Brasserie Cardinal : Carlsberg passe en force
Brasserie Cardinal : Carlsberg passe en force
Difficile de parler de la Brasserie
Cardinal à Fribourg sans évoquer le formidable mouvement
populaire qui avait empêché une première fermeture
en 1996. Aujourdhui, malgré une mobilisation respectable
(3000 personnes le 4 septembre), suivie dun
débrayage le 5 octobre, seule la négociation dun
plan social est à lordre du jour.
Rachetée en 1991 par le groupe brassicole Feldschlösschen,
la Brasserie du Cardinal appartient depuis 2000 à lune
des multinationales les plus puissantes du secteur, le groupe
Carlsberg, qui produit la bière du même nom, mais aussi
Tuborg, Baltika et Kronenbourg et figure au quatrième rang
mondial.
Politiquement incapable de parvenir à son
objectif de fermeture en 1996-1997, Feldschlösschen avait
joué la carte du temps; depuis 2000, les départs à
la retraite nétaient plus compensés et le
personnel était passé de 220 personnes en 1996 à
200 en 2000, pour arriver à 75 aujourdhui.
Le coup de grâce est porté par une
« délocalisation interne » qui voit le
groupe Carlsberg transférer une commande, auparavant
confiée à Cardinal, à Kronenbourg (France), le
site fribourgeois perdant ainsi plus de 20 % du volume de sa
production. Carlsberg évoque des nécessités de
rationalisation, sur un marché de la bière qui va se
contractant. Pourtant le groupe ne se porte pas si mal que ça.
Il prévoit une croissance de son bénéfice de
40 % en 2010. De 2007 à 2009, sa marge
dexploitation est passée de 11,8 % à
15,8 %. Durant la même période, la
rentabilité du capital investi a été de
11,7 % en 2007 et de 8,2 % les années suivantes.
Bref, ce nest pas franchement la crise du côté de
Copenhague et du sponsor du club de foot de Liverpool. Le rapport
intermédiaire pour le premier semestre peut donc se
féliciter dune bonne performance et dune mise
à niveau des gains. Ainsi, « le groupe Carlsberg a
réalisé une croissance de 12 % du
bénéfice dexploitation, atteignant 5 milliards de
couronnes danoises (env. 896 millions de francs, réd) pour les
six premiers mois de 2010 ».
Une direction intraitable
Ces résultats, évidemment, la direction de
Feldschlösschen ne les évoque pas quand elle parle de
transférer la production de la bière Cardinal à
Rheinfelden dès juin 2011.
Elle propose en conséquence aux 75
employés touchés une double solution : la retraite
anticipée pour dix-huit dentre eux et un reclassement
dans le groupe pour les 57 restants.
Les propositions du syndicat Unia et de la
Commission du personnel ont été balayées
dun revers de main. Poursuivre la production à
Fribourg : impossible, les installations étant
déjà sous-utilisées (à 40 %).
Produire pour des tiers : macache, le marché est en
recul. Se tourner vers les bières de
spécialités : techniquement infaisable,
économiquement irréalisable. Développer Fribourg
comme centre logistique : cela se fait déjà
à Givisiez pour le canton et ailleurs en Suisse romande
(Satigny, Bioley, Sion, Viège, Berne et Bienne). Créer un
centre de regroupement du matériel publicitaire de
Cardinal : niet. Louer le silo à malt : ça
ne crée aucun emploi et cela empêche la vente du terrain
avec droit de préemption merci, cest trop,
fallait pas ! à la commune de Fribourg…
Cest aussi pour protester contre cette
arrogance que le débrayage du 5 octobre a eu lieu, la seule
concession faite par Feldschlösschen étant la promesse de
créer 8 à 10 postes supplémentaires dans le centre
de Givisiez.
Largement suivi par la quasi-totalité des
cinquante personnes présentes, le débrayage a aussi
permis de réaffirmer les revendications avancées dans le
cadre du plan social en préparation :
- davantage de
propositions demploi dans le canton (Feldschlösschen en
propose à Rheinfelden, Sion, Bienne et Berne) ; - retraite anticipée à 55 ans (et non pas à 60 comme le propose la direction) ;
- en cas dacceptation dun emploi sur un autre
site : protection contre les licenciements, défraiement
des déplacements, prise en compte des trajets dans le temps de
travail ; - indemnités importantes pour toutes les personnes ne pouvant accepter un poste ailleurs.
Daniel Süri