Solidarity for ever !

Solidarity for ever !

Depuis près de trois mois, l’Afrique du Nord et le
Moyen-Orient sont ébranlés par des mobilisations
populaires de grande envergure qui touchent la majorité des pays
de la région. Deux dictateurs sont déjà
tombés sous les coups de boutoir de centaines de milliers de
manifestants, femmes et hommes ; un troisième
n’hésite pas à déclarer la guerre à
son peuple pour rester en place ; tout récemment, le
gouvernement provisoire tunisien a dû jeter
l’éponge ; et plus au Sud, le mouvement atteint même
aujourd’hui la Mauritanie.

    Pour comprendre la force et la
simultanéité de ces soulèvements, il vaut la peine
de s’interroger sur leurs causes sociales communes, qui
concernent aussi d’autres régions du monde : la
croissance des inégalités, le chômage
endémique et la hausse des prix des biens et services de
première nécessité (aliments de base,
éducation, logement, soins médicaux, etc.). En effet, la
mondialisation capitaliste a produit des effets similaires à
l’échelle planétaire, y compris en Europe et aux
Etats-Unis, même s’ils sont beaucoup plus brutaux dans les
pays du Sud.

    La généralisation de régimes
autoritaires mafieux, qui enrichissent de petites coteries en bradant
les ressources naturelles, les services publics et la main
d’œuvre des pays les plus pauvres aux multinationales, ne
doit rien au hasard. C’est la traduction du
« consensus de Washington » pour les pays
dominés. Leurs fabuleuses fortunes sont d’ailleurs
placées sur les marchés financiers dans une série
de paradis fiscaux globalisés, en particulier en Suisse,
où monte pourtant le racisme, spécialement islamophobe,
contre les salarié·e·s et
réfugié·e·s de ces pays.
    
Le timing de ces soulèvements populaires a été
synchronisé par le tsunami financier mondial de 2008,
provisoirement endigué par les milliers de milliards de dollars
injectés par les Etats pour sauver les banques et les grandes
industries. Son impact social s’est soldé par une
explosion de la misère et du chômage dans le monde ; il a
été encore aggravé par la spéculation sur
les dettes souveraines, justifiant des plans
d’austérité brutaux, et par une flambée
spéculative sur l’énergie et les biens alimentaires.

    Les révolutions tunisienne et
égyptienne sont ainsi devenues le cœur d’un
soulèvement global contre un ordre mondial injuste, en Afrique
du Nord, au Moyen-Orient, en Europe (plusieurs grèves
générales, en particulier en Grèce), au Mexique,
en Chine, et même aux Etats-Unis, où des dizaines de
milliers de sa­la­rié·e·s assiègent
le Capitole de Madison (Wisconsin) depuis plusieurs semaines pour
défendre les droits syndicaux et les services public. Le
mouvement touche aussi l’Ohio. Plus fascinant encore :
contre les diktats de l’Etat et de la finance, les
salarié·e·s étatsuniens citent en exemple
les leçons de la Kasbah de Tunis et de la place Tahrir au
Caire !

    Samedi dernier, devant les
manifestant·e·s du Wisconsin, Michael Moore a ainsi
dénoncé un véritable « coup
d’Etat financier » de Wall Street, des banques et
des multimillionnaires : « Quatre cent individus
riches à l’obscénité, quatre cent petits
Mubaraks, dont la plupart ont profité du paquet de relance de
mille milliards de dollars de 2008 aux frais des contribuables,
disposent aujourd’hui de plus d’argent, d’actifs et
de biens que la moitié de tous les
Américains ». En septembre 2008, ils ont
menacé « de dynamiter
l’économie » si les contribuables ne leur
donnaient pas leur pactole. « Il y a un mot pour cela,
n’est-ce pas ? C’est une forme de
terrorisme » (Democracy Now, 7 mars 2011).

    Notre solidarité avec les révolutions
d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient est donc l’expression
d’un combat global contre un même ennemi : le
système capitaliste mondialisé qui dicte partout les
mêmes politiques de privatisation et
d’austérité, menées par des pouvoirs de plus
en plus autoritaires et violents, en particulier au Sud. C’est
pourquoi les aspirations démocratiques des révolutions
arabes sont inséparables de leurs aspirations sociales :
seule leur combinaison peut rassembler les forces nécessaires
à une véritable rupture avec le désordre actuel du
monde. De notre côté, nous devons appeler à
l’arrêt de toute ingérence politique et militaire de
l’Europe et des Etats-Unis dans la région.

    Afin de répondre à l’appel du
Forum social mondial de Dakar, notre bimensuel organise avec
d’autres forces une soirée de soutien internationaliste
aux révolutions tunisienne et du monde arabe, le 25 mars
prochain, à Genève, avec deux membres du Front 14
janvier, Ahlem Belhadj et Hamma Hammami, ainsi qu’un orchestre
venu de Tunis, Barba Roots (voir la page I de notre cahier central).


Solidarity for ever avec les luttes démocratiques et sociales du Sud comme du Nord !


Jean Batou