Une étude récente: femmes au chômage

Une étude récente: femmes au chômage


Selon l’Office fédéral de la statistique, en 2001, en Suisse, le taux de chômage s’élevait à 2,5%. On le sait, le chômage ne frappe pas l’ensemble de la population avec la même vigueur, mais quelle que soit la catégorie observée (taux selon nationalité, âge, niveau de formation, etc.), les différences de sexe sont pesantes. Ainsi, en 2001, 3,5% des femmes actives étaient sans emploi contre 1,7% chez les hommes; plus de la moitié des personnes sans emploi étaient des femmes, alors que leur proportion dans la population active s’élevait à 44%. Le chômage féminin est plus durable, moins visible et mieux toléré. On parle davantage du chômage des jeunes, de celui des ca-dres, très rarement de celui des femmes.



Pour faire le point sur cette question, nous nous sommes entretenue avec Natalie Benelli, sociologue et assistante de recherche à l’Université de Lausanne qui collabore à une recherche sur les femmes au chômage dans la région lémanique. Elle nous livre ici les premiers résultats de cette étude1.

Pourquoi vous êtes-vous intéressées aux femmes au chômage?


En Suisse, la réalité du chômage féminin est peu connue car les études sur les chômeuses sont rares. Nous nous sommes intéressées aux trajectoires des chômeuses car nous voulions cerner leur situation et les stratégies qu’elles adoptent pour retrouver un emploi. Tout d’abord, il faut savoir que les chômeuses ne constituent pas un groupe homogène. L’état civil et la présence d’enfants sont des éléments déterminants dans l’expérience du chômage. Pour les jeunes femmes qui ne vivent pas en couple, le travail salarié est la principale sphère d’identité sociale. Comme chez les hommes, le chômage est ici synonyme de rupture de trajectoire. Ce sont souvent des femmes qui viennent d’achever leur formation et qui désirent valoriser leur diplôme sur le marché du travail. Un second groupe est constitué par des femmes qui vivent en couple avec ou sans enfants. Celles-ci ne se considèrent pas comme des chômeuses et ne s’inscrivent pas, sauf en cas de nécessité économique, automatiquement auprès des offices de placement. C’est là une preuve que le droit à l’emploi n’est pas acquis pour les femmes.



Un autre résultat important est que la plupart des femmes qui ont retrouvé un emploi occupent un poste qui est sous-qualifié par rapport à leur formation de départ. Certaines femmes l’acceptent par contrainte financière, d’autres par crainte de devoir s’expliquer auprès des offices régionaux de placement (ORP).

Comment ces femmes vivent-elles la perte d’emploi?


Il ressort que quelques femmes profitent de la période de chômage pour entreprendre une formation nouvelle ou complémentaire. Les plus jeunes utilisent cette période pour suivre des cours, compléter leur formation ou pour faire du bénévolat. Pour les femmes qui vivent en couple avec ou sans enfants, les stratégies sont diverses. A l’exception de celles qui retrouvent rapidement un emploi, la plupart réinvestissent la sphère privée et consacrent le temps libéré pour accomplir, très rapidement, toutes les tâches domestiques. A la différence des hommes, le temps libéré par la perte d’emploi est ainsi réinvesti dans le travail domestique. Certaines le font automatiquement, d’autres cèdent sous la pression de l’entourage (conjoint, famille). Celles qui ne désirent pas effectuer plus de travail domestique mettent tout en œuvre pour retrouver un emploi. Pour certaines, le chômage est une pause qui leur permet de récupérer de surmonter un état de fatigue chronique dû au cumul des activités (professionnelle et domestique). Enfin, il faut aussi tenir compte du fait que seules les mères de famille doivent prouver qu’elles sont disponibles sur le marché de l’emploi, c’est-à-dire que leurs enfants sont gardés.

On le sait, la perte d’emploi accroît les risques d’exclusion sociale. Qu’en est-il des femmes au chômage?


La question de l’exclusion n’a pas été posée, mais parler d’exclusion dans le cas des chômeuses n’a pas beaucoup de sens. En raison de la double insertion active – car les hommes sont aussi insérés dans la sphère privée, mais de façon plus passive – des femmes dans la sphère privée et publique, les femmes, notamment celles qui sont mères de famille, résistent mieux au effets du chômage que les autres femmes et les hommes, dont l’identité se structure autour du travail productif. Elles supportent mieux le chômage parce qu’elles conservent une place légitime (cependant avec un statut subordonné ). D’autre part, elles perdent leur autonomie, c’est-à-dire la possibilité de circuler entre le travail salarié et domestique. Pour les femmes, le chômage est ainsi à double tranchant.



Propos recueillis par Magdalena ROSENDE

  1. Il s’agit d’une recherche qualitative qui s’inscrit dans le cadre d’un programme de recherche plurifacultaire sur l’exclusion sociale financé par l’université de Genève. Il s’agit d’une étude des trajectoires de femmes au chômage. Soixante femmes ont été interviewées à deux reprises (quelques semaines après la perte d’emploi et une année plus tard).