Le bâtiment se mobilise: 60 ans, ça suffit

Le bâtiment se mobilise: 60 ans, ça suffit


Le Syndicat Industrie et Bâtiment (SIB) appelle à une manifestation nationale des travailleurs/euses de la construction le 16 mars à Berne. Dans les négociations de la convention en cours, le SIB voudrait obtenir la retraite à 60 ans pour les travailleurs/euses du bâtiment. En viendra-t-on à la plus grande grève nationale en Suisse depuis 50 ans? C’est encore difficile à dire.



21% des ouvriers du bâtiment meurent avant d’atteindre l’âge de la retraite. Leur taux de mortalité entre 45 et 65 ans n’est dépassé que par celui des manœuvres dans les usines (27%) et par le personnel de nettoyage (29%). 41% d’entre-eux sont morts ou invalides avant d’atteindre l’âge de la retraite. C’est ce que révèle une étude de l’Inspection du travail genevoise. Celle-ci a pris en compte les statistiques de mortalité et d’invalidité de 5317 travailleurs/euses du bâtiment sur 45 ans. Le risque de devenir invalide pour un ouvrier du bâtiment est 7 fois plus grand que pour un directeur dans la même branche et 10 fois plus important que chez les techniciens et architectes.

Un travail qui éreinte


«Malgré un produit intérieur brut et une espérance de vie moyenne croissants, le fossé en matière de santé entre pauvres et riches s’est creusé ces dix dernières années», souligne également Ursula Ackermann, bâloise, spécialisée dans la médecine sociale. A travers l’adaptation des primes de l’assurance-accident au taux d’accidents, le renforcement des prescriptions légales (introduction des directives ASA) et des efforts renforcés des «partenaires sociaux», le taux d’accidents dans la construction a pu être légèrement réduit. De 1996 à 2000, le nombre d’accidents à pu été diminué de 1200 par an.



Malgré cela la probabilité d’accident sur les chantiers est toujours très élevée en comparaison avec les autres branches. Un travailleur sur quatre y est accidenté chaque année. Par l’embauche croissante de travailleurs temporaires sans formation ce taux est de nouveau à la hausse. Le taux élevé d’invalidité n’est en outre pas seulement imputable au nombre élevé d’accidents, mais aussi au travail sur les chantiers, particulièrement dur et nuisible pour la santé. Le temps n’y est en effet de loin pas toujours aussi beau que sur les pubs de l’industrie du bâtiment et l’apport accru de moyens mécaniques sur les chantiers n’a rien changé fondamentalement au fait que nombre de travailleurs doivent lever et transporter des matériaux de construction très lourds.



C’est pourquoi le SIB a mis au centre du renouvellement de la convention collective nationale la baisse de l’âge de la retraite à 60 ans (contre 65 aujourd’hui) ou à 40 ans travaillés dans la construction. «Retraite à 60 ans, enfin!» et «40 ans sur les chantiers, ça suffit!» sont donc les mots d’ordre de la manif nationale du 16 mars à Berne.

Convention menacée

Dès le 1er avril, les cent mille travailleurs d’environ 4000 entreprises du bâtiment n’auront peut-être plus de contrat collectif national de travail. Cette convention a fait régulièrement l’objet d’une extension généralisée par le Conseil fédéral. Cela signifie qu’elle est également contraignante pour les entreprises ou bureaux de placement temporaire. L’accord dans le bâtiment est le contrat collectif de travail le plus significatif en Suisse et fait partie du petit nombre de conventions qui spécifient la durée du travail et les salaires minimaux de manière contraignante. Même si, sur le plan du temps de travail, on a vu une dégradation lors des dernières négociations, elle prescrit toujours des conditions de travail meilleures que les minimums légaux.



L’accord prescrit également des contributions sociales pour tous les travailleurs du bâtiment qui alimentent un fonds paritaire géré par les entreprises et syndicats. Ces millions profitent aux différentes organisations patronales, à leurs programmes de formation et aux syndicats. Sans ces contributions, ils devraient se serrer la ceinture. Le prix du vide conventionnel est donc élevé pour les parties contractantes.

Vers un conflit majeur?


Malgré cela, le SIB et l’association patronale se livrent régulièrement à des joutes verbales combatives avant chaque renouvellement de convention. Le SIB brandit régulièrement la menace de la grève. Les négociations pour ce renouvellement sont cependant plus dures que dans les années passées et la conclusion de l’accord est plus incertaine. L’association patronale aimerait arriver à un accord, mais à un coût aussi bas que possible. Il en va de sa cohésion. Les nombreuses petites entreprises font pression contre la propension au compromis des quelques «gros» comme Batigroup ou Marti, qui s’en sortent mieux dans la conjoncture actuelle. Pletscher, président des entrepreneurs du bâtiment craint la scission de son organisation (Blick du 12.3.01).



Malgré ces différents aléas, ce n’est de loin pas certain, comme le proclamait à cor et à cri le Blick, que la Suisse sombrera le 2 avril dans un «chaos» de grèves et que les grands chantiers de prestige comme Expo 02 ou les transversales alpines, sensibles à l’opinion publique, doivent baster. Le 18 mars aura lieu le prochain tour de négociations. Le 2 avril, la conférence de branche du SIB décidera de sa ligne de conduite. Le SIB a déjà réduit ses exigences salariales de 250 à 120 Fr. d’augmentation. La différence avec les 80 Fr. proposés par l’association patronale n’est déjà plus suffisante au déclenchement d’une grève.



La question de la retraite avancée pour les ouvriers du bâtiment laisse aussi un vaste champ pour des négociations, à partir de quand devrait-elle entrer en vigueur, qui la financera, etc.? Malgré ses déclarations combatives, il reste à voir si la direction du SIB, après une journée d’action qui n’était pas absolument convaincante en novembre, s’embarquera dans un mouvement de grève étendu. Le Blick met en avant l’idée, que le Conseiller fédéral Couchepin, s’entremettra dans l’affaire, comme il l’avait fait lors de la rupture des négociations, avant la conclusion du dernier accord. Dans tous les cas, bien des choses se construiront encore avant qu’on en vienne à une grève nationale des travailleurs/euses du bâtiment.



Urs DIETHELM