LHOM est un loup pour l’homme... et pour la femme !

LHOM est un loup pour l’homme… et pour la femme !

Le 28 novembre, on vote à
Genève contre la nouvelle loi sur les horaires d’ouverture
des magasins (LHOM). En solidarité avec le personnel de vente,
les 14 774 signataires avaient déjà exprimé
un vif intérêt pour un référendum qui veut
stopper la dégradation des conditions de travail et de la
qualité de vie d’une partie de la population. Depuis, la
campagne en cours nous permet de croire en nos chances de
victoire…

Dans l’esprit de celle-ci, nous avons voulu donner la parole aux
principaux concer­né·e·s. John (prénom
d’emprunt) est employé dans une grande surface à
Genève. Syndiqué à UNIA depuis peu, il prend part
à la campagne. En plus de péjorer les conditions de
travail des employé·e·s du secteur de la vente,
cette loi fait mine d’offrir une prétendue liberté
au nom de la société de consommation. Qu’en
pense-t-il ? Interview.

Comment décrirais-tu tes conditions de travail ?

Elles sont globalement assez bon­nes. Je ne rencontre pas de souci
particulier au sein de l’équipe où je travaille. Le
seul problème qui peut surgir est celui du remplacement
d’un éventuel collègue malade. N’ayant pas de
remplaçant-e-s prévus, la charge de travail
supplémentaire est reportée sur la main
d’œuvre présente. On est forcés
d’accepter une certaine
« flexibilité » dans ces moments. Le
personnel étudiant est soi-disant là pour y pallier, mais
en réalité il est impossible de les appeler pour un
remplacement de dernière minute…

    Concernant la pression que l’on subit au
travail, et qui ne fera qu’empirer avec cette loi, c’est
moins à mon employeur que j’en veux et plus au
système dans lequel nous sommes. Notre société de
consommation exige que les produits soient toujours disponibles et avec
la meilleure apparence possible. Par exemple, on veut que le·la
client·e ait des masses de fruits et légumes impeccables
dès le matin ; l’employeur fait pression sur nous pour que
ce soit le cas. Nous devons donc travailler dès l’aube
afin que cette exigence soit satisfaite. Mais ensuite, ce même
employeur nous reprochera les éventuels déchets le
lendemain ! C’est l’une des contradictions
d’un système où tout est basé sur la
consommation. Je pense que l’éducation devrait contribuer
à y remédier…

A ton avis, quel impact aura l’ouverture prolongée des magasins sur ce système de consommation ?

Les magasins sont déjà ouverts plus de 60 heures par
semaine. A-t-on vraiment besoin des soirées et des dimanches
pour se faire encore plus tenter par la consommation ? Pas la
majorité des consommateurs·trices en tous cas !

    Il faut penser aux conséquences que cela aura
pour les personnes concernées. En prolongeant les heures
d’ouverture jusqu’à 20 heures, le personnel
travaillera jusqu’à 20 h 30, et ne sera pas
chez lui avant 21 h. Non seulement cela signifie qu’il est
en train de travailler pendant que sa famille mange, par exemple, mais
aussi qu’il aura à peine une dizaine d’heures de
repos avant de devoir être à nouveau – si possible
en forme – à 7 h 30 au rayon des fruits et
légumes.

    Quant aux dimanches, c’est encore un moyen de
tenter de nous faire consommer au lieu de profiter de notre temps libre
pour d’autres activités. On pourrait en profiter pour
aller faire du ski ou autre chose ! Mais non, on
préfère aller faire du shopping à Balexert…
Les gens sont pris pour des moutons auxquels on demande encore de dire
merci pour cette prétendue liberté !

Comment considères-tu tes droits syndicaux sur ton lieu de travail ?

Je m’en sors plutôt bien, je suis syndiqué et je ne
m’en cache pas auprès de mes collègues ni de ma
hiérarchie. Je peux diffuser des tracts sans problème,
par exemple. Tant que je fais mon travail comme il faut, les patrons ne
peuvent rien me reprocher. J’ai même obtenu un congé
syndical payé pour aller à Berne avec UNIA pour une
manif. Mais ma situation n’est pas forcément
représentative de tous les lieux de vente… Et il ne faut
pas oublier que nous sommes tous des maillons d’une chaîne,
y compris les gérant·e·s ou les
di­rec­teu­rs·trices.

Quelles conséquences cette nouvelle loi va-t-elle avoir sur tes conditions de travail ?

Il n’y aura aucune répercussion directe sur nos salaires,
seuls les horaires changeront. Les heures effectuées en plus le
soir ou les dimanches seront compensées par des heures de
congé à d’autres moments. Mais concrètement,
la surcharge de travail sera reportée sur le personnel
déjà présent, au moins pour la première
année. En plus, comme il n’y aura vraisemblablement pas
d’augmentation des profits, cela justifiera qu’on
n’aura aucune augmentation salariale ni de nouvelles personnes
engagées. Avec tout ça, on nous
« offre » encore d’aller
dépenser notre argent le dimanche, comme pour devenir un peu
plus pauvres. Voilà comment le système nous remercie en
temps de crise.

Quels sont donc pour toi les enjeux de cette loi ?

On nous fait croire que cette loi permettra aux grandes surfaces telles
que Coop ou Migros de concurrencer les commerces français,
ouverts le dimanche par exemple. Or, si les gens traversent la
frontière c’est évidemment avant tout pour les
prix, pas pour les horaires ! On nous fait croire qu’on
fera rester les client·e·s en Suisse en rallongeant nos
horaires, alors que c’est des facteurs économiques comme
le niveau des salaires, les taux de change, etc. relevant d’un
système économique mondialisé qui
déterminent si les gens passent la frontière ou non pour
faire leurs courses. Cela ne dépend pas de l’adoption ou
non d’une telle loi !

Interview réalisée par
Giulia Willig et Thibaut Lorin