Mobilité douce: campagne exemplaire et victoire méritée

Mobilité douce: campagne exemplaire et victoire méritée



Notre camarade Thibault Schneeberger,
cosecrétaire d’actif-trafiC, s’est
dépensé sans compter comme coordinateur de la campagne de
l’IN 144 pour la mobilité douce avec sa collègue
Andréa von Maltitz. Il y a participé depuis le
début de la rédaction du texte (octobre 2007)
jusqu’à la victoire du OUI ce 15 mai, en passant par
la récolte de 15 000 signatures au printemps 2009,
et il surveillera de près sa mise en œuvre.
Entretien.

Quels ont été les grands traits de votre remarquable campagne en faveur de l’IN 144 ?

Thibault Schneeberger: La
première étape a été de prendre des
contacts avec des « personnalités »
dans et hors du sérail politico-associatif pour trouver des
soutiens (nous avons ainsi obtenu celui de Jean-Luc Bideau ou Jean
Ziegler, par ex.). Puis nous avons récolté des signatures
pour nos prises de position « ad hoc » (13 en
tout), et mobilisé divers milieux (médecins, AVIVO,
cyclistes, associations écolos, etc.). Ces stands de
récolte nous ont permis de distribuer un premier
« préflyer » de campagne dès
mi-février (3 mois avant le vote)… et de préparer
ainsi le terrain de l’opinion. Début mars, l’Autre
Salon a été aussi une excellente vitrine pour
« l’autre mobilité », sans
parler du raffut médiatico-judiciaire autour de la Critical Mass.

    Du point de vue médiatique, nous avions
planifié la campagne avec un événement par
semaine : une action et une conférence de presse unitaire,
une action sur la « Vélo-Attitude »,
une conférence de presse avec 8 grands médecins (des
pointures !) avec photo de groupe de 40 membres du personnel de
santé devant l’hôpital, une manif-parade à
vélo, une conférence de presse et photo des
professionnels du transport à vélo (Caddie Service,
Vélopostale, Cycloservices, etc.) et enfin une ultime action
dénonçant les problèmes des piétons.

    Nous avons imprimé 18 000 autocollants
(7 designs différents), réalisé 5 affiches
différentes, offert 3 000 housses de selle vélo,
et deux « tous ménages » : un
dépliant de campagne standard et un autre orienté
« grandes communes » avec des conseillers
administratifs. Ajoutons à cela 2 clips web (dont l’un sur
la « Famille Purée »
réalisé par deux jeunes cinéastes talentueux, avec
la voix de Jean-Charles Simon, et tourné entre potes durant un
week-end), un site web ad hoc pour la campagne (avec un formulaire pour
commander du matériel ou s’inscrire sur les stands, qui
s’est avéré être un excellent outil), une
très forte présence sur Facebook (plusieurs annonces par
jour), une bonne quinzaine de lettres de lecteurs et lectrices, une
vingtaine d’annonces dans la presse (chacune
personnalisée), 300 affiches A2 et surtout : un à
deux stands par jour pendant les 3 semaines avant le vote où
nous avons distribué plus de 15 000 dépliants de
main à main !

Une campagne intense menée avec ténacité
jusqu’au bout pour arracher la victoire, probablement
décrochée in fine le dimanche matin dans les
urnes…  Quelle a été ta motivation pour un
engagement aussi radical au service d’une initiative a contrario
relativement modérée quant à ses buts ?

    Face à la crise écologique globale
(épuisement du pétrole et pillage des ressources au Sud,
changement climatique, etc.), et à la crise des transports
locale (embouteillages, stress, accidents, pollution…), il est plus
qu’urgent d’encourager le recours aux modes de transport
les moins gourmands en énergie et en espace. Or
aujourd’hui, ceux qui font ces choix responsables sont soit
découragés (hausse des tarifs TPG, trottoirs
étroits, feux piétons interminables, pistes cyclables
discontinues), soit criminalisés (renforcement des
contrôles et amendes en cas de resquille, attaques contre les
cyclistes, etc.), soit carrément en danger de mort (les
piétons et les cyclistes représentent 50 % des
morts sur la route en 2010). Cette situation est tout simplement
insupportable! Au quotidien, pour quelqu’un qui comme moi se
déplace à vélo, nous sommes en permanence mis en
danger, car les pistes cyclables s’interrompent aux endroits les
plus dangereux. Du point de vue de beaucoup, l’initiative
était modérée, mais c’est visiblement le
maximum qu’on pouvait faire passer aujourd’hui.

Que dire de la campagne des opposants à l’IN 144 ?

    Les milieux économiques et probagnole
réunis sous l’égide du GTE (Groupement Transports
et Economie : TCS, ACS, FER, CCIG entre autres) ont visiblement eu
très peur — à juste titre — et ont sorti
l’artillerie lourde. Leurs affiches totalement
mensongères, leur tous ménages, leurs pubs sur les trams
et dans la presse ont quand même visiblement eu un effet non
négligeable sur l’opinion. On serait tentés
aujourd’hui de les prendre au mot et d’exiger
dorénavant qu’on réalise leurs
« menaces de campagne » en cas
d’acceptation de l’initiative, à savoir une
réduction de 50 % la capacité routière et
la suppression d’une place de parking sur 4 ! Face au fric
et aux mensonges de la coalition bagnole-pognon, face à la
xénophobie et à la vulgarité du MCG, la
détermination et la ténacité de la dizaine
d’hypermotivés qui ont mis leurs tripes dans la campagne
ont triomphé. De peu, mais quand même! Il y a une
justice…

Que dire enfin des résultats ?

    Le score cantonal est très serré (603
voix d’écart), mais la répartition
géographique est éloquente : là où
la population est la plus sinistrée par le trafic et où
les besoins sont les plus criants en matière
d’aménagements piéton et vélo
(c’est-à-dire dans les villes, et en particulier en ville
de Genève), le OUI l’emporte très largement et
c’est ce qui compte !
    La campagne a aussi permis de souder pas mal de
personnes de diverses associations, et la naissance future du projet de
Maison du Vélo devrait, on l’espère,
accélérer et prolonger encore cette indispensable
synergie. A court terme, il faudra suivre de très près le
passage du plan directeur de la mobilité douce au Grand Conseil,
qui a été tant vanté pendant la campagne par nos
opposants.