Armée: la droite contre-attaque

Armée: la droite contre-attaque

La droite militariste se mobilise pour
imposer une révision à la hausse du programme de
réforme de l’armée adopté par le Conseil
fédéral en 2010.

Lors de la récente session, la majorité de droite du
Conseil des Etats a exigé une armée de 100 000
hommes au lieu des 80 000 prévus, de nouveaux avions de
combat en 2015 au lieu d’attendre 2022 et 5,1 milliards de
dépenses militaires annuelles au lieu des 4,4 milliards
souhaités par le Conseil fédéral.

    Ce que l’UDC n’a pas obtenu du Conseil
fédéral à l’issue des laborieux rapports sur
la politique de sécurité et sur l’armée,
elle entend l’obtenir en appelant le parlement à la
rescousse. En ralliant droite militariste et cantons
périphériques qui craignent une perte des
retombées économiques liées à la
présence de l’armée, l’UDC vient
d’obtenir une première victoire aux Etats contre le
modèle d’armée voulu par le Conseil
fédéral.

    La contre-attaque pour rétablir une
armée « forte et crédible »
pour la défense du territoire passe maintenant au National. A
quelques mois des élections fédérales, les
pro-armée trouvent le soutien nécessaire auprès
des élu·e·s du PLR et du PDC qui ne veulent pas
laisser la question du sauvetage d’une armée en perdition
à l’UDC. Pour l’électorat conservateur en
effet l’armée fait encore partie de l’imagerie
rassurante de la Suisse de jadis. Cela a son importance dans un
contexte de crises économiques et financières
européennes, révolutions arabes et masses de
réfugié·e·s qui n’aspirent qu’à
« nous envahir ». On est
décidément bien loin de l’armée de
20 000 professionnels intégrable à l’OTAN
préconisée par le tandem Maudet-Keckeis. Le bilan
plutôt désastreux des armées occidentales
occupées à « créer de la
sécurité » en Afghanistan ou en Libye
conforte le projet du retour à l’armée de masse
traditionnelle.

Coupes dans les transports, la formation, l’aide au développement…

Mais il y a un problème pour ce projet militariste, ce sont ses
coûts. Une semaine après le vote des Etats, le
Tages-Anzeiger publiait le contenu d’un rapport confidentiel de
l’Administration fédérale des finances montrant les
conséquences budgétaires qu’entraineraient les
dépenses militaires supplémentaires demandées par
les traditionnalistes. Dès 2012 il faudrait un milliard de plus
de disponible pour l’armée par an et ce montant
augmenterait jusqu’à près de 2 milliards
supplémentaires en 2016 pour ensuite redescendre à 1
milliard supplémentaire par an une fois les nouveaux avions
achetés. L’administration des finances évoque deux
scénarios :

   – soit une augmentation entre 0,4 et 0,5 % du taux
de la TVA qui rapporterait entre 1,2 et 1,5 milliards de francs de
recettes supplémentaires;

  – soit un programme de coupes budgétaires qui
permettrait d’économiser entre 1 et 1,5 milliards par an.
L’Administration des finances prévoit notamment les coupes
suivantes : moins 550 millions dans les transports, moins 440
millions pour l’agriculture, moins 220 millions pour la recherche
et la formation, moins 160 millions dans la coopération au
développement…

    Une telle surenchère ne pourrait passer par
le budget ordinaire de la Confédération sans crever le
plafonnement des dépenses, ce qui nécessiterait une
modification de la loi sur le frein à l’endettement, qui
à son tour serait soumise au référendum facultatif.

    Il faudrait donc commencer une mobilisation massive
dans la phase actuelle de campagne électorale déjà
pour bloquer cette surenchère militaire. Ensuite, le Groupe pour
une Suisse sans armée sera de la partie pour lancer et gagner le
référendum contre ce programme de réarmement.

    En attendant, l’aboutissement de
l’initiative du GSsA pour la suppression du service militaire
obligatoire contribuera à stopper les ardeurs de la droite
national-militariste. On est à 70 000 signatures et il
reste six mois pour arriver aux signatures nécessaires.
Malgré un scepticisme légitime de la part de
solidaritéS lors de son lancement, le GSsA estime que la remise
en question de la mythologie de l’armée de masse,
démocratique, citoyenne et solidement ancrée dans les
traditions helvétiques est aujourd’hui plus opportune que
jamais !

Tobia Schnebli