Pérou: élections présidentielles

Pérou: élections présidentielles

Au terme d’une campagne
polarisée, Ollanta Humala, dirigeant du Parti nationaliste
péruvien, a remporté les élections
présidentielles par 51,6 % des suffrages le 5 juin. Sa
concurrente, Keiko Fujimori, fille du dictateur
néolibéral Alberto Fujimori, condamné à 25
ans de prison pour corruption et violation des droits humains, a obtenu
48,4 % des voix.

«Le candidat de la coalition Gana Peru l’a emporté
nettement dans les zones les plus pauvres du pays et dans les secteurs
les plus combatifs durant ces dernières années :
78 % à Puno, 77,5 % à Cuzco, 72 %
à Ayacucho, 66 % à Arequipa, 58 % en
Amazonie. La candidate de l’oligarchie ne gagne clairement
qu’à Lima (57,5 %) et El Callao (57 %),
où sont concentrées la petite bourgeoisie et de
nombreuses couches paupérisées, intégrées
à un système clientéliste : durant toute la
campagne, les politiciens en place ont distribué
généreusement nourriture, vêtements et chaussures.
Dans le nord, bastion traditionnel de l’APRA [ parti
populiste fondé dans les années 1930, actuellement
section péruvienne de l’Internationale
socialiste ], Keiko Fujimori obtient un peu plus de 50 %,
grâce au soutien déclaré de
l’ex-président Alan García » (David
Rey, in : Lucha de clase, www.luchadeclases.org.ve).

La situation sociale péruvienne

Un article du site www.rebelion.org (10.6) dresse un bilan
éloquent de trois décennies
néolibérales : les rapports de la Banque mondiale
et du Fonds monétaire international signalent une croissance
annuelle du PIB de 5 % durant 10 ans, mais une bonne partie des
Péruvien-ne-s en sont restés exclus. La Banque mondiale
reconnaît que 66 % de la population rurale est pauvre
(plus d’un tiers connaît une situation
d’extrême pauvreté). 70 % des 28 millions de
Péruvien·ne·s se situent au-dessous de
l’indice de pauvreté (74-88 % de la population dans
les régions d’Ayacucho, Puno, Apurimac et Huancavelica).
L’Institut national de statistique et d’informatique
relève que 58 % de la population économiquement
active, est au chômage ou sous-employée. Elle se retrouve
sans sécurité sociale, sans droit à la retraite,
aux soins médicaux et à l’éducation.
D’où le fait qu’en mai 2011, on dénombrait
233 conflits sociaux, dont 117 dans les mines.

    Négocié par Alejandro
Toledo – « un indigène, au cerveau
formaté à Harvard » disait Hugo Blanco
(directeur de la revue Lucha Indigena) – signé par le
social-­médiocrate Alan García en décembre
2007, le traité de libre-commerce (TLC) avec les USA a
accentué les disparités sociales. De surcroît, ce
traité attente à la souveraineté
péruvienne : l’art. 10 prévoit que les
litiges entre le gouvernement et les entreprises transnationales
relèvent d’instances internationales comme le Centre
international de règlement des différends relatifs aux
investissements (CIADI), organisme dépendant de la Banque
mondiale, alors que les tribunaux péruviens sont
déclarés hors-jeu…

Un cartel de mauvais perdants

En 2006, les médias dominants avaient dénoncé les
sympathies d’Ollanta Humala pour le processus bolivarien au
Venezuela. Cette année, le candidat de Gana Peru a
« recentré » son discours en se
déclarant proche de l’ex-président brésilien
Luiz Ignacio Da Silva. Des signaux jugés visiblement
insuffisants…

    En effet, l’organe de la bourgeoisie
péruvienne affirme : « Le président
élu doit comprendre l’urgence et la
nécessité de nommer les principales autorités,
comme le chef du cabinet et le ministre de l’économie,
pièces-clés de la gestion économique. Il doit
s’agir de personnalités au prestige professionnel reconnu,
adhérant aux principes de l’économie sociale de
marché, qui puissent être des interlocuteurs valables pour
les forces d’opposition, mais aussi pour les agents
économiques, les organismes financiers internationaux et les
banques. Il doit choisir dans le même esprit, le président
de la Banque centrale de réserve, dont l’autonomie doit
être garantie » (El Comercio, 7.06)

    Une opinion vite relayée en Europe :
« Mme Fujimori a exhorté le président
élu à « continuer sur la voie
économique tracée et maintenir les règles
claires », afin de rassurer les marchés et le monde
des affaires qui craignent que le nationaliste prenne des mesures
faisant fuir les investisseurs » (Le Monde, 7.06)

Le programme présidentiel

Humala a déclaré : « Nous ne parlons
pas de changer le modèle capitaliste, le modèle
d’une économie ouverte de marché. Nous disons que
la politique économique actuelle a une série
d’imperfections qui ne permettent pas de traduire en
développement et en amélioration de la qualité de
vie la croissance soutenue des 8 dernières
années » (Pagina 12, 7.06).

    S’il dit abandonner son projet de
réformer la Constitution de 1993, reconnaître le TLC avec
les USA et garantir la propriété des multinationales,
« le nouveau président affirme cependant vouloir
renégocier certains contrats d’exploitation avec les
entreprises minières (60 % des revenus
d’exportation du pays) et a réitéré sa
promesse de créer des emplois, des logements ainsi que des
services de première nécessité »
(Frank Gaudichaud, in : Tout est à nous, hebdo du NPA,
Nº 107, 16.06).

Hans-Peter Renk