Neuchâtel: votations annulées !

Neuchâtel: votations annulées !

Patatras ! Le Tribunal fédéral annule le vote
à deux semaines du scrutin alors que tout le matériel est
envoyé et qu’une partie de la population a
déjà voté. Pourtant, Jean Studer, responsable
socialiste des finances, avait asséné sur tous les tons
tout le bien qu’il pensait du lien qui est à
l’origine de cette annulation. « Je le
répète, sur le plan politique, le lien est évident
: les deux lois concernent le contrat qui unit les entreprises et la
société. Sur le plan juridique, la jurisprudence du
Tribunal fédéral démontre qu’un tel lien est
possible. Et heureusement! Car c’est bien ce lien qui a permis de
concilier les intérêts à gauche et à
droite. » (J. Studer, entretien dans une feuille
d’information du PS). Il était même intervenu devant
le Grand Conseil pour ridiculiser le juriste de l’Etat qui avait
osé mettre en cause la légalité de ce qui allait
être voté.

L’objet du délit

Une loi, révision de la fiscalité des personnes morales,
qui prévoit des baisses d’impôts massives pour les
multinationales et les holdings et un contre-projet à une
initiative populaire sur les crèches, chacune des deux lois
contenant une clause indiquant que si l’autre loi n’est pas
acceptée, alors toutes les deux sont refusées.
C’était au départ un
« arrangement » entre le Parti socialiste et
le Parti Libéral-Radical pour s’assurer qu’au vote
du Grand Conseil, qui n’avait pas lieu dans la même
session, il n’y aurait pas retournement d’un des deux
partis en violation des accords qu’ils avaient passés hors
parlement. Ce qui au départ était un arrangement est
devenu, au moment où le référendum contre la
baisse du taux d’imposition des multinationales a abouti, un
« contrat social avec les entreprises »
présenté par le PS, le PLR, l’UDC, le Conseil
d’Etat et la Chambre du Commerce et de l’Industrie.

Un vote sur une loi ou un plébiscite ?

La campagne en vue de cette votation (finalement
annulée !) a fait l’objet d’un matraquage
médiatique ininterrompu de la part du Conseil d’Etat et
des partisans de la loi. Le Conseil d’Etat, enfin
libéré du boulet-Hainard, apparaissait presque comme le
sauveur d’un canton trop longtemps sinistré. Enfin on
allait mieux respirer… enfin l’équité devant
l’impôt allait être établie, et hop on sautait
comme chat sur braise le fait que l’article 82, qui autorise le
Conseil d’Etat à exonérer d’impôts les
entreprises, reste maintenu… Ce n’est donc plus à
un vote sur des lois que nous étions conviés, mais bien
à une supposée nouvelle volonté du Conseil
d’Etat. Qui oserait s’opposer à ce (soi-disant)
contrat social (prétendument) vital pour l’avenir du
canton ?

Le chantage comme mode de communication

Le 8 mars, à l’occasion de la Journée
internationale des femmes, le Conseil d’Etat en rajouta une
couche en publiant une proposition de révision de la
fiscalité des personnes physiques prévoyant des
déductions importantes pour les familles et les femmes qui
travaillent, mais en annonçant d’emblée qu’il
retirerait ce projet si le peuple n’acceptait pas la baisse
d’impôts pour les entreprises ! Ce chantage, fait
à la veille d’un vote qu’il veut arracher
coûte que coûte, est indigne d’un gouvernement
démocratique. De quoi le Conseil d’Etat a-t-il
peur ?

La morgue du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat ne semble pas voir que la population est
sidérée par ce mode de gouvernement qui prend ses aises
avec la loi, qui dépense l’argent du contribuable et
accapare l’administration pour des votes qui sont annulés.
Même l’Express/Impartial, qui n’a pas
ménagé ses efforts pour soutenir les autorités,
s’est fendu d’un éditorial en forme
d’avertissement : « Le citoyen n’aime pas
qu’on se paie sa tête ! Et les
évènements de ces derniers mois pourraient lui laisser
croire que c’est ce qui s’est passé. Il est urgent
que les autorités cantonales prennent une fois conscience
qu’à trop jouer avec les allumettes, on risque de mettre
le feu à toute la maison. »

Que demande solidaritéS ?

  • que le gouvernement respecte la Constitution, les lois et les citoyen·nes
  • qu’il soumette au vote, sans attendre,  la loi sur la
    fiscalité des entreprises contestée par voie
    référendaire et l’initiative législative
    populaire « pour un nombre approprié de structures
    d’accueil de qualité »
  • que le Conseil d’Etat assume ses erreurs et rembourse tous
    les frais de campagne qui devront être dépensés une
    deuxième fois lors des votations à venir sur la
    fiscalité et l’accueil de l’enfance
  • que l’initiative législative populaire
    « Pour une participation des grandes fortunes
    limitée dans le temps », qui aurait dû passer
    en votation populaire depuis plus de deux ans déjà
    (délai légal !) soit enfin soumise au vote
    populaire
  • que le Conseil d’Etat arrête une fois pour toutes
    tout chantage et comprenne qu’en démocratie il est exclu
    et inadmissible qu’une autorité politique se place
    au-dessus des lois.

Henri Vuilliomenet