UNIGE : 15% de femmes professeures
UNIGE : 15% de femmes professeures
Je lisais dernièrement, de façon distraite, les ouvertures de postes de professeurs de ma très chère Université, lorsque mon regard butta sur cette dernière phrase «À compétences égales, préférence sera donnée à une femme». Quest-ce que cela voulait bien dire? LUniversité, bastion mâle par excellence, tenterait-elle de souvrir à la problématique de légalité des sexes dans le travail? En réalité cette petite phrase bien anodine suintant de bonne volonté mène quand même à une problématique beaucoup plus large.
Sur-représentation masculine
Prenons le cas spécifique de lUniversité de Genève où la proportion des étudiantes est de 57%. Regardons maintenant dun peu plus près les sphères plus élevées de notre très chère Alma Mater, 46% du corps des assistants est féminin et, tenez-vous bien, 15% du corps professoral est composé de femmes.
Hum
Cela laisse songeur, devrait-on en déduire que les étudiantes et assistantes sont trop incompétentes pour accéder au statut le plus élevé, celui de professeur. En bref, cela voudrait dire que parce que jai des testicules, je suis prédisposé à mieux dispenser mon savoir et diriger des recherches.
Discours alibi sur légalité
Tiens, ma langue à fourché: jai utilisé le terme de diriger. Dans ma grande innocence, javais oublié que lUniversité est la plus grande boîte de reproduction dune élite qui puisse exister. Cela ouvre dautres perspectives de réflexion qui nous permettent de comprendre que laccès à certains postes (pas seulement à lUniversité) ne sont pas liés à la notion de compétence mais à celle de notre structure sociale. Ne nous leurrons pas, le discours pseudo égalitaire telle que «À compétences égales » tenu par nos autorités universitaires est le discours classique de la droite lorsquil sagit daborder la question de légalité des sexes au travail.
Sous prétexte de promotion des femmes sur la base de compétences, on ne fait que justifier notre système social basé sur le patriarcat. En ce sens, lUniversité est parfaitement représentative de notre société. Linstauration dune véritable égalité des sexes ne passe pas par une tentative de les intégrer dans une structure qui de fait est dominée par les hommes, elle demande un changement radical de la base de ladite structure. Reprenons le principe selon lequel lUniversité sert, et à toujours servi, à reproduire les élites. Ce que nous avons pu voir à lintérieur de la structure se retrouve aussi à lextérieur de celle-ci. Nous savons toutes et tous que plus de 90% des dirigeants dentreprises (de la PME à la multinationale) sont des hommes et que la majorité dentre eux sont porteurs dau moins un diplôme universitaire, étonnant non?
Dès lors, on comprend mieux pourquoi notre système de formation ne mène pas au développement dun hypothétique esprit critique, mais à la prolongation dun système social basé sur la domination dune minorité sur la majorité. Celle des hommes sur les femmes, des patrons (majoritairement des hommes) sur lensemble des travailleuses et travailleurs.
Cest cette logique qui permet, notamment, aux dirigeants de multinationales de délocaliser des entreprises à létranger, exploitant une main duvre essentiellement féminine dont les critères dengagement nont plus rien à avoir avec des critères de compétence, au contraire! On préfère exploiter un personnel forcément analphabète et précariser, les structures sociales, donc de formation de ces pays, excluant les femmes. Lesclavagisme moderne est aussi la résultante de la domination des hommes sur les femmes.
Revenons enfin à notre belle entreprise quest luniversité, on a pu remarquer que les femmes étaient largement sous-représentées dans les structures dirigeantes, quen est-il du personnel administratif et technique? 64% de femmes. Le chiffre parle de lui-même, les femmes sont sur-représentées dans des postes administratifs tels que le secrétariat. Chaque chose à sa place, comme dirait lautre, et surtout ne pas se poser de questions!
«Compétence, compétence
Est-ce que jai une gueule de compétence ?»
Aujourdhui la lutte pour légalité des sexes est primordiale pour tout progrès social, il sagit surtout de ne pas tomber dans les travers de la droite qui, elle, parle de «promotion» de la femme. Les femmes nont pas à être promues! Elles doivent être reconnues comme actrices de notre société à part entière. Lutter pour légalité des sexes, cest lutter pour LÉGALITÉ, cest sopposer à un système basé sur la domination dune minorité sur la majorité. Dans cette perspective, je crois quil ny a aucune incompatibilité à être homme et féministe, les rapports de domination sont multiples et lexploitation de la femme par lhomme est une des bases fondamentales du capitalisme.
* Membre de la CUAE (Conférence Universitaire des Associations dÉtudiants/tes)