Promotion de la formation professionnelle et de l’emploi: la gauche unira-t-elle ses forces ?

Promotion de la formation professionnelle et de l’emploi: la gauche unira-t-elle ses forces ?

SolidaritéS continue un combat de longue date pour
l’intégration dans le marché du travail et la
société de toutes celles et tous ceux qui en sont
écartés. Après une première tentative en
2005 — « la gauche » était alors
majoritaire au Grand Conseil et au Conseil d’Etat — et qui
a échoué, nous avons déposé en 2009 un
nouveau projet de loi sur la promotion de la formation professionnelle
et de l’emploi.

Il s’articule autour de trois points :

1    Toute
personne n’ayant pas (ou plus) droit aux prestations
fédérales de l’assurance-chômage ou de
l’assurance-invalidité, comme celle cherchant à
sortir de l’aide sociale ou à ne pas y entrer a droit
à une formation, ou à un stage ou un emploi
rémunérés aux conditions usuelles du marché
du travail.


2    Les
collectivités publiques et les employeurs privés versent
une contribution à un fonds pour la formation et le
perfectionnement professionnels, dont bénéficieront en
retour toutes les entreprises qui participent activement à la
création de places permettant d’insérer des
personnes à l’aide sociale ou menacées d’y
tomber.

 
 L’Etat crée lui-même – ou favorise la
création par des tiers – d’entreprises sociales
destinées aux personnes qui ne trouvent plus d’emploi sur
le marché du travail ordinaire, de manière à
garantir des places adéquates en nombre suffisant.  

6 % de la population active neuchâteloise a besoin de
l’aide sociale pour vivre (7500 personnes), contre 2.9 %
en moyenne suisse; comme partout, les jeunes forment la majorité
des personnes en difficulté (les dernières statistiques
nationales indiquent que 50 % des personnes à
l’aide sociale ont moins de 25 ans). Entre 1990 et 2008, les
montants consacrés par le canton à l’aide sociale
ont été multipliés par 10; ils n’ont
cessé d’augmenter sur toute la période. Alors
même que la somme touchée par bénéficiaire
est nettement inférieure à la moyenne suisse, les
dépenses pour l’aide sociale sont, à
Neuchâtel, parmi les plus élevées de Suisse.
Derrière ces chiffres, ce sont des milliers de femmes et
d’hommes qui souffrent et qui attendent une solution.

    Le projet de loi de solidaritéS passera
devant le Grand Conseil à la session du 24 février. La
commission chargée de l’étudier n’a pas pu se
départager (7 commissaires contre, 7 qui demandent de poursuivre
la réflexion). Le Conseil d’Etat affirme qu’il
partage « bon nombre des constats faits par les auteurs du
projet de loi », mais rejette la loi proposée, sans
apporter d’alternative.

    Dans l’estimation du coût de ce projet
– dont 5 500 personnes à l’aide sociale sont
susceptibles de bénéficier, selon le Conseil d’Etat
–, on fait comme si, du jour au lendemain, toutes ces personnes
allaient chacune se précipiter sur l’usage de ce nouveau
droit. On estime, sur cette base (totalement
irréaliste !), que la mise en oeuvre de cette loi
s’élèverait à 165 millions. Un chiffre
assassin, mais sans fondement sérieux. Non seulement il faudrait
tenir compte de la difficulté qu’il y aura, qu’on le
veuille ou non, à convaincre les personnes susceptibles de
sortir de l’aide sociale, que cela en vaut la peine et que
c’est possible; il faudrait en outre évaluer les
économies potentielles que le canton pourrait ainsi faire tant
au niveau de l’aide sociale que dans les coûts de la
santé, notamment en psychiatrie.

    En refusant d’entrer en matière sur le
projet de loi de solidaritéS, le Conseil d’Etat fait
cyniquement l’impasse sur des milliers de jeunes sans
perspectives qui vont se trouver durablement en marge de la
société. Un coût humain insupportable, mais dont le
Conseil d’Etat, visiblement, se lave les mains.

Marianne Ebel