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N° 188 (23/05/2011). A la une: Ni nucléaire, ni effet de serre: pour un service public de l'énergie
p. 18
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Histoire
140e anniversaire de la Commune: « Après la Commune, le mouvement ouvrier ne sera plus le même »
A l’occasion du 140e anniversaire de la Commune de Paris de 1871, notre journal, en collaboration avec les jeunes d’United Black Sheet et le Café d’Idées, a organisé une conférence avec l’historien genevois Marc Vuilleumier, grand connaisseur de la Commune et auteur de l’ouvrage « Souvenirs de deux communards réfugiés à Genève 1871–1873 », édité par le Collège du Travail en 1987.
La flamme des souvenirs de cette expérience révolutionnaire n’est pas encore éteinte si l’on en croit la bonne affluence à cette conférence, la salle du café Gavroche étant pleine. Seuls regrets : une assistance majoritairement grisonnante et le manque du temps pour approfondir la brillante présentation du conférencier, malgré un débat très nourri. L’historien a mis en évidence le contexte historique qui a permis la floraison de cette expérience et l’écho qu’elle avait suscité à son époque et actuellement. Karl Marx, les anarchistes espagnols, Lénine, Trotski, entre autres, ont écrit sur ce printemps ouvrier. Les nouvelles générations de militant·e·s devraient étudier cette révolution populaire, pour en tirer les principales leçons ; le combat des communards, celui de Louise Michel par exemple, est encore très actuel et leur lutte d’hier est la nôtre aujourd’hui.
La conférence a été enregistrée et nos lecteurs et lectrices pourront bientôt la consulter sur le site de solidarités.ch. Nous avons brièvement évoqué cet évènement avec Marc Vuilleumier.
Quels sont les messages politiques essentiels de la Commune de Paris et pourquoi un évènement passé il y 140 ans est-il encore d’actualité ?
Aux yeux de Karl Marx, c’est la suppression de l’Etat bourgeois et les prémices d’une organisation politique et sociale nouvelles de la société civile qui sont les points fondamentaux de cette révolution. C’était en quelque sorte d’une part détruire l’Etat et d’autre part chercher l’émancipation du travail, la disparition du travail salarié et prôner la libre association de libres producteurs. Le rôle des femmes dans la lutte pour défendre la Commune, la défense de la laïcité, le développement de l’enseignement pour les classes populaires, sa composante internationale et la forme de représentation étaient aussi des enseignements très importants. Mais je pense que le point le plus important de La Commune, comme disait Marx, ça été son existence même. Après l’expérience de La Commune de Paris de 1871, le mouvement ouvrier international ne sera plus le même.
La Commune est un phénomène essentiellement parisien, sauf exceptions (Lyon, p. ex.), mais elle a tout de suite une répercussion internationale. Pourquoi ?
C’est avant tout parisien, même s’il y a eu d’autres Communes avant celle de Paris, mais c’est dans cette ville que se trouvait le mouvement ouvrier, républicain dans sa majorité, qui était le plus développé et politisé. A Paris existaient quelques organisations ouvrières organisées : membres de la 1re Internationale, blanquistes, républicains de gauche…
Le siège de Paris par les Prussiens a contribué pendant 4 mois à accroître les revendications populaires.
Sa répercussion internationale est due à plusieurs phénomènes ; entre autres aspects, je citerai le rôle de diffuseur du Conseil Général de la Première Internationale avec ses circulaires aux organisations membres dans les divers pays où il y avait des sections ; un autre aspect, c’est l’effet stimulant, dans une classe ouvrière naissante, de ce début d’affirmation en tant que classe et de preuve par les faits qu’une nouvelle forme du gouvernement était possible ; en outre, il y avait la composante proprement internationale (Polonais, Allemands, Italiens…) des communards. Enfin, le massacre qui a suivi la destruction de La Commune, ainsi que les réfugiés communards dans les divers pays qui avaient quitté la France pour échapper à la répression sanglante ont aussi contribué à sa renommée internationale.
Quel écho a eu La Commune en Suisse et à Genève particulièrement ?
Au moment de La Commune de Paris, Le congrès de L’Internationale de la Suisse romande a voté une motion de soutien à La Commune et celle-ci a envoyé un délégué Genève, pour organiser un soutient actif à la Commune de Paris. Jean Philippe Becker , militant de l’Internationale, à même essayé d’organiser une expédition armée, qui aurait dû marcher sur Lyon. Les réfugiés de La Commune ont été accueillis à Genève et l’Association politique ouvrière nationale a organisé une campagne en faveur du communard Razua exilé et emprisonné à Genève, et dont le gouvernement de Versailles demandait l’extradition. Par manque de preuves fournies par Versailles, le gouvernement suisse l’a relâché. Le droit d’asile n’a pas été mis en question par la suite.
Il y a aussi des Suisses qui vivaient à Paris et qui ont pris part à La Commune. Une autre partie servait dans la Garde Nationale; comme celle-ci, ils ont participé à La Commune et subi une répression féroce. Kern, le ministre suisse à Paris, est intervenu activement pour les faire relâcher ou tout au moins, les faire traduire devant un tribunal militaire et les assister dans leur défense. Le secrétaire de la délégation suisse à Paris a assisté le 28 mai 1871 à une exécution massive de prisonniers et il a rendu compte à Kern qui est intervenu auprès du chef du cabinet de Thiers, une intervention qui a contribué à faire cesser ces massacres de masses. Le conseiller national radical Eytel (les radicaux de la fin du XIXe siècle étaient autre chose que ceux d’aujourd’hui) est intervenu à la session de juillet du Conseil national pour signaler la disparition et l’exécution sommaire de Suisses à Paris et a vigoureusement protesté contre ces actes. Il a été soutenu par son homologue genevois Moïse Vautier.
Propos introduits et recueillis par Juan Tortosa
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