Des jeunes sur le carreau

Des jeunes sur le carreau

160 millions d’économies
dans le budget d’ici 2016 (10 % du budget), il faut couper
partout. Le programme de législature du Conseil d’Etat
déploie ses effets. Les jeunes en fin de scolarité vont
le payer cash.

Le département a décidé de réduire le
nombre de jeunes accédant aux filières enseignement
à plein temps (lycées, écoles professionnelles) au
profit de la formation duale (apprentissage en entreprise) qui
coûte beaucoup moins cher, avec l’argument que les
perspectives d’emploi seront meilleures. Encore faut-il
qu’il y ait des places d’apprentissage. A l’heure
actuelle, celles-ci sont très largement insuffisantes.
Qu’à cela ne tienne, le département a des
solutions efficaces :

–    Des règles plus sévères
ont été établies pour l’entrée au
lycée et un examen supplémentaire a été
instauré pour celles et ceux dont les notes à la fin du
semestre (janvier) n’atteignaient pas les nouvelles exigences.

–    117 élèves sur 178 ont
échoué et se retrouvent sur le carreau. Le
département exclut la possibilité de refaire
l’examen dans une année, ce qui est une aberration, car
à 15 ans les jeunes sont en pleine transformation et il serait
normal de leur donner plusieurs chances. C’est autant de parents
désemparés. Dans une lettre publique au Conseiller
d’Etat responsable des finances, des parents concluent :
« Comment votre département (justice et police)
a-t-il prévu d’assumer et/ou d’anticiper les
immanquables conséquences du désoeuvrement
(adolescent·e·s en colère livrés à
eux-mêmes dans le canton) des jeunes sans horizon dès la
fin de l’année scolaire qui arrive ? »

    La formation est la condition essentielle de notre
avenir. Ces économies vont faire des victimes et toute la
société le paiera. C’est inadmissible.

Les député·e·s socialistes en rangs dispersés : Gnaegi se frotte les mains

Au Grand Conseil, les groupes du Parti socialiste et de
POP/Vert/solidaritéS -qui forment ensemble la majorité du
Parlement- ont déposé une recommandation à
l’adresse du Conseiller d’Etat, Philippe Gnaegi, chef du
département de l’éducation et de la culture (DECS)
pour lui demander de « surseoir à la mise en oeuvre
des nouvelles conditions d’admission dans les filières en
école à plein temps du secondaire II et de renoncer
à la fermeture de classes dans ces filières à la
rentrée 2011-2012 ». Le Conseilller d’Etat
Gnaegi a répondu que l’objectif du dispositif mis en
oeuvre est pédagogique (sic) et que s’il manque des places
d’apprentissage, il ouvrira des classes de
préapprentissage. Il a appelé à refuser cette
recommandation. Au vote, une grande partie des socialistes se sont
abstenus : la recommandation a échoué par 46 voix
contre 44 (sur 115 député·e·s
présents, dont 62 sont censés être à
gauche). Les jeunes laissés pour compte, leurs parents et les
enseignant-e-s solidaires apprécieront sans doute le courage de
la députation socialiste qui s’aplatit devant le chef du
DECS.

Marianne Ebel



Début mai, des enseignant·e·s inquiets par la
tournure des événements ont adressé un dossier
d’information à plusieurs
député·e·s du Grand Conseil, ainsi
qu’aux médias pour exprimer leur désaccord avec le
numerus clausus mis en place sous la forme d’examens qu’ils
étaient censés préparer et corriger. La presse
locale a fait la sourde oreille. Nous publions ci-dessous la lettre de
20 autres enseignant·e·s, solidaires des
élèves en difficulté, et adressée à
« L’Express » au mois d’avril
déjà :

9MO, 9PP :

pas de gagnants, que des victimes

Les élèves de 9MO (moderne) et 9PP
(préprofessionnelle) qui, au semestre, ne remplissaient pas les
nouvelles conditions d’admission au lycée
(délibérément durcies en septembre), avaient la
possibilité de s’inscrire à un examen
d’entrée en mathématiques, en français, en
allemand et en anglais (4 branches à la suite le même
jour !)

    178 élèves de tout le canton se sont
inscrits. 61.2 % ont échoué à cet examen de
repêchage (36 réussites en filière maturité
spécialisée ou professionnelle et 33 réussites en
filière CFC de commerce). Aucun élève de 9PP
n’a réussi, alors que l’examen aurait dû
ouvrir la porte du lycée à ces élèves en
particulier, ce que M. Gnaegi, chef du DECS, avait brandi comme un
argument phare. En outre, combien d’élèves ont
renoncé à se présenter à cette
épreuve ? Et pourquoi ont-ils /elles
renoncé ?

    Les chiffres parlent
d’eux-mêmes : peu de réussites et à
quel prix en termes d’investissement de temps et
d’énergie de la part des  élèves et des
enseignant·e·s, sans oublier l’angoisse des
parents ?

    Que va répondre le DECS aux parents qui vont
apprendre que leur enfant n’a plus la possibilité
d’entrer dans un lycée et qu’il n’y a pas de
solution (trop tard pour chercher une place d’apprentissage) pour
la prochaine rentrée ?

    Que ferons-nous des élèves qui
n’ont pas réussi, alors que les places
d’apprentissage n’ont pas été
créées ?

    Pour tenir sa promesse, combien de classes de
préapprentissage devra-t-il ouvrir pour que personne ne reste
sans solution ? Cette formule a aussi un coût pour la
collectivité, et ne fait que reporter le
problème : lorsqu’en janvier 2012 ces
élèves recalés chercheront une place
d’apprentissage, que feront les 8MO et 8PP actuels ?

    En tant que citoyen·nes, nous tenons à partager nos préoccupations avec la population.

Des lecteurs·trices avertis et sensibles à l’avenir de notre jeunesse !



20 enseignant·e·s du LJP-ESND

(Lycée Jean-Piaget – Ecole supérieure Numa Droz)