Factrices et facteurs se mobilisent contre les suppressions d’emplois

Factrices et facteurs se mobilisent contre les suppressions d’emplois



Près d’un millier et demi
de factrices et facteurs ont manifesté samedi 23 octobre
à Berne pour protester contre les restructurations en cours
à La Poste. Celles-ci se soldent par une pression à la
productivité accrue et par des suppressions d’emplois.

«Tout doit toujours aller plus vite, et rapporter,
rapporter », témoigne un facteur tessinois
présent à la manifestation (24 Heures, 23.10.2010).
C’est que les bénéfices faramineux
réalisés par le géant jaune ces dernières
années – ceux-ci flirtent avec la barre des 1 milliard de
francs annuels – ne semblent pas suffire à une direction
de plus en plus obsédée par la rentabilité. Au
sein d’un vaste plan de restructuration qui a conduit à la
suppression de 1 200 postes de travail rien qu’en 2009, le
projet Distrinova ne représente que le volet touchant à
la distribution du courrier. Après les
employé·e·s du tri et des offices postaux,
c’est au tour des 15 000 factrices et facteurs
d’être la cible d’une
« modernisation » censée rendre La
Poste concurrentielle dans la jungle des entreprises privées qui
ont déboulé sur le marché, suite à la
levée du monopole du courrier de plus de 50 grammes. Distrinova
est appliqué pour le moment à titre de projet pilote dans
trois régions du pays et devrait entrer en vigueur sur tout le
territoire d’ici fin 2011. Ce projet comporte deux axes
principaux : premièrement, remplacer un facteur sur cinq
par une soixantaine de machines effectuant le tri préalable
à la tournée de distribution ;
deuxièmement, privilégier systématiquement les
quartiers à forte concentration d’entreprises, pour
lesquels le courrier arrivera le matin. Quant à la
clientèle (on ne dit plus les usagers) résidentielle et
périphérique, son courrier n’arrivera que
l’après-midi. Une distinction fondée sur des purs
critères de rentabilité qui n’est pas vraiment
compatible avec le service universel (encore) garanti par la loi.

Réduire le temps de travail

Le Syndicat de la communication peut se targuer d’un joli
succès avec l’aboutissement de son initiative
« Pour une poste forte » qui a recueilli
110 000 signatures en seulement cinq mois : celle-ci vise
à inscrire le service universel dans la Constitution et à
empêcher la libéralisation totale. L’attachement
populaire au service public postal démontré pendant cette
récolte de signatures a mis les Chambres fédérales
sous pression, de sorte que le Conseil national a in extremis
renoncé à la libéralisation totale prévue
pour 2015. Mais cette réussite n’empêchera pas,
à elle seule, les restructurations permanentes menées sur
le dos des employé·e·s : les baisses de
salaires sont ainsi allées jusqu’à 20 % dans
certains secteurs de la distribution de courrier ces dernières
années.

La lutte contre la pression à la productivité et contre
des conditions de travail de plus en plus épuisantes doit
être envisagée comme étroitement liée
à l’exigence du maintien des emplois : les
syndicats doivent ainsi réclamer l’arrêt de la mise
en concurrence des équipes de distribution (les moins rapides
risquant des pénalités), ainsi que l’annulation des
récentes directives qui visent le non remplacement des
congés maladies. Surtout, il est grand temps que les syndicats
lèvent un tabou en réclamant la réduction
progressive du temps de travail sans baisse de salaire dès 50
ans ; une exigence que les profits record de l’entreprise
permettraient de financer. Mais sans mobilisation des
employé·e·s, ces revendications ne resteront que
vœux pieux. Il s’agit donc de proposer des suites à
la manifestation du 23 octobre qui a montré que les
facteur-trices ne laisseront pas passer Distrinova comme une lettre
à la poste.


Hadrien Buclin