Tambours de guerre sur la terre de Bolivar

Tambours de guerre sur la terre de Bolivar


Le 11 septembre a ouvert la voie à la guerre impérialiste en Asie Centrale et au Moyen-Orient. L’Amérique latine est en ligne de mire.


Dans les trois Etats – Colombie, Equateur, Venezuela – qui, formèrent la République de «Grande Colombie», à la défaite du colonialisme espagnol, les Etats-Unis ont mis à l’ordre du jour la guerre (en Colombie), la répression (en Equateur) et la déstabilisation (au Venezuela).



Dans son édition du 3 mars, le journal Liberación relève à propos de la décision du président Andrès Pastrana de rompre le dialogue avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC-EP): «Pastrana a décidé de passer dans l’histoire comme un président, après tant d’autres, incapable de résister aux pressions nord-américaines et de rompre avec les puissants intérêts oligarchiques qui gouvernent le pays depuis des décennies. (…) Il a opté pour approfondir le conflit en permettant aux Etats de s’ingérer définitivement dans les affaires colombiennes et d’ouvrir un front supplémentaire de guerre «anti-terroristes», cette fois sur notre continent américain»1.



Si l’on pouvait en douter, il suffit de lire les déclarations du candidat libéral Horacio Serpa au journal patronal «Caracol», mettant en cause la présence de conseillers militaires nord-américains à San Vicente del Caguan. La guerre du Vietnam n’avait pas commencé autrement!

Etat de guerre


La reprise des affrontements, l’entrée de l’armée – suivie par les sinistres «paracos» (para-militaires) – dans la zone démilitarisée du Caguan montrent que les autorités colombiennes et le gouvernement nord-américain (auteur intellectuel du fameux «plan Colombie») ont décidé d’en finir – mais y réussiront-ils? – avec les organisations de guérillas et, plus généralement, avec toute forme d’opposition populaire (armée ou non). La Colombie est l’un des pays du monde, où le niveau de répression contre le mouvement syndical est l’un des plus élevés. Les «médias» domestiqués, qui font leurs choux gras de l’enlèvement d’Ingrid Betancourt – candidate «Verte» à la présidence de la République, en tournée électorale dans le Caguan – devraient rappeler que diverses tentatives de solution politique au conflit armé ont échoué: dans les années 80, plusieurs dirigeants du Mouvement du 19-Avril ont été assassinés par les para-militaires; l’Union patriotique – porte-parole politique des FARC en vue de leur retour à la vie civile – a été liquidée, au sens strict du terme, par une campagne terroriste de ces mêmes para-militaires..

Etat de siège


En Equateur2 – dans la dernière semaine de février -, l’armée a réprimé une grève déclenchée dans la province d’Orellana, suite à un accident survenu à un oléoduc dans la forêt amazonienne. Deux adultes et deux enfants ont été abattus, alors que 40 personnes étaient arrêtées par les militaires et que plus de 300 blessé/es étaient enregistrés dans les hôpitaux de la province. Le gouvernement équatorien a instauré l’état de siège à dans les provinces de Sucumbios, le 22 février, et d’Orellana, le 23, avec l’excuse de protéger la frontière après la rupture du dialogue entre le gouvernement colombien et les FARC. Néanmoins, le 25 avril, le ministre de l’Intérieur équatorien, Marcelo Noboa, déclarait que l’état d’urgence était dû à la grève dans la province d’Orellana. Relevons enfin que les paysans de cette région protestent contre les programmes de fumigation, mis en œuvre de l’autre côté de la frontière dans le cadre du «plan Colombie» et qui affectent leurs cultures (les détergents ne connaissant point l’existence des frontières étatiques…).

Déstabilisation


Enfin, le Venezuela est également visé. Depuis début février, plusieurs officiels nord-américains ont critiqué le gouvernement du président Hugo Chavez pour s’être distancé de la politique nord-américaine en Afghanistan. «Doit-on s’étonner que ces déclarations surgissent au moment même où l’opposition vénézuelienne dénonce le caractère «communiste» du programme économique gouvernemental et multiplie les actions de rue pour demander le départ du chef de l’Etat?»3. Dans un article publié par Libération, le 25 février, deux politologues vénézuéliens relèvent que les mêmes tactiques déstabilisatrices utilisées dans les années 1970/1973 contre le gouvernement d’Unité populaire au Chili – ou ajouterons-nous, pour prendre un exemple géographiquement plus proche, contre le gouvernement portugais de Vasco Gonçalves (du Mouvement des forces armées, MFA) – sont aujourd’hui appliquées au Venezuela. Et de relever: «Si des casseroles sonnent en Argentine pour demander plus de justice sociale, au Venezuela, c’est une élite rancunière qui les brandit pour exiger le maintien de ses privilèges. Alors que des civils tombaient sous les balles d’un pouvoir impopulaire à Buenos Aires, le tout-Caracas bat aujourd’hui librement le pavé des zones résidentielles en criant, de surcroît à la dictature…»4.



Il est légitime que les options prônées par les organisations révolutionnaires colombiennes ou celles du mouvement «bolivarien» d’Hugo Chavez fassent l’objet d’un débat politique et donc de critiques. Mais, quels que soient les points de vue que l’on puisse avoir à cet égard, une chose est claire: la guerre en Colombie, la répression en Equateur, la tentative de déstabilisation au Venezuela démontrent – s’il en était encore besoin – la nature répressive et anti-démocratique du «capitalisme réellement existant», lorsqu’il sent son pouvoir menacé par les mouvement populaires.



Hans-Peter RENK

  1. http://www.rebellion.org/
  2. http://ipsenespanol.net/interna.asp?idenews=9936
  3. Cf. Temir Porras Ponceleon et Maximilien Arvelaiz, «Le Venezuela en danger», in : Libération, lundi 25 février 2002.
  4. Cf. Temir Porras Ponceleon et Maximilien Arvelaiz, op. cit.