Initiative 36 heures: un auto-goal!

Initiative 36 heures: un auto-goal!


Près de 75% des votant-e-s ont rejeté, le 2 et 3 mars 2002, l’initiative de l’USS, à tort présentée comme une initiative pour les 36 heures. En fait cette initiative de flexibilisation de la durée du travail introduisait le principe de l’annualisation.



Le résultat du vote souligne le fait que l’USS a marqué, avec son initiative, un vrai but contre le camp qu’elle prétend défendre, celui des salarié-e-s. En guise de bilan, la direction syndicale se dépêche d’enterrer toute bataille à venir pour une réduction massive et immédiate de la durée légale hebdomadaire du travail. Elle se permet notamment d’affirmer que la réduction du temps de travail «venait trop tôt»! Pour les travailleuses et travailleurs qui triment chaque semaine plus de 40 heures, voir plus 45 heures, ils-elles apprécieront…La Suisse connaît du reste une durée légale du travail parmi les plus élevées d’Europe. Quant aux fanfaronnades sur le «but important atteint», à savoir que «le tabou qui pesait sur toute réduction du temps de travail depuis les années nonante a enfin été levé», elles ne méritent guère qu’on s’y arrête, sinon pour constater, une fois de plus, que le ridicule ne tue pas!



Après cette votation, l’USS et les directions de la plupart de ses fédérations multiplient les offres de servi-ce pour une négociation, branche par branche, de la réduction de la durée du travail. Le succès est garanti… L’expérience faite de la négociation en 1998 lors du renouvellement de la convention dans l’industrie des machines (CCT ASM) a été particulièrement probante… Les employeurs étaient d’accord avec l’annualisation, mais sans diminution du temps de travail. Compte tenu des enjeux en matière de rentrées financières – les parties contractantes gèrent un fond pour l’administration des contributions de solidarité (art.4 ch.4 CCT ASM), contribution obligatoire pour tous les salarié-e-s de la branche -, la FTMH avait accepté de souscrire aux objectifs patronaux. Quant à la toute récente Convention collective de travail des industries horlogères et microtechniques suisses du 1er janvier 2002, la durée conventionnelle hebdomadaire du travail reste fixée à 40 heures et son article 11.4 dispose que «dans la mesure où cela se révèle nécessaire pour répondre à des impératifs touchant la gestion et l’organisation rationnelle du travail, notamment à des variations répétées de commandes, des accords d’entreprises peuvent prévoir la modulation de la durée hebdomadaire du travail, sans entraîner de va-riation dans le salaire mensuel contractuel ». L’art 11.6 de cette CCT stipule que les limites de fluctuation de la durée hebdomadaire de travail sont au maximum de 45 heures et au minimum de 30 heures. Dernier «exemple» en date de flexibilisation, résultat de négociations branche par branche!

Après l’auto-goal, le dégagement en corner!


Pour faire mieux faire passer la pilule de l’abandon de tout projet de réduction effective du temps de travail hebdomadaire, l’USS met en avant «l’objectif syndical d’une réduction du temps consacré au travail sur toute une vie», principalement celui de la retraite anticipée. Le droit à une retraite à 60 ans, avec une rente complète, constitue sans aucun doute une revendication essentielle pour les salarié-e-s, obligé-e-s à travailler durant toute une existence dans des conditions qui ruinent leur santé. Mais si cet objectif ne s’accompagne pas d’actions syndicales sur les lieux de travail, en particulier pour limiter drastiquement les heures supplémentaires, pour imposer le droit à des pauses effectives et payées ou pour intégrer le temps de transport dans le temps de travail, il ne contribuera pas à reconquérir des droits collectifs pour les sala-rié-e-s, seuls susceptibles de mettre des limites au pouvoir des employeurs en matière de durée du travail.



Jean-Michel DOLIVO