Répression en Syrie : les larmes de crocodile du Conseil fédéral

Répression en Syrie : les larmes de crocodile du Conseil fédéral

41 jours : c’est le temps
qu’il aura fallu au Département fédéral des
affaires étrangères (DFAE) pour condamner, par un
communiqué laconique, en date du 26 avril, la répression
sanglante qu’exerce le régime syrien contre les mouvements
populaires depuis le 15 mars ; on y chercherait d’ailleurs en
vain le début d’une menace de sanctions économiques.

De même qu’avec la Tunisie ou l’Egypte, la diplomatie
helvétique a dû effectuer un brusque virage sur
l’aile (dans sa rhétorique du moins) : les
relations avec le régime d’Al-Assad étaient en
effet considérées jusqu’ici comme un long fleuve
tranquille que rien ne devait perturber. « Les relations
politiques entre la Syrie et la Suisse sont bonnes […] modestes,
les échanges commerciaux ont néanmoins connu une
légère croissance ces dernières
années », continue d’ailleurs de vanter
imperturbablement le site du DFAE.
   
    En fait, même quand le régime
était isolé sur la scène internationale en raison
du soutien qu’il apportait au
« terrorisme » – isolement qui a pris
fin en 2008 lorsque Sarkozy a intégré le dictateur
à l’Union pour la Méditerranée – la
Suisse continuait à entretenir des relations commerciales et
politiques régulières avec le régime
d’Al-Assad : présence, entre autres, de Josef Deiss
à l’enterrement du père de Bachar en 2000 (alors
que la plupart des pays occidentaux étaient
représentés par des personnalités de second plan
pour la cérémonie d’un homme qui, lui aussi, avait en
1982 recouru aux chars d’assaut) et visites régulières de
secrétaires d’Etat en Syrie ces dernières
années, culminant avec un voyage de Pascal Couchepin en 2009.
   
    Dans un rapport du 18 juin 2010, le
Secrétariat à l’économie (SECO) se
félicite des efforts du régime pour ouvrir son
économie aux investisseurs : il salue notamment
« l’ouverture du secteur du ciment et de
l’électricité à l’initiative
privée » et la « baisse drastique des
droits de douanes » ; même s’il
déplore une intervention étatique encore trop insistante
et une fiscalité un peu lourde pour les entreprises (il est vrai
que le gouvernement doit bien trouver de quoi financer ses 17 services
de renseignement). Le SECO soutient donc une hausse de la TVA,
autrement dit un transfert de la charge fiscale sur la
population : une recommandation cocasse quand on sait que les
nouvelles taxes perçues par le régime sur la consommation
ont été l’un un des déclencheurs de la
révolte en cours.
   
    Et les droits de l’homme dans tout
ça ? Qu’on se rassure : « la
Syrie participe au projet régional
‹ Mashreq › de la Direction du
développement et de la coopération »,
programme qui concerne notamment « la création
d’emplois et la bonne gouvernance ». Question
bonne gouvernance surtout, c’est une vraie
réussite !

Hadrien Buclin