Mexique 2012, vers la rupture?

Mexique 2012, vers la rupture?

Le 20 mars dernier, c’est devant
un Auditoire National plein à craquer que Andrés Manuel
López Obrador (AMLO) a présenté son
« Projet Alternatif de Nation » que son
mouvement le « Movimiento Regeneracíon
Nacional » (MORENA) entend porter en vue des
élections présidentielles de 2012.

Après trente ans de politiques néolibérales, le
Mexique est au bord de l’abîme: chute drastique du pouvoir
d’achat, surexploitation du travail, croissance exponentielle du
chômage, du travail précaire et de l’économie
informelle, perte de la souveraineté alimentaire et abandon des
campagnes, privatisation massive du secteur public et
décomposition sociale avancée. La violence
systémique du néolibéralisme bat son plein.

    Lorsque Calderón du Parti Action Nationale
(PAN) arrive au pouvoir en 2006 suite à une fraude
électorale, sa légitimité est très faible.
Il déclenche alors sa guerre contre le narcotrafic et militarise
le pays. Cinq ans plus tard, les résultats sont
là : la violence a crue de manière terrifiante
(40 000 mort·e·s à ce jour), le
féminicide déjà en cours à atteint des
proportions dramatiques et les assassinats de
militant·e·s sociaux et de
défenseur·e·s des droits humains ont pris
l’ascenseur. Si cette guerre n’a en rien affaibli les
organisations criminelles, elle a en revanche contribuée a
rendre la situation totalement incontrôlable dans bien des zones
du pays, ce qui sert de prétexte aux USA pour intervenir de
manière toujours plus ouverte dans les affaires interne du pays.
Des possibilités d’interventions militaires directes ont
même été évoquées ces derniers temps.

Le Projet Alternatif de Nation

Dans ce contexte, l’apparition et l’enracinement d’un
mouvement civico-populaire qui s’oppose au
néolibéralisme, ne peut qu’être vu comme un
signe d’espoir par un nombre toujours plus grand. Le
« Projet Alternatif de Nation »
propose : de stopper les privatisations et de redonner du poids
au secteur public, la démocratisation réelle du pays et
le respect de sa souveraineté, un strict respect de la
constitution et des institutions, l’indépendance de la
justice, une liberté syndicale effective, la protection des
défenseurs des droits humains, ainsi qu’une lutte
sérieuse contre la corruption. A mi-mandat, le président
se soumettra au référendum révocatoire. En cas de
victoire électorale, le nouveau gouvernement s’engagera
dans une révision du Traité de Libre Commerce
d’Amérique du Nord (TLCAN), et renforcera ses liens avec
ses partenaires du Sud, notamment latino-américains. Un strict
respect des droits, humains et sociaux, des migrants sera de rigueur.
Il est également prévu de s’attaquer à la
toute puissance de certains médias privés et dans le
domaine fiscal, la progressivité de l’impôt sera
introduite. Notons encore que le nouveau gouvernement prévoit la
construction de cinq raffineries afin de stopper l’importation
d’essence. AMLO à également pris l’engagement
formel de retirer l’armée de la lutte contre le crime
organisé.

2012, vers une confrontation électorale…

On l’aura compris, l’application de ce programme, aussi
modeste qu’il puisse paraître nécessitera plus
qu’une victoire électorale. Il est peu probable, en effet,
que l’oligarchie qui tire les ficelles, s’accommode
d’un gouvernement même timidement réformiste, et un
scénario similaire à celui de 2006 n’est pas
à écarter en cas de victoire du centre-gauche. Au cours
des cinq dernières années, AMLO et ses partisans, en
rupture plus ou moins ouvertes avec son parti, le Parti de la
Révolution Démocratique (PRD), ont patiemment construit
un vaste mouvement civico-populaire qui bénéficie
aujourd’hui d’une implantation nationale, d’un bon
réseau militant, et d’une capacité certaine
à mobiliser ses nombreux partisans. Le MORENA peut compter sur
des milliers de comités dans tout le pays qui ont
été crées dans le sillage du passage de AMLO. Ce
dernier a parcouru l’ensemble du territoire, visitant
jusqu’au dernier « municipio ». A titre
d’exemple Regeneración, le journal du mouvement, soutien
indispensable de toutes ses campagnes, est distribué de
manière militante à plusieurs centaines de milliers
d’exemplaires.  Le mouvement devra cependant encore
s’élargir et se renforcer afin d’être à
même de faire respecter le résultat des élections
en cas de victoire.

…et sociale

Comme nous l’avons dit, le programme et son application, sans
être anticapitaliste, représenterait une avancée
importante pour le Mexique dans un contexte latino-américain en
pleine mutation. Pour cette raison, une partie de la gauche socialiste
et révolutionnaire participe pleinement à ce processus.
En effet, nous pensons que les prochaines élections
présidentielles peuvent être l’occasion
d’exprimer clairement le rejet du néolibéralisme et
des politiques du gouvernement de Calderón, ouvrant ainsi la
voie à une possible crise politique et du régime, dans
laquelle la gauche révolutionnaire aura un rôle important
à jouer. En participant à ce grand mouvement,
l’extrême-gauche n’abandonne pas pour autant ses
drapeaux qui sont ceux de l’anticapitalisme et du socialisme. Son
rôle est de reprendre les exigences immédiates du
mouvement et de les lier aux demandes qui remettent en cause le
système dans ses fondements, afin de convaincre le plus grand
nombre, dans l’action et les luttes, que seule une rupture
radicale avec le capitalisme permettra de satisfaire les aspirations
démocratiques et sociales du peuple.

Héctor Márquez
correspondant de solidaritéS à Mexico


Les lecteurs·trices hispanophones peuvent consulter le site du
MORENA www.regeneracion.mx. Ils pourront également trouver des
informations sur le Mexique sur le site du Partido Revolucionario de
los trabajadores(IVe internationale) www.prt.org.mx et notamment un
texte intitulé « Saludo y critica al Proyecto
Alternativo de Nación de AMLO ».