Grande-Bretagne : révolte étudiante: la rage face à l’austérité

Grande-Bretagne : révolte étudiante: la rage face à l’austérité



Après l’assaut
spectaculaire du siège des Tories et la manifestation du 10
novembre, le mouvement étudiant tente de s’installer dans
la durée en organisant des nouvelles journées
d’action et des occupations d’universités.

Il faut bien avouer que le succès et la radicalité de la
manifestation du 10 décembre (voir le n° 178 de
SolidaritéS) en ont surpris plus d’un. Face à une
hausse massive des taxes d’étude, les jeunes Britanniques
réagissaient enfin et descendaient dans la rue ! Etait-ce
seulement un feu de paille ou le début d’une vaste
mobilisation contre le plan d’austérité mis en
place par le gouvernement britannique ? Pour rappel, ce dernier
propose des mesures sans précédent, qui devraient
entraîner la destruction de 500 000 à
600 000 emplois dans la fonction publique, et 600 000
à 700 000 postes dans le secteur privé. Des coupes
de l’ordre de 20 % en moyenne sont également
prévues dans les différents ministères.

Un désaveu du système politique

La plupart des étudiants justifiaient leur colère par le
sentiment d’avoir été trahis par les
Libéraux démocrates (Libdems) qui avaient promis de ne
pas augmenter les taxes universitaires. Que ceux qui sont dans la rue
soient les mêmes que ceux qui ont voté pour un parti
prétendument de « centre gauche », qui
considère le New Labour de Tony Blair et Ed Miliband comme
insuffisamment libéral, voilà qui a de quoi
surprendre ! Ceci illustre néanmoins l’échec
du système politique anglais. Comment différencier trois
partis qui en sont arrivés à tous défendre la
même idéologie : le libéralisme
exacerbé ? Devant cet état de fait, les jeunes ont
compris que la politique ne pouvait plus qu’avoir lieu dans la
rue et dans la construction de rapport de force.

Occupy ! Strike ! Resist !

La poursuite du mouvement est en partie assurée par la NCAFC
(National Campaign Against Fees and Cuts), notamment via Facebook. Ce
groupement se veut actif aussi bien dans les universités que
dans les collèges. Sa première décision a
été d’organiser une journée d’action
nationale le 24 novembre pour faire suite à la manifestation du
10, dans le but d’élargir le mouvement à
d’autres villes et universités de Grande-Bretagne. Ce fut
une véritable réussite. Certaines estimations vont
jusqu’à donner 130 000 manifestants dans tout le
pays, dont surtout des étudiants, mais aussi des écoliers
souvent très jeunes. Le NCAFC prévoit une nouvelle
journée d’action nationale le 30 novembre. Les mots
d’ordre de cette organisation sont combatifs : elle
s’oppose à toute coupe budgétaire, à
l’augmentation des taxes et appelle à manifester, à
taxer les riches, à occuper et à faire grève pour
obtenir une éducation gratuite pour tous. En ce qui concerne
l’accès à l’université, rappelons que
le gouvernement ne prévoit pas uniquement de renforcer la
sélection par l’argent, il a également
décidé de stopper d’ici 2011 son programme
Aimhigher, qui vise à faciliter l’accès des jeunes
issus des classes laborieuses à l’université, alors
que cette mesure avait fait ses preuves.

Les étudiants anglais ont également mis en pratique une
autre façon de poursuivre le mouvement à travers
l’occupation d’universités. Même si ces
occupations ne sont souvent le fait que de quelques centaines
d’étudiants, elles concerneraient environ 25
établissements selon le NCAFC.

Elargir la lutte contre le plan d’austérité

Une des autres positions fortes de NCAFC, partagée par
d’autres groupements étudiants, est la
nécessité d’étendre le mouvement de
protestation à d’autres catégories sociales qui
font les frais du plan d’austérité. Ainsi, le NCAFC
appelle à rejoindre le mouvement de grèves de 24 h
prévu dans le métro londonien entre le 28 et le 29
novembre. Ce désir d’unifier les luttes n’est pas
unilatéral. En effet, Len McCluskey, leader de Unite, le plus
grand syndicat britannique avec 2 millions de membres, a
déclaré au Guardian qu’il considérait que
son syndicat devait être à l’avant-garde d’une
« alliance de résistance ». Tout ceci
est évidemment réjouissant, mais ce mouvement reste pour
l’instant très faible face à la
férocité du plan d’austérité mis en
place par le gouvernement. Si la stratégie de journée
d’action est capable dans un premier temps d’élargir
le mouvement au niveau national, les étudiants ne peuvent se
contenter d’un tel schéma et la protestation doit devenir
quotidienne. Les occupations doivent prendre de l’ampleur et
empêcher les universités de fonctionner. De leur
côté, les syndicats anglais, au-delà des belles
paroles, devraient déjà commencer par descendre dans la
rue. Les perspectives de réussite d’un tel mouvement
semblent minces du fait de l’absence de toute forme ou tradition
d’opposition combative dans ce pays. Néanmoins, la
situation est telle que tout peut arriver.

    Les différents gouvernements tentent et
tenteront de faire passer les mesures d’austérité
pour des nécessités économiques sous couvert du
nouveau mantra néolibéral de la crise alors que ces
mesures sont idéologiques. Pourquoi les étudiants, les
pauvres, les travailleurs devraient-ils payer une crise qu’ils
n’ont pas causée ? Pourquoi devraient-ils se serrer
la ceinture alors que les patrons continuent à s’en mettre
plein les fouilles ? Plus que jamais, il est temps que dans
chaque pays se créent de véritables forces
d’opposition et que ces différents combats
s’unissent au niveau européen d’abord, international
ensuite. L’austérité n’est pas quelque chose
d’inévitable, c’est la lutte qui est toujours
nécessaire.

Pierre Raboud