France, mouvement contre la réforme des retraites: à la recherche de son second souffle

France, mouvement contre la réforme des retraites: à la recherche de son second souffle



Le vote de la loi sur les retraites
ouvre une nouvelle phase dans la lutte. C’est maintenant son
abrogation qu’il faut viser. Mais sous quelle forme,
l’objectif de la grève reconductible semblant
désormais hors de portée ?

Plusieurs observateurs, généralement proches de la
mobilisation sociale, ont souligné son caractère
multiforme. Pour le sociologue Lilian Mathieu, « certains
secteurs sont partiellement en grève, d’autres connaissent
des grèves de basse intensité, uniquement pour les
journées d’action. D’autres salariés se
relaient pour assurer la continuité du mouvement, tout en
limitant les pertes de salaire
». Philippe Corcuff explique pour sa part : « On
est dans un mouvement polyphonique, composite, les gens vont parfois
aux manifestations, parfois non, ils peuvent participer une fois
à une action, une autre fois non. On peut entrer et sortir du
mouvement à sa guise. C’est une sorte de guérilla
sociale, durable et pacifique, dans la majeure partie des cas 
».
(Le Monde, du 23.10.10) Au lieu du schéma inadéquat de
Mai 68, c’est au « Mai rampant
italien » que l’on pense, ce foisonnement des
affrontements politiques et sociaux.

    Cet aspect de détermination modulée
empêche une analyse réductrice, en termes
manichéistes, où la seule victoire possible
résiderait dans le retrait immédiat de la loi. Pour
prendre une analogie dans la géologie, ce volcan social ne
serait pas explosif et à cendres, mais effusif et à
laves. Voici ce qu’en dit Olivier Besancenot, le porte-parole du
Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) dans une interview (le
« Parisien-Dimanche » du 31
octobre) : 

« Vous aviez prédit un nouveau Mai 68, et finalement le mouvement s’essouffle…

Olivier Besancenot. Je
n’ai rien promis, car je ne lis pas dans une boule de cristal.
Mais j’avais dit qu’on aurait besoin d’un nouveau Mai
68 aux couleurs du XXIe siècle. L’irruption de millions de
personnes sur la scène sociale et politique, ça ne fait
de mal à personne si ce n’est au gouvernement et aux
capitalistes. La reconduction de la grève générale
n’est d’ailleurs pas passée loin.

La baisse de mobilisation jeudi dernier annonce-t-elle la fin du mouvement ?

Non : nous savions qu’en
semaine de vacances, il y aurait moins d’affluence, mais il y a
quand même eu du monde dans la rue. Trouvez-moi un autre pays
où à sept reprises vous avez des manifestations avec deux
millions et trois millions et demi de personnes.

Mais la loi est désormais votée…

La bataille du retrait n’est
pas terminée. Il y aura plus de monde dans la rue le 6 novembre
que jeudi dernier. Entre-temps, il va y avoir la rentrée des
classes, donc peut-être la rentrée des grèves. On
va voir ce que font les lycéens, ce à quoi va appeler
l’intersyndicale… Attention à ceux qui crient aux
victoires définitives, cela va rebondir. Les ressorts de la
mobilisation sont inscrits durablement dans la période, car
cette révolte dépasse la question des retraites. En
termes de fracture démocratique, cela me rappelle le
référendum du traité constitutionnel
européen. Il y avait un fossé entre ce que pensait une
majorité de l’opinion et ce que pensait
l’élite politique. »

De même, Christine Poupin, dans le dernier numéro de l’hebdomadaire du NPA titre son article « Un mouvement social inédit » en expliquant : « À
la différence des vagues de mobilisation depuis quinze ans qui
s’appuyaient sur un secteur en lutte (cheminots, enseignants,
jeunesse), soutenu ponctuellement par les autres, pour la
première fois depuis très longtemps cette grève
est, dans les faits, interprofessionnelle par ses acteurs et actrices
comme par ses exigences. Cette expérience est essentielle pour
reconstruire la conscience de classe, celle que nous sommes bien dans
un combat de nous — les salariés au sens large donc
retraités, chômeurs, précaires — contre eux
— les capitalistes servis par ce gouvernement.
 » (TEAN, 23.10.10).

La mobilisation à venir du 6 novembre nous dira donc si le mouvement a trouvé son second souffle.

Daniel Süri