Une démocratie autoritaire au bord de l’explosion ?

Une démocratie autoritaire au bord de l’explosion ?

Apparemment occupé par les
procès intentés à son chef, par les scandales
sexuels auxquels est attaché son nom et par les apparitions
publiques de celui-ci à Lampedusa, sur fond de mise en
scène « hollywoodienne », le
gouvernement italien semble totalement sourd à la contestation
qui gronde et se répand depuis plusieurs semaines dans les rues.

À Lampedusa, comme ailleurs dans la péninsule, les fils
de fer barbelés empêchent les journalistes et les
cameramen de passer de l’autre côté du miroir. En
effet, les camps dans lesquels le gouvernement a entassé les
ré­fu­gié·e·s venus de Libye, de
Tunisie et d’Afrique sub-saharienne, risqueraient de nous faire
voir une autre Italie, bien loin des paillettes de San Remo et des
discours sous haute surveillance du président du
Conseil : celle des victimes du tremblement de terre de
l’Aquila, de la violence mafieuse, de la corruption, des plans
d’austérité, de la précarité et de la
pauvreté.

    C’est pour donner une voix à cette
autre Italie que, depuis le début de l’année, les
Italien-ne-s n’ont de cesse de descendre dans la rue.
Inlassablement, manifestations, sit-ins, flash mobs et grèves se
sont succédés ; tous les moyens pour se faire entendre
sont bons. Ces protestations visaient en vrac la défense des
tra­vail­leurs·euses (salaire et droits), des sans
papiers, de la culture, de la formation et de l’école ; la
dignité des femmes ; la sauvegarde de la Constitution et la
contestation de la pratique parlementaire et gouvernementale de la
majorité berlusconienne ; la lutte contre l’intervention
en Libye ; la défense des droits démocratiques ; sans
parler du Monneza Day qui se prépare à Naples, le 16
avril prochain (une « journée de
l’indignation » pour trouver une solution au
problème des ordures).

    La dernière manifestation en date, le 9 avril
dernier, rassemblait des milliers de précaires, une
catégorie de travail­leur·euse qui touchent en
moyenne 900 euros par mois, qui représentent actuellement 4
millions de personnes (dont 56 % proviennent du centre et du sud
de la péninsule), et qui ne cesse de croître. De Rome
à Florence, de Palerme à Bologne, des milliers de
personnes oubliées de tous, exilées de
l’intérieur, tentent ainsi de faire entendre leur voix.
Leur mot d’ordre : « Notre temps c’est
maintenant » (Il nostro tempo è adesso). Des jeunes
surtout – 29,4 % des moins de 24 ans sont
aujourd’hui sans travail – qui ne connaissent du Welfare
State que ce qu’ils·elles en ont appris à
l’école et n’ont aucune idée de leurs droits.
Ces femmes et ces hommes, plus que tous autres, constituent les indices
du malaise rampant d’une société en
déliquescence. La révolte gronde, le réveil se
fait peut-être attendre, mais il se prépare
infatigablement.

Stéfanie Prezioso