Fusion des caisses de pension publiques: berezina syndicale à Genève !

Fusion des caisses de pension publiques: berezina syndicale à Genève !

Acceptée par le Cartel
intersyndical de l’Etat et du secteur subventionné, qui a
signé un accord avec le Conseil d’Etat, cette fusion fait
débat. A ce propos, Albert Nahory nous livre sa vision de la
problématique du 2e pilier… et de l’état
– critique – des syndicats du secteur public genevois.

Pour rappel, deux lois ont été votées par les
Chambres. La première sur la
« gouvernance » des caisses publiques
répartit les rôles entre pouvoirs publics fixant le niveau
du financement et comités des caisses devant maintenir
l’équilibre financier selon des normes de capitalisation
croissantes. Ces derniers doivent adapter les prestations au taux de
cotisation décidé par les autorités et adopter des
« mesures d’assainissement » si le taux
de couverture recule. La 2e loi vise à recapitaliser les caisses
publiques en système mixte. Sont surtout concernées des
caisses romandes. La loi y exige un taux de capitalisation de
80 % dans 40 ans, plus une « réserve de
fluctuation » de 15 %. Avec interdiction de
descendre sous ce seuil et sous les paliers y menant.

    Ces décisions reflètent des tendances
lourdes du capitalisme, qui pousse vers plus de capitalisation (au
profit des banquiers et des multinationales) et vers plus de
privatisation des services publics ouvrant de nouvelles zones de profit
au capital. Avec un faisceau de contraintes rigides visant à
accumuler toujours plus de capitaux, sans garantie pour les pensions
futures. Un système qui est un panier percé toujours
à réalimenter, avec des prestations se dégradant
sans cesse. Il est temps de remettre sur le tapis notre initiative
populaire qui fusionne l’AVS et le 2e pilier.

Fusion inacceptable… mais pourtant acceptée !

Partisans et adversaires du projet de fusion des caisses publiques
genevoises (CIA/CEH) s’accordent : il faudra payer plus,
travailler plus longtemps pour des rentes plus basses. En effet, le
projet déposé fin juin prévoit :

 – une forte hausse des cotisations, 26 % calculé
sur une nouvelle assiette, correspondant à 32 % en
comparaison avec la situation actuelle (23 % CEH et 24 %
CIA) ;

    – le passage à 63 ans de
l’âge-pivot où l’on peut prétendre
à une retraite pleine contre 60 ans (CEH) et 62 ans (CIA) ;

 – de fortes baisses des prestations de retraite pour presque
tous. Avec de très fortes diminutions à partir de la
classe 10, un peu moins en dessous ;

 – un allongement de la durée de cotisation donnant droit
à une rente complète. Elle passe à 39 ans, contre
37,5 à la CEH et 38 à la CIA ;

 – une baisse du taux de rente pour orphelins, enfants de
retraités ou d’invalides et un taux annuel de
réduction de retraite exorbitant en cas de retraite
anticipée ;

 – la fragilisation de l’indexation des rentes
(limitée en général à 1 %
l’an) doublée d’un découplage de
l’indexation salaires-pensions, rompant la solidarité
intergénérationnelle.

    L’Etat payera toujours 2/3 de la cotisation,
le personnel 1/3. La notion de pénibilité pour efforts
soutenus (notamment port de charges), rythmes de travail et horaires
atypiques (surtout de nuit), environnement de travail
défavorable (substances dangereuses, bruit, variations de
température) a été retenue comme donnant droit
à un âge pivot à 60 ans. Si une part de la
carrière est effectuée dans une telle activité,
elle est comptée au prorata. Des mesures transitoires
permettront aux salarié·e·s en fin de
carrière de bénéficier en gros des conditions
actuelles ; le choc serait un peu amorti en milieu de carrière,
par contre, les jeunes seraient frappés en plein.

    Avec ce projet, la charge de recapitalisation repose
surtout sur le personnel qui supportera 2/3 de celle-ci, sous forme de
diminution des prestations et d’augmentation des cotisations. Les
contraintes fédérales et la longévité
accrue appelaient des mesures, mais pas avec un plan dégradant
les conditions de retraite et s’inscrivant pleinement dans une
logique de démantèlement social.

Changement de paradigme syndical ?

Le Cartel intersyndical, hormis le SSP, a signé son accord sur
ce plan. Au prétexte qu’il valait mieux accepter
l’inacceptable plutôt que pire ! Car sous la
houlette de la droite parlementaire, le conseiller d’Etat Vert
Hiler et Beer du PS ont usé d’un chantage insupportable
(supporté sans un mot par le Cartel) le menaçant,
s’il ne signait pas, d’un projet de loi plus
défavorable encore avec des cotisations réparties
50 %-50 % plutôt que 2/3-1/3.

    La soumission des syndicats de la fonction publique
aux diktats du gouvernement est une nouveauté à
Genève: le Cartel a même laissé au seul Conseil
d’Etat l’annonce à la presse de la signature de
l’accord. Un précédent accord sur les licenciements
facilités laissait imaginer le passage d’un syndicalisme
de défense des travailleurs·euses à un
syndicalisme d’accompagnement du démantèlement
social. Aujourd’hui, il est à craindre que ce soit le cas.
On voit que le Cartel a repris mot à mot, pour défendre
l’accord, l’argumentation du Conseil d’Etat; que des
articles attaquant violemment le SSP, qui s’oppose à ce
plan, sont diffusés par une organisation syndicale.
L’accent a été mis sur des négociations mais
sans chercher à les articuler avec la mobilisation.
Révélateur du désarroi, de
l’intériorisation de la crise et des conditions
imposées par la bourgeoisie, comme la prétendue
« inéluctabilité » du
démantèlement social, mais aussi de la coupure avec les
travailleurs·euses.

    Le Cartel a refusé de convoquer une AG de la
fonction publique pour avoir son avis sur le plan de fusion. Or les
hospitaliers lors de l’AG de la CEH se sont prononcés
contre ce plan. Une mobilisation était donc possible. Une
nouvelle période, peu rassurante, s’ouvre ainsi… Le
débat sur l’avenir du syndicalisme dans le secteur public
s’impose d’autant plus.

Albert Nahory