licenciement

Transports publics lausannois (TL): un militant syndical menacé de licenciement



Un avertissement muni d’une
menace de licenciement et accompagné d’une
pénalité salariale : voilà le tarif
présenté par la direction des TL à
Aïssam Echchorfi, membre de la Commission du personnel et du
syndicat SEV. Motif : des courriels, des SMS et des
messages Facebook à caractère syndical qui
n’auraient pas plu en haut lieu. Un nouvel épisode de la
chasse nationale aux représentant·e·s des
travailleurs·euses est ouvert.

Dans la lettre d’avertissement envoyée, la direction
considère que « cette forme d’expression
volontairement virulente, insolente, et irrévérencieuse
est inacceptable » ; plus loin, elle estime que
« ces incitations à la lutte sont contraires
à l’obligation de paix du travail découlant de la
CCT actuellement en vigueur ». Assaïm Echchorfi
serait donc coupable de violation du devoir de fidélité ;
membre le mieux élu de la Commission du personnel, avec
73 % des voix, il aurait abusé de cette fonction en
exprimant de manière imagée son dépit après
une mobilisation ratée.

    Petit problème juridique : ces
informations ne concernent en rien son travail, mais relèvent de
la sphère privée. Et le Code des obligations stipule que
« l’employeur ne peut traiter des données
concernant le travailleur que dans la mesure où ces
données portent sur les aptitudes du travailleur à
remplir son emploi. » La collecte de ces informations fait donc
plus que friser le code. De plus, en mai 2010, un certificat de travail
intermédiaire décrit Aïssam comme un
« bon conducteur », « autonome
et consciencieux ». Le mouton noir désigné
par la direction n’a donc rien à se reprocher sur le plan
professionnel.

Au-delà du cas personnel

Bien plus qu’Aïssam lui-même, c’est la
combativité de la Commission du personnel et du syndicat SEV de
l’entreprise qui est visée. La direction veut bien du
partenariat social, à condition qu’il reste muet et sans
effet sur la vie quotidienne des TL. Ce que confirme indirectement le
directeur des TL, Michel Joye, qui précise, quant à
l’activité syndicale d’A. Echchorfi :
« Nous n’avons pas affaire à un comportement
syndical normal » (Evénement syndical, 18 mai
2011).

    C’est la raison pour laquelle le syndicat a
mené une première action lors de l’assemblée
des actionnaires des TL à la mi-mai (pour la plupart des
organismes publics, comme les communes de la région lausannoise,
Lausanne en tête). Une pétition demandant le retrait des
sanctions et munie de près de mille signatures avait
été auparavant déposée le 4 mai
auprès de la présidente du Conseil d’administration
des TL (Anne-Marie Depoisier, députée socialiste).

    Pour l’instant, le Conseil se cache
derrière la direction opérationnelle. Une attitude
qu’il aura de la peine à maintenir avec le
développement de la mobilisation et du débat public.

    D’autant plus que la direction ne semble pas
vouloir renoncer à sa politique d’intimidation. Ainsi, les
signataires de la pétition travaillant aux TL ont reçu
personnellement une lettre de l’entreprise leur expliquait
doctement l’erreur malheureuse qu’ils·elles auraient
commise. Actuellement, la direction a saisi l’Office de
conciliation, ce qui, légalement, gèle la situation et
prive le syndicat de possibilités d’action, tant que la
procédure se poursuit. Mais le soutien dont jouit Aïssam
Echchorfi et ses compagnons de lutte du SEV ne s’arrête pas
aux frontières syndicales. Il y a donc fort à parier que
la mobilisation se poursuivra ces prochaines semaines. Cela
d’autant plus que la chasse aux syndicalistes un peu remuants ou
aux membres de Commission du personnel cherchant à faire
sincèrement leur boulot est un vrai sport national.

De Manor à Migros en passant par le « Tages-Anzeiger »

En 2006, le Comité de liberté syndicale de l’OIT
(Organisation internationale du Travail) a estimé que la
protection des représentant(e)s des travailleurs en Suisse
n’était pas suffisante. Ce qui s’est passé
depuis ne peut que lui donner raison. Petit rappel concernant ces deux
dernières années seulement :

    Licenciement de la présidente de la section
d’Unia à Manor, Genève, Marisa Pralong,
malgré une CCT « interdisant » les
licenciements antisyndicaux.

    Tamedia,
Zurich : le président de la Commission du personnel du
Tages-Anzeiger, Daniel Suter, est licencié « pour
des raisons économiques » juste avant la
négociation d’un plan de restructuration prévoyant
un licenciement collectif.

    Migros, Suhr
(AG) : après de vaines démarches auprès de
la direction, un syndicaliste actif alerte la presse sur le fait que
les locomotives Diesel utilisées dans la halle de distribution
n’ont pas de filtre à particule. L’article ainsi
publié entraîne l’intervention de la SUVA et
l’éloignement des locomotives. Le travailleur est
licencié pour avoir informé mensongèrement la
presse.

    Radio-Fribourg :
deux journalistes élus à la Commission du personnel sont
licenciés après avoir tenté de faire parvenir des
plaintes du personnel au Conseil d’administration.

    Condor,
Courfaivre : le président de la Commission du personnel
de la fabrique est licencié sans délai, malgré une
CCT prévoyant un délai de préavis.

    IPN Healthcare,
Châtel-Saint-­Denis ; le président de la Commission du
personnel est licencié, après une réunion
syndicale où les personnes menacées par un licenciement
collectif abusif avaient été informées de leur
droit.

    ALSMAD,
Lausanne : l’Association pour l’aide et le maintien
à domicile a licencié sa présidente de la
Commission du personnel, travaillant depuis plusieurs années
dans l’établissement.

    EMS Fort Barreau de Genève : un cas similaire à celui de l’ALSMAD s’y est produit en 2010.

Les raisons de se mobiliser pour les libertés syndicales et
d’opinion, aux TL aussi, ne manquent donc pas. Si vous voulez
rejoindre cette lutte, prenez contact avec les
fédérations de l’Union syndicale vaudoise ou avec
les membres de solidarités Vaud.

Eric Peter