Le poison raciste au service de la régression sociale

Le poison raciste au service de la régression sociale

L’UDC, lors de son dernier
congrès tenu début décembre sur une prairie
à Coinsins (VD), a adopté son programme électoral
2011–2015. Après le succès de son initiative
raciste « pour le renvoi des étrangers
criminels » le 28 novembre 2010, le parti
de Christoph Blocher se sent pousser des ailes.

Le programme voté poursuit dans l’escalade de propositions
xénophobes. Par exemple, le retrait de la nationalité
à la suite d’infractions graves ou le refus de toute
naturalisation pour une personne touchant une rente AI, des
indemnités de chômage ou l’aide sociale. Ce ne sont
pas là, hélàs, que des propos de cantines !
L’UDC, dans le canton de Zurich, vient de faire passer la loi
instituant une telle disposition. Et, deux jours après
l’adoption de l’initiative, le groupe parlementaire aux
Chambres fédérales a déposé une
interpellation urgente concernant l’afflux
d’étudiants étrangers en Suisse demandant que soit
examinée la possibilité d’introduire des examens
d’admission ou des contingents pour les étudiants
étrangers.

En position de force pour éjecter les socialistes du Conseil fédéral ?

La droite traditionnelle (libéraux, radicaux, PDC) ainsi que la
majorité du groupe parlementaire du parti socialiste (PSS) ont
défendu un contre-projet à l’initiative des moutons
noirs, véritable copie conforme de cette initiative,
légitimant dans les faits la réaction xénophobe.
Les partisans de ce contre-projet l’ont défendu comme une
réponse nécessaire à une « vraie
question » soulevée par une UDC sensible aux
inquiétudes existantes dans la population. Les concessions
permanentes faites à un courant populiste réactionnaire
ne conduisent qu’à renforcer et à cautionner
davantage encore le racisme, ouvrant un boulevard à une
dérive très inquiétante. Au final, les
électeurs et électrices préfèrent
l’original à la copie ! Après le vote du 28
novembre et celui de 2009 pour l’interdiction de la construction
des minarets, l’UDC veut forcer la droite
« classique » à choisir entre,
d’une part, sa collaboration traditionnelle avec le PSS au
Conseil fédéral et, d’autre part, le renforcement
d’une politique d’attaques contre les « acquis
sociaux », politique dont l’UDC est justement le fer
de lance. Cela implique une remise en cause des sièges
socialistes au gouvernement. De ce point de vue, la
péripétie que constitue le mauvais score de la socialiste
Calmy-Rey, lors de la dernière élection à la
présidence du collège gouvernemental, est significative.
Les partis bourgeois sont toutefois conscients de
l’intérêt, pour eux, de cette collaboration avec les
socialistes : Calmy-Rey, au front pour défendre le secret
bancaire helvétique ou alors le strapontin doré de
100 000 francs par an du socialiste Moritz Leuenberger,
entré au conseil d’administration d’Implenia
à peine un mois après avoir quitté le Conseil
fédéral, voilà bien en effet des politiques qui
disqualifient toute orientation de changement…

Faire accepter n’importe quel travail, à n’importe quel salaire !

L’UDC, de concert avec toute la droite, exige une
réduction de l’aide sociale, au moment même
où l’entrée en vigueur de la 4e révision de
la Loi sur l’assurance-chômage (LACI) augmentera le nombre
de demandes d’aide sociale. De surcroît, les partis
bourgeois veulent introduire une aide sociale à deux vitesses,
proposant une sorte d’aide minimale d’urgence, lorsque de
prétendus manquements ou abus auraient été
constatés. Une proposition déjà
« testée » pour les
migrant·e·s ! La 4e révision de la LACI
signifie pour les jeunes sans charge familiale que leurs prestations
seront rabotées de moitié et, pour les personnes
n’ayant pas cotisé (études, reprise d’emploi
après une période éducative…), que les
indemnités ne seront versées que durant 90 jours. Dans ce
contexte, l’UDC propose déjà un pas
supplémentaire, à savoir qu’une sorte
« d’aide d’urgence » se substitue
aux indemnités de chômage pour les chômeurs et
chômeuses de moins de 30 ans sans charge de famille. Les
employeurs ne pourront qu’applaudir à des mesures leur
permettant de disposer d’une main d’œuvre très
bon marché, obligée de prendre un emploi à
n’importe quel prix ! Pour l’assurance
invalidité (AI), l’UDC, comme toute la droite, soutient le
projet de 6e révision de l’AI qui prévoit à
la fois de réduire le nombre de rentes AI pour
« combattre l’invalidité
simulée » et de diminuer les prestations AI.

Un banc d’essai pour une droite réactionnaire

Les succès xénophobes ouvrent ainsi une voie royale pour
s’attaquer systématiquement à diverses
catégories de la population, fragilisées par la crise ou
par des trajectoires d’existence difficiles. Ils se combinent
particulièrement bien avec la politique d’offensives
à l’encontre du filet social helvétique, pourtant
déjà réduit comme peau de chagrin. En
répétant à l’envi que chacun et chacune,
qu’il·elle soit au chômage, à l’aide
sociale ou à l’AI, est directement responsable de sa
situation, les autorités ne luttent pas contre des conditions de
travail invalidantes, mais contre les
handicapé·e·s, elles n’agissent pas contre
le chômage, mais contre les chômeurs·euses. La
chasse aux pauvres est ouverte. Et la mesure peut-être la plus
symbolique, de ce point de vue, du programme accepté par le
dernier congrès de l’UDC est sans aucun doute
« l’interdiction nationale de la mendicité
dans l’espace public » ! La Suisse des riches
votent UDC…

Jean-Michel Dolivo