Chine la grève de Honda ébranle les syndicats officiels

Chine la grève de Honda ébranle les syndicats officiels



La grève des travailleurs et
travailleuses de l’usine de Honda dans le Guangdong n’a pas
fini de faire des vagues, si l’on en croit l’exposé
présenté par deux universitaires chinois le 15 septembre
à la conférence de Berlin de la Global Labour University.
En voici les grandes lignes, résumées à partir de
la version allemande de leur présentation, accessible sur le
site www.labournet.de.

La professeure Lin Yanling et le chercheur Ju Wenhui travaillent tous
les deux à l’Institut chinois des relations industrielles
(China Institute of Industrial Relations, CIIR), un organisme public.
On peut penser que la présentation qu’ils font n’est
pas qu’un exercice de sociologie appliquée, mais traduit
aussi des réflexions et des perspectives probablement
présentes dans les sphères du pouvoir. (réd)

Une grève dans un secteur clé

La grève de fin mai s’est déroulée dans une
entreprise du secteur automobile (CHAM Guangdong), au cœur
d’un dense réseau de sous-traitance. Les neuf jours et
demi d’arrêt de travail ont amené d’autres
entreprises à stopper la production et à subir des pertes
importantes. On peut estimer que par un effet de cascade, entre
70 000 et 100 000 ouvriers et ouvrières de
l’industrie automobile étaient touchés par cette
grève.

    De plus, les salaires sont bas dans
l’industrie automobile : les
salarié·e·s de CHAM Guangdong doivent travailler
dix à douze heures par jour, 28 jours par mois pour toucher
l’équivalent d’un salaire minimum local. Ils sont en
cela représentatifs de la classe ouvrière chinoise, dont
la participation au Produit national brut n’a cessé de se
réduire, passant de 57 % en 1983 à 37 % en
2005. Les salarié·e·s de l’industrie
automobile du Guangdong mettent en avant trois problèmes
essentiels à leurs yeux : les salaires sont trop bas, les
horaires trop longs, les heures supplémentaires trop
fréquentes et la structure des salaires est injuste
(différence entre salariés et management, mais aussi
entre travailleurs du cru et d’ailleurs.)

Une organisation autonome

Cette lutte, comme d’autres récentes, se mène
indépendamment des syndicats. Les
salarié·e·s de CHAM Guangdong ont effectivement
commencé par se tourner vers le syndicat de l’entreprise,
mais sans succès. Toutefois, la nouvelle
génération de travailleuses et travailleurs migrants a
une conscience de plus en plus forte de ses droits et de ses
intérêts. En même temps, l’absence de canal
d’expression ne peut que mener au conflit. Dans le cas de CHAM
Guandgong, les syndicats sont non seulement resté sourds, ils
ont aussi agressé physiquement les grévistes.

    Internet a joué un rôle certain dans
l’organisation des grévistes et l’information sur
leur lutte. Les raisons de cette lutte, les événements,
leur évolution, les réactions de la direction et des
autorités figuraient rapidement sur le site web des
grévistes. Outre Internet, les salarié·e·s
ont massivement utilisé les SMS pour communiquer et
s’organiser.

Les réactions des autorités

Le 12 juin, l’intervention, dans une
vidéoconférence sur le développement
économique, du secrétaire du Parti de la province de
Guangdong, Wang Yang, également membre du Comité central
du Parti communiste, donne le ton : il faut arriver rapidement
à une régulation des conflits dans les entreprises. La
loi sur la gestion démocratique dans les entreprises et celle
sur les négociations collectives doivent aboutir le plus
rapidement possible et les syndicats d’entreprise doivent
vraiment être au service des salarié·e·s.

Le 21 juillet, le comité permanent de l’Assemblée
nationale populaire de la province rédige un projet de
modification de la loi sur la gestion démocratique des
entreprises dans le Guangdong qui suggère d’élire
des délégués des travailleurs, qui seraient
habilités — si un cinquième des
salarié·e·s le demandent — à
négocier des accords salariaux. Le reste du projet montre que le
gouvernement provincial encourage les salarié·e·s
à choisir la voie des négociations pacifiques pour faire
valoir leurs droits, afin de faire baisser le niveau des conflits entre
les entreprises et leur personnel, de plus en plus intenses.

Un nouveau positionnement des syndicats

La grève de CHAM, comme les événements de Foxconn,
amènent les syndicats à sortir de leur double rôle,
intenable à terme, de représentation des travailleurs et
de membres de la direction des entreprises.

    La Fédération panchinoise des
syndicats (ACFTU) approuve le 26 juillet une résolution
stimulant le développement des syndicats à la base, leur
intimant d’être véritablement les porte-parole
et défenseurs des intérêts des travailleurs.

La résolution clarifie aussi les rôles respectifs de
l’appareil d’Etat et des syndicats :
« Dans le cas où des actions collectives se
développent, les syndicats d’entreprise doivent
d’abord consulter les travailleurs, afin de réunir des
informations, puis informer des revendications le comité local
du Parti d’abord, les niveaux supérieurs ensuite, dans
l’objectif d’empêcher une intensification du conflit.
Les syndicats doivent se placer sous la direction du gouvernement et du
comité du Parti afin de représenter les droits des
travailleurs dans le mécanisme de négociation
collective ».

    Pour les auteurs du rapport, cette résolution
de l’ACFTU permet de passer d’une construction du mouvement
syndical de haut en bas à une construction de bas en haut,
rendant possible la transformation de l’ACFTU en véritable
instrument de défense des travailleurs dans les entreprises. A
leurs yeux, la subordination du mouvement syndical à
l’appareil d’Etat et à celui du Parti ne semble pas
représenter un obstacle à son indépendance dans la
négociation collective.

lin Y-ju