Simonetta Sommaruga plus expéditive que Christoph Blocher…

Simonetta Sommaruga plus expéditive que Christoph Blocher…



Depuis son entrée en vigueur en
janvier 1981 la Loi sur l’asile (LAsi) a fait l’objet de
nombreuses révisions qui ont toutes eu pour objectif
déclaré la volonté d’accélérer
la procédure de traitement des demandes d’asile. Mais leur
effet réel et recherché a été le
démantèlement du droit d’asile ainsi que la mise en
place d’une politique très restrictive, marquée par
la peur d’un prétendu afflux massif de « faux
réfugiés » et entraînant
d’innombrables modifications législatives ainsi
qu’une pratique administrative de plus en plus rigoureuse.

Avec la chute vertigineuse du taux d’acceptation, la politique du
droit d’asile est devenue une politique « de
dissuasion » à l’égard des
réfugié·e·s potentiels et « de
renvoi » à l’encontre de ceux et celles qui
sont entrés en Suisse. Depuis la fin des années 1980, la
loi privilégie l’octroi de statuts précaires en
lieu et place de véritables permis de séjour, multiplie
les clauses de non-entrée en matière permettant de ne pas
examiner les demandes d’asile de manière approfondie et
introduit dans le droit des étrangers des mesures de contrainte
autorisant notamment la mise en détention pour assurer
l’exécution des renvois.

Le droit d’asile en liquidation

Les propositions contenues dans le
« Rapport sur des mesures
d’accélération dans le domaine de
l’asile » de mars 2011 défendue par la
conseillère fédérale socialiste, Simonetta
Sommaruga, s’inscrivent totalement dans cette perspective. Elles
devraient faciliter encore plus la mise en oeuvre des décisions
de non-entrée en matière et d’exécution des
renvois, déjà accélérée dans le
cadre de l’application des Accords de Dublin. Comme le
déclare, dans le quotidien 24 Heures du 30 mai 2011, Yves
Brutsch, ancien porte-parole pour l’asile des Centres sociaux
protestants (CSP) de 1985 à 2010, il s’agit
« d’un durcissement de la procédure qui va
beaucoup plus loin que ce que M. Blocher a pu
proposer » ! Et il poursuit :
« la procédure qu’ils (le parti socialiste,
à travers son président et sa conseillère
fédérale) proposent n’a plus rien
d’équitable. Elle tend systématiquement à
entraver les recours et à priver le requérant·e du
temps nécessaire pour organiser sa défense (…)
L’idée qu’il suffirait d’assurer la
présence de conseiller·e·s juridiques de
l’OSAR pour garantir l’équité de la
procédure d’abattage que propose Mme Sommaruga, avec
l’objectif de liquider en quelques semaines 80 % des
demandes d’asile en assignant à résidence dans des
centres fédéraux à l’écart des
agglomérations où ils pourraient trouver de l’aide,
n’est hélas qu’une triste farce ».

De révision en révision :  une peau de chagrin

Les révisions de la LAsi se sont succédées sous
les coups de boutoirs des multiples initiatives anti-étrangers
de l’UDC : en 1983/84, définition de cas
« manifestement infondés » pour
lesquelles l’audition fédérale
complémentaire est supprimée, décision de renvoi
prise en même temps que la décision négative sur
l’asile, suppression de la deuxième instance de recours,
possibilité pour les cantons d’interdire aux candidats
à l’asile de travailler; en 1986/88, enregistrement des
demandes centralisé dans quatre centres fonctionnant selon un
régime de semi-détention, répartition des
refugié·e·s requérants entre cantons sans
tenir compte de leurs liens sociaux, dérogation possible aux
normes usuelles de minimum vital, prise de décision sur dossier
(sans audition fédérale), détention administrative
de 30 jours en vue du refoulement; en 1990, non-entrée en
matière et renvoi immédiat pour différentes
catégories de demandes dites
« abusives », non-entrée en
matière pour les demandes qui viennent de pays arbitrairement
désignés comme sûrs, interdiction de travailler
systématisée pour les premiers mois de la
procédure, limitation des possibilités de permis B pour
motifs humanitaires en fin de procédure; en 1995,
détention en vue du refoulement en cas de décision
négative passe de 30 jours à neuf mois, détention
de 72 h sans contrôle judiciaire en cas de renvoi
immédiat de candidat·e·s à l’asile,
autorisation de fouille et de perquisition en dehors de toute
enquête pénale; en 1998, non-entrée en
matière pour les requérant·e·s sans
papiers, suspension de la procédure d’asile pour les
réfugié·e·s issus de pays en guerre,
non-entrée en matière pour les
« illégaux » demandant l’asile
après arrestation, introduction de règles de
procédure spécifiques pour les
requérant·e·s d’asile, réduisant au
maximum les possibilités de recours et transformant le droit
d’asile en droit d’exception; en 2008, non-entrée en
matière pour les requérant·e·s qui ne
peuvent pas présenter de papiers d’identité, renvoi
des requérant·e·s vers des pays tiers soi-disant
« sûrs », exclusion de l’aide
sociale pour tous les requérants déboutés, mesures
de contrainte permettant de prolonger jusqu’à deux ans la
détention en vue du refoulement.

De Charybde en Scylla

Le démantèlement progressif du droit d’asile
s’est opéré en combinant plusieurs facettes,
réduisant à zéro les droits des personnes
concernées et imposant des mesures répressives:
diminution des garanties de procédure, avec notamment la
suppression de l’audition fédérale obligatoire et
de certaines possibilités de recours, le raccourcissement des
délais de recours et le retrait de leur effet suspensif,
liquidation de certaines demandes sans examen sur le fond
(non-entrée en matière et renvoi immédiat),
marginalisation des requérants (interdiction de travailler,
assistance réduite, isolement social) et enfin
systématisation des renvois, le cas échéant sous
contrainte. La conseillère fédérale socialiste,
Simonetta Sommaruga, annonce encore un durcissement – si
c’est possible ! – de la politique en matière
d’asile. Elle se présente comme la Dame de Fer du Conseil
fédéral, alliant une orientation sociale-libérale
avec la poursuite d’une application toujours plus brutale de la
politique xénophobe de l’état.

Jean-Michel Dolivo