Argentine: qui a vidé les casseroles

Argentine

Qui a vidé les casseroles

Cinquième puissance économique mondiale il y a cinquante ans, l’Argentine a été saignée à blanc par les pratiques néolibérales: «dérégulation» et «libre» échange, endettement intentionnel de l’État, corruption et privatisations fondamentalement frauduleuses. Ce pillage a été organisé par les mêmes transnationales et banques qui s’attaquent aujourd’hui aux casseroles suisses. Le Crédit Suisse, par exemple, qui participait récemment au «hold-up» de la Swissair, se fait receleur de centaines de millions de dollars sortis frauduleusement d’Argentine. Après la crise asiatique et celles de tant d’autres pays, la ruine de la riche Argentine est révélatrice de la faillite du système économique mondial actuel.

Le piège de l’endettement

La mise en pièces systématique de l’économie argentine a commencé il y a 25 ans sous une dictature militaire sanguinaire qui a torturé, assassiné et fait disparaître 30000 personnes pour imposer sa politique. Le Fonds Monétaire International (FMI) et les banques du Nord ont ainsi pu «placer» des milliards de «petro-dollars» dans le pays. La dette argentine est passée de 8 à 160 milliards de dollars. Pourtant, pendant cette période l’Argentine avait payé 200 milliards sur cette dette – un véritable miracle économique (pour certains), obtenu grâce à la manipulation des taux d’intérêt par Reagan et Thatcher, prophètes du néolibéralisme, et qui a inauguré une nouvelle ère coloniale dans tout le Sud. (…)

Privatisation, pillage et corruption des élites

La dictature, et les gouvernements «démocratiques» qui l’ont suivi, provoquèrent délibérément la faillite du secteur public, pour faciliter sa privatisation. Par exemple, l’endettement de l’entreprise pétrolière publique, YPF, est passé de 372 millions à 6 milliards de dollars. Lors de sa privatisation, la transnationale Meryll Lynch, chargée par le président Menem de l’évaluation de ses réserves pétrolières, a délibérément sous-estimé celles-ci de 30%. Ces réserves apparurent de nouveau dans les comptes après la privatisation, provoquant de spectaculaires gains en bourse pour son nouveau propriétaire, la transnationale espagnole Repsol. Pour la seule année 2000, la Repsol annonçait un milliard de dollars de bénéfices sur ses opérations en Argentine. Un achat vite amorti!

Le pillage de Aerolineas Argentinas (reprise par Iberia) fut plus grossier encore. Les droits d’utilisation des voies aériennes de la compagnie, d’une valeur de 800 millions de dollars, furent estimés à 60 millions. Et bien évidemment, l’Etat argentin a fini par assumer des dettes qui servaient pourtant de prétexte à la privatisation. On le voit, le coup de la Swissair n’était pas un vol d’essai!

L’eau de Buenos Aires fut captée par La Lyonnaise des Eaux et Vivendi. Au préalable, les autorités augmentèrent les tarifs de la régie publique par 48% pour faire accepter une privatisation qui promettait de les diminuer de… 20%. (Ils ont repris l’ascenseur ensuite.) Par la suite, la Banque Mondiale a conseillé au gouvernement philippin de suivre cette tactique avisée.
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La chute de l’élève «modèle»

Au total, entre 1982 et 2000, les transnationales ont extrait 1450 milliards de dollars d’Amérique Latine, soit quatre fois la dette de 1982! (Le Monde Diplomatique février 2002). Une grande partie de cette somme a été levée en bradant les richesses nationales aux transnationales. Mais aujourd’hui en Argentine – industries, services publics, matières premières – il n’y a pratiquement plus rien a vendre! Les petites entreprises ont été écrasées par «l’ouverture» des marchés à la concurrence des transnationales, l’économie du pays totalement déstabilisée par celle des marchés financiers. Le revenu moyen a chuté de 50% depuis 1974. Le taux de chômage réel atteint 40%, la flexibilité est totale! Le pays compte 14 millions de pauvres sur une population de 37 millions. (Statistiques du Monde 21/01/02). Chaque jour plus de 2000 argentins passent le seuil de la pauvreté. La faim rode. Suivre à la lettre les ordres du FMI, de la Banque Mondiale et de l’OMC a littéralement ruiné un pays prospère.

La révolte populaire, le dos au mur

Depuis plusieurs années, malgré le traumatisme de la dictature fasciste, malgré la trahison de tous
les partis, le peuple argentin, notamment les chômeurs/euses et habitant-e-s des banlieues s’organisent à la base pour survivre et lutter, notamment au moyen de blocages de routes (les «piqueteros»), d’expropriations collectives de nourriture. Aujourd’hui, le hold-up des banques a fait basculer les classes moyennes dans la révolte. Malgré des tentatives de répression brutale (plus de 30 morts, souvent par balles, et des centaines de dirigeants populaires incarcérés), le pays est ingouvernable. Les présidents se succèdent à quelques jours d’intervalle. Un réseau national d’assemblées populaires se met en place pour établir un contre-pouvoir, une politique alternative au désastre néolibéral se cherche.

Répression et solidarité transnationales

Mais l’empire ne peut tolérer une telle révolte et le FMI compte bien imposer un nouveau plan d’ajustement. Par ailleurs, l’Accord de Libre Échange des Amériques (ALCA), comme les nouvelles négociations de l’OMC, ne visent qu’à radicaliser et bétonner ce système. L’empire transnational est un pouvoir crapuleux dont la devise est «Après nous le déluge!». Sans perspective, il ne peut répondre aux critiques que par la violence «anti-terroriste» militaire et policière. Ainsi, Bush a opté pour la guerre totale en Colombie, guerre dont l’extension menace déjà le Venezuela et les résistances populaires en Equateur et Bolivie. Pris entre la famine et le FMI, le peuple argentin s’est soulevé, mais seule une solidarité populaire massive et mondiale peut arrêter la répression brutale qui se prépare. Et pas seulement en Argentine.

Des «Cacerolazos» auront lieu en Argentine, Barcelone, Paris et d’autres villes du monde pour l’anniversaire du coup d’Etat militaire argentin. En Equateur, au Brésil et à Washington, d’autres mobilisations s’opposeront à la politique néo-coloniale de Bush et des multinationales.

Le cas de l’Argentine repose avec force la question: le capitalisme est-il réformable?

En solidarité avec l’Argentine et avec toutes les résistances.

MANIFESTATION
CACEROLAZO GLOBAL

Samedi 23 mars 2002 à 14h00
Place Neuve – Genève

Soutenons les révoltes! Amenez vos casseroles!

Organisations soutenant cet appel: Action Populaire Contre la Mondialisation (APCM), Association Diego et Carlos, Association Memoria Viva, ATTAC (Genève-Bellegarde-Gex), Association des Chiliens de Genève, Association Où sont-ils?, Association Suiza-Cuba, Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde (CADTM Suisse), Comité Mémoire et Justice, Izquierda Unida, Coordination contre l’Impunité de l’Opération Condor, Paraguay– Sapucay, Solidarité Nicaragua-Salvador, SSP-VPOD, SIT, Parti socialiste genevois, Parti du Travail, Les Verts, solidaritéS.