Mobilité: changer d’ère !
Mobilité: changer dère !
(2/2) Dans notre dernier numéro
(N°181), nous évoquions la situation critique en
matière de transports à Genève, lourd
héritage historique dune politique du non-choix et
dune conception dépassée de la mobilité
défendue par la majorité de droite qui dirige depuis
(presque) toujours les affaires cantonales. Dans cette deuxième
partie, nous tenterons dexplorer quelques pistes pour sortir de
limpasse. Un ou plusieurs articles poursuivront cette
série pour évoquer les questions de mobilité douce
et despace public.
Au 20e siècle, en misant sur la voiture individuelle comme
unique moyen dassurer tous nos besoins en mobilité,
« nous » nous sommes doublement
fourvoyés. Non seulement loutil
« bagnole » était inadéquat,
mais lidée même quun seul mode de transport
puisse satisfaire tous les besoins en déplacements était
une erreur crasse. Lavenir réside donc dans la
« multimodalité », soit la
capacité à choisir un moyen de transport différent
en fonction des moments, des besoins et des lieux à atteindre,
ce qui devrait rendre désuète la possession dun
véhicule automobile par ménage. Dans cette optique,
après 50 ans de monoculture automobile, la tâche est
énorme pour développer et rendre plus attractives les
alternatives: transports publics et mobilité douce.
Réduire les déplacements contraints
Cela dit, tout réflexion sérieuse sur la mobilité
ne peut se limiter à questionner le seul mode de transport:
public ou privé, motorisé ou non. Les déplacements
étant notamment une conséquence de
laménagement du territoire, il convient, en amont,
dorganiser celui-ci pour réduire autant que possible les
distances, en particulier celles des trajets domicile-travail. Non
seulement parce que ces derniers posent problème en terme
dengorgement aux heures de pointe, mais aussi parce quils
sont des trajets contraints: le temps passé dans les transports
est un « temps de travail »
non-rémunéré !
Permettre à chacun·e de trouver un
logement à distance raisonnable de son lieu de travail (et
inversement) implique de cesser de concentrer tous les emplois au
centre de lagglomération et dassurer une
meilleure mixité des activités (emplois, logements mais
aussi commerces et loisirs) dans la couronne suburbaine ainsi
quen France voisine. Sans parler de lexigence
élémentaire pour tout nouveau projet dassurer une
forte densité dhabitation (ce qui nest pas le cas
par exemple du projet des Communaux dAmbilly dont la
densité a sans cesse été revue à la
baisse). En ce sens, les « zones villa » sont
à proscrire, car elles nassurent ni mixité, ni
densité.
Mais, aussi important que soit cet axe,
laménagement du territoire nest pas seul en cause.
Les employeurs portent une lourde responsabilité dont ils sont
pourtant exonérés : lorsquune entreprise
ferme une succursale ou déménage par souci de
rentabilité ou pour des raisons fiscales, elle
génère plus de déplacements pour tous ses
collaborateurs·trices qui ne peuvent ou ne veulent pas
déménager avec. Autre exemple : la loi sur le
chômage veut quon ne puisse pas refuser un travail
à moins de 2 heures de chez soi ! Au nom de la
flexibilité, on continue dexiger ainsi une
« surmobilité » des
travailleurs·euses, devenus des pendulaires
quon
blâme ensuite dengorger les trains ou routes aux heures de
pointe!
Toutefois, quelle que soit cette réduction
des déplacements contraints ou inutiles, et sil faut
évidemment sortir de lidée niaise selon laquelle
toute mobilité serait par essence une « bonne
chose » (un signe de « dynamisme
économique »), il convient de ne pas tomber dans
lexcès inverse : le droit à se
déplacer reste fondamental, et cest
précisément en ce sens quil faut se battre pour
une amélioration des alternatives au trafic motorisé pour
améliorer la mobilité de toutes et tous.
Attractivité des transports publics
Si la gratuité des TPG (Transports Publics Genevois),
refusée en 2008 par 67 % des votant·e·s,
reste notre objectif à terme, cest contre des hausses de
tarif quil faudra se battre ces prochains mois. La
majorité du Grand Conseil, dogmatiquement arc-boutée sur
un principe arbitraire de répartition à 50/50 des
rentrées dargent pour les TPG (la moitié devant
provenir des ventes de billets et abonnements, lautre
moitié des subventions étatiques) a accepté une
hausse des prix des TPG dans le cadre du nouveau contrat de prestation.
Une majorité de circonstance a toutefois a réussi
à repousser cette hausse dune année (fin 2011,
après les échéances électorales) contre
lavis des libéraux-radicaux et de lUDC qui pensent
que laugmentation prévue de loffre (+37 %
dici à 2014) justifie un effort immédiat de la
part des usagers. En réalité, cette prétendue
«augmentation» de loffre nest quun
(trop) lent rattrapage de 50 ans de démantèlement des
trams. Ces investissements doivent donc être payés par la
collectivité, et certainement pas par ceux qui font
aujourdhui le choix responsable dutiliser les
TPG ! En ce sens, linitiative en cours de lAVIVO
contre les hausses de tarifs est un bon moyen de stopper ce transfert
de coûts sur lusager.
Hormis les tarifs, lattractivité des
TPG doit être renforcée par une meilleure desserte (hausse
des fréquences et développement dune boucle
péri-urbaine) mais aussi par une amélioration de la
vitesse commerciale des véhicules. Car Genève
possède les transports publics les plus lents de Suisse !
La faute à des arrêts plus rapprochés
quailleurs mais aussi à labsence de site propre en
des endroits critiques (pont du Mt-Blanc, p. ex.) et à des feux
qui naccordent pas la priorité systématique aux
TPG, contrairement à Zurich, par exemple. Ainsi, alors
même que nous investissons des millions dans les TPG, il
nest pas rare de voir les 200 passagers dun tram
sarrêter au feu rouge pour laisser passer 20
automobilistes !
Pour en finir avec ces contradictions et ces paradoxes, il faudra
adopter une ligne politique courageuse claire qui ne craigne pas de se
confronter au tout-puissant lobby automobile.
Thibault Schneeberger